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40e Festival International d’Arts Hybrides et Numériques

Le festival VidéoFormes a pour ambition de croiser les créations les plus singulières de l’art vidéo, des arts numériques et de leurs hybridations avec les champs de l’art contemporain plus établis comme le spectacle vivant, les arts plastiques. Cette année 2025 marque la 40e édition de cette manifestation qui se déroule du 13 au 30 mars.

L’exposition phare regroupe des installations audiovisuelles, créations immersives, arts hybrides et numériques en réalités mixtes (réalité augmentée, virtuelle…) conçues par Mathilde Reynaud, Vincent Cicilliato, Laure Nilus, Cuneaz Giuliana, Agnès Guillaume, Scott Hessels, Ismaël Joffroy Chandoutis, Aurélien Jeanney, Véronique Rizzo, John Sanborn, Scenocosme, Santiago Torres, Grecu Mihai, Nicolas Tourte, François Vogel

L’ensemble de ces œuvres sont présentées dans des lieux différents. Des projections, performances et rencontres complètent la programmation du festival. Une compétition vidéo internationale est également à l’affiche. Structurée autour de 7 programmes d’environ 50 minutes et couronnée par des prix remis par un jury, cette compétition donne à voir la variété et la richesse de la création vidéo contemporaine.

> VidéoFormes, 40e festival international d’arts hybrides et numeriques
> du 13 au 30 mars, Clermont-Ferrand
> https://festival2025.videoformes.com/

Imaginaires et Réalisme Extraterrestre

Évidemment avec un titre pareil, on pense à Léo Ferré. Sauf qu’ici, dans cette exposition éphémère, il n’y a pas de fille qui tangue, ni de Moody Blues qui chante la nuit… Mais des artistes qui n’ont pas renoncé au futur en vertu du « réalisme extraterrestre », a contrario du réalisme capitalisme. Le temps d’un week-end prolongé, du 20 au 23 février, la Villa Belleville dans le 20e à Paris a accueilli sur proposition curatorialle de Christophe Bruno, Chrystelle Desbordes et Pierre Tectin des œuvres hybrides, dont « la forme suit la science-fiction ».

Thomas Lanfranchi, Forme n° 8, 2019. Photo: D.R.

Celle que Thomas Lanfranchi met en mouvement à la manière de cerfs-volants au cours de performances filmées (Forme n° 8, 2019). Celle de Lionel Vivier et Guillaume Pascale qui mêlent des images-vidéos de conquête spatiale, d’une lune de Jupiter et d’une petite île tropicale perdue dans l’océan Indien (Europa (to) Europa, 2024). Celle de Pauline Tralongo qui pratique « l’archéologie de l’intangible » et érige des échelles recouvertes de peinture phosphorescente pour accueillir des ovnis (Welcome Aliens! (piste d’atterrissage…), 2025). Celle de Stephen Wolfram pour qui l’Intelligence Artificielle est justement une forme d’esprit extraterrestre (Generative Al Space and the Mental Imagery of Alien Minds, 2023).

Guillaume Pascale, Europa (to) Europa, 2024. Photo: D.R.

D’autres créations conçues par Fayçal Baghriche, Sosthène Baran, Becquemin & Sagot, David Bioulès, Cyril Boixel, Laurence Broydé, Claire Dantzer, Toma Dutter, Ïan Larue, Gabriela Lupu, July Seen, Jeanne Susplugas, Karen Thomas, Joséphine Topolanski, Louis Ziéglé… — encre sur papier, céramique, peinture, dessin, sculpture à porter, installation, gravure et aquarelle — sont autant de portes pour imaginer un autre monde au-delà de l’horizon prétendument indépassable du capitalisme actuel. Pour prolonger un peu plus cette exposition et fixer cette poétique de la faille, un catalogue sera proposé par la maison d’édition Les Plis du ciel courant mars.

> exposition C’est extra – Imaginaires et Réalisme extraterrestre
> du 20 au 23 février, Villa Belleville, Paris
> https://www.villabelleville.org/

Perspectives of AI in the Visual Arts

Pour marquer son ouverture, le centre Diriyah Art Futures de Riyadh, en Arabie Saoudite, propose une exposition qui offre un vaste panorama sur l’art numérique : Art Must Be Artificial, perspectives of AI in the Visual arts.

Edmond Couchot & Michel Bret, Les Pissenlits, 1990. Courtesy of Diriyah Art Futures.

Une nouvelle ère
Cet événement a été organisé par Jérôme Neutres ; commissaire d’expositions, auteur, ex-directeur chargé de la stratégie et du développement pour la Réunion des musées Nationaux-Grand Palais et ancien directeur exécutif du Musée du Luxembourg à Paris. Réunissant une trentaine d’œuvres de pionniers, d’artistes reconnus et de créateurs émergents, cette exposition se distribue sur quatre axes qui mettent en valeur des approches et techniques spécifiques.

Privilégiant un parcours pluriel, plutôt que la linéarité d’un historique, l’exposition nous rappelle que l’art numérique est inséparable de la révolution informatique qui s’est déployée dès les années 60. Au-delà, comme le souligne Jérôme Neutres, c’est aussi l’exploration d’une transformation socio-culturelle profonde, où les artistes ne sont pas seulement des créateurs, mais les architectes d’une nouvelle ère numérique.

Alan Rath, Again, 2017. Courtesy of Diriyah Art Futures.

Lignes de code…
La première étape de cette exposition est placée sous le signe du codage : The invention of a coding palette. La création à l’ère numérique se fait à l’aune de la géométrie et des mathématiques. Mais la programmation informatique et les machines peuvent aussi « dialoguer » ou, du moins, faire écho aux pratiques artistiques plus classiques (peinture, sculpture, etc.). En témoigne, sur le parvis du Diriyah Art Futures, Hercules and Nessus #A_01 de Davide Quayola. Cette sculpture massive et inachevée, exécutée par un bras robotisé dans un bloc de marbre gris, s’inscrit en référence aux sculptures non finito de Michel-Ange. Plus loin, les robots de Leonel Moura sont aussi à l’œuvre… Ils réalisent in situ, de façon presque autonome, des tracés sans fin (011120). On peut aussi admirer sa série de sculptures torsadées qui trônent en extérieur (Arabia Green, Arabia Red, Arabia Blue…).

Dans cette première section, on trouve également quelques-unes des premières œuvres graphiques réalisées par ordinateur dans les années 60-70. Frieder Nake (Walk Through Rathe), Vera Molnar (2 Colonnes, Trapez Series, (Des)Ordres et Hommage à Monet), Manfred Mohr (P-038-II). Avec son installation spécialement créée pour le Diriyah Art Futures, Peter Kogler nous plonge littéralement dans un tourbillon de « formes déformées », au sein d’un grand espace entièrement recouvert de carrés tridimensionnels vert et blanc (Untitled). L’illusion d’optique et l’impression de dérèglement des sens sont saisissantes. Un QR code permet de faire apparaître un insecte virtuel dans cet espace.

Peter Kogler, Untitled, 2023. © Courtesy of Diriyah Art Futures

Poétique de l’algorithme
Cette deuxième partie de l’exposition insiste sur la, ou plutôt, les dimensions presque infinies des installations et pièces générées par des algorithmes : Algorithmic poetry to question of infinity. Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’algèbre (al-jabr) et la notion de suite algorithmique doivent beaucoup au mathématicien perse Al-Khwârizmî… On y retrouve bien évidemment Ryoji Ikeda avec une déclinaison de data.tron [WUXGA version]. Ces entrecroisements de lignes et de chiffres sur fond d’electronic noise contrastent avec le « naturalisme » dont peut faire preuve Miguel Chevalier avec ses fleurs fractalisées (Extra Natural, Fractal Flowers).

En extérieur, Miguel Chevalier propose aussi en projection sur l’une des façades du Diriyah Art Futures des motifs kaléidoscopiques évoquant des arabesques géométriques (Digital Zellig). On peut faire l’expérience de son univers pixelisé au Grand Palais Immersif à Paris jusqu’au 6 avril 2025. Leo Villareal (Floating Bodies), Laila Shereen Sakr alias VJ Um Amel (Rosetta Stones Resurrected), Nasser Alshemimry (Digital Anemone), Daniel Rozin et son miroir mécanique coloré (RGB Peg Mirrror) ainsi que les maelströms de Refik Anadol (Machine Hallucination NYC Fluid Dreams A) complètent cet aperçu. À cela s’ajoutent deux installations, l’une cinétique, l’autre robotique : Piano Flexionante 8 d’Elias Crespin (prototype de L’Onde du Midi installée au Musée du Louvre) et l’étrange ballet des « oiseaux » noirs d’Alan Rath (Again).

Miguel Chevalier, Digital Zelliges, 2022. © Courtesy of Diriyah Art Futures

Nature et artifice
Le troisième temps de cette exposition revient sur la question de la nature et du paysage : A Digital oasis: organic artworks for an artificial nature. On sait à quel point ce sujet est central dans l’histoire de l’art. Là aussi, il est intéressant de voir comment ce thème est traité et réinterprété dans l’art numérique. On mesure le chemin parcouru avec la pièce iconique d’Edmond Couchot & Michel Bret datant déjà de 1990 : Les Pissenlits. Ce dispositif interactif qui permet aux spectateurs de souffler pour disperser les spores des pissenlits sur écran fonctionne toujours, techniquement bien sûr, mais aussi et surtout artistiquement. Plus réalistes, les tulipes générées par Anna Ridler via un programme d’IA semblent paradoxalement inertes (Mosaic Virus, 2019).

Pour les représentations de paysages, on se perd dans les multiples détails des vidéos 4K de Yang Yongliang qui, de loin, paraissent statiques, immuables (The Wave, The Departure). Haythem Zakaria propose aussi une installation vidéo 4K en noir et blanc (Interstices Opus III), concluant un travail de réflexion sur le paysage qu’il a entamé en 2015. Les captations ont été faites en Tunisie, en Algérie et au Maroc. Elles montrent différents plans de l’Atlas qui traverse ces 3 pays. Sur ces vues viennent se greffer des traits et carrés qui trahissent volontairement une manipulation de l’image pour mieux souligner la profondeur de ce massif mythique. En haut des marches conduisant à la terrasse qui coiffe une partie du Diriyah Art Futures flotte une représentation LED du « drapeau » de fumée noire de John Gerrard qui symbolise l’exploitation sans fin du pétrole (Western Flags).

Refik Anadol, Machine Hallucinations – NYC Fluid Dreams A, 2019. Courtesy of Diriyah Art Futures.

L’œil du cyclone
La quatrième et dernière partie de l’exposition focalise sur l’Intelligence Artificielle : Every AI has its look. On y découvre beaucoup de portraits morcelés, fragmentés, désormais si courants à l’heure des smartphones et des réseaux sociaux, au travers de l’installation d’Eyad Maghazil qui a collecté et mis en forme des centaines d’heures de petites vidéos (Stream). Avec sa série IconGif, Xu Wenkai — alias Aaajiao, artiste, activiste et blogueur — opère un retour vers le futur avec ses images très pixelisées reproduites sur écran, où se dessinent des portraits de personnages qui semblent être échappés d’un manga…

Avec ses portraits recomposés sur trois écrans, mélangeant plusieurs bouches et regards sous le « contrôle » d’un algorithme dédié (machine learning), Daniah Al-Salah nous soumet à une injonction : Smile Please! Les techniques de reconnaissance faciale sont aussi une source d’inspiration pour concevoir des portraits à l’ère numérique. Charles Sandison joue avec ces technologies pour créer des visages fantômes, des regards « imaginés » à partir d’une base de données (The Reader 1). Une installation vidéo qui donne tout son sens au titre de cette exposition — Art Must Be Artificial, Perspectives of AI in the Visual Arts — visible jusqu’en février prochain.

Laurent Diouf

> exposition Art Must Be Artificial : Perspectives of AI in the Visual Arts
> du 26 novembre 2024 au 15 février 2025
> Diriyah Art Futures, Riyadh (Arabie Saoudite)
> https://daf.moc.gov.sa/en

La question de la conservation et la sauvegarde des œuvres numériques est désormais mieux prise en compte par les fondations, galeries et musées. Esprits de Paris, l’installation sonore de Mike Kelley (plasticien disparu en 2012) et Scanner (Robin Rimbaud), vient ainsi de faire l’objet d’une importante restauration menée par le Centre Pompidou.

Initialement produite et présentée en 2002 pour l’exposition Sonic Process : une nouvelle géographie des sons, cette installation mêle surveillance vidéo, déambulation urbaine, images captées à la caméra thermique dans des night-clubs, à une mystérieuse composition électronique traversée de pics, de ressacs et de stases où s’expriment les « fantômes » qui hantent la technologie elle-même.

Entre field recordings, electronic noise et captations dans des lieux parisiens chargés d’histoire, ce dispositif singulier se distribue sur douze écrans enchâssés dans une structure en bois construite sur-mesure et rend aussi hommage aux pionniers des EVP (Electronic Voice Phenomena) ; à commencer par Konstantin Raudive. L’installation sera visible et audible jusqu’à la fermeture du Centre Pompidou, en mars 2025, pour des travaux de rénovation qui vont durer jusqu’en 2030.

> Mike Kelley & Scanner (Robin Rimbaud), Esprits de Paris, installation sonore
> du 03 décembre au 15 mars, Centre Pompidou (niveau 4, salle 22), Paris
> https://www.centrepompidou.fr/

une expérience interactive avec l’univers créatif de l’IA

Cette première grande exposition parisienne consacrée à Miguel Chevalier au Grand Palais Immersif à Paris est présentée jusqu’au 6 avril 2025. Captivant et hypnotique, le parcours sur distribue sur 2 étages et 1 200 m2. Cette exposition regroupe des installations immersives, génératives et interactives qui explorent des thématiques actuelles, telles que la surveillance, l’identité numérique et la relation entre l’humain et la machine.

À ces installations se mêlent aussi des vidéos inédites, des sculptures réalisées par impression 3D, ou encore des œuvres lumineuses pensées comme des totems. Les visiteurs sont ainsi en immersion dans l’univers visionnaire de l’artiste, où le réel et le virtuel se rencontrent pour explorer les nouvelles frontières de l’art numérique et de l’intelligence artificielle.

Cette exposition s’articule autour de deux thèmes principaux : la ligne et le pixel. À travers cette dualité, Miguel Chevalier explore les réseaux invisibles qui façonnent nos vies quotidiennes et structurent notre société, qu’il s’agisse de flux de communication, de données ou même de phénomènes cosmiques et métaphysiques.

Ses œuvres récentes, nourries par les progrès de l’intelligence artificielle, interrogent l’impact croissant des systèmes algorithmiques, la nature des images générées par les algorithmes, et questionnent l’influence de la technologie sur notre manière de percevoir le monde.

> exposition de Miguel Chevalier
> du 05 novembre au 06 avril, Grand Palais Immersif, Paris
> https://grandpalais-immersif.fr/

En collaboration et co-production avec l’Observatoire de l’Espace du CNES, jusqu’au début janvier 2025, le Centre des Arts d’Enghien propose une exposition qui regroupe des vidéos, photographies, installations et dessins numériques mis en relation avec des objets témoins de l’histoire de l’aventure spatiale (instruments techniques, archives graphiques, documents audiovisuels).

Antoine Belot, Un ballon qui dérive se fiche de savoir l’heure qu’il est. Photo: D.R.

Si les scientifiques cherchent à décrypter l’Espace, les artistes cherchent à montrer comment l’Espace renouvelle notre imaginaire. Le parcours de cette exposition est divisé en trois parties. Dans la première, les œuvres sont créées à partir d’images d’archives qui sont détournées et transformées. Antoine Belot s’est saisi de films retraçant les premiers lancements de ballons stratosphériques et la naissance du projet Éole (Un ballon qui dérive se fiche de savoir l’heure qu’il est).

Au travers de son installation CSG, Bertrand Dezoteux utilise des archives visuelles de la construction du Centre spatial guyanais pour créer des environnements 3D (photo et vidéo) créant ainsi une ville nouvelle, fictive, dans laquelle le visiteur est invité à déambuler.

À la frontière de la vidéo contemporaine, du cinéma expérimental et de la recherche plastique, Post-Machine d’Olivier Perriquet donne une autonomie troublante aux plans d’objets de l’aventure spatiale (fusées, satellites, véhicules, sondes spatiales, etc.) qui semblent ainsi répondre à une forme de déterminisme…

Justine Emard, In Præsentia. Photo: D.R.

Sensible à l’esthétique des dessins techniques, des équipements, mais aussi des discours qui forment le décorum des débuts de l’aventure spatiale française, Erwan Venn propose une exploitation ornementale et domestique des archives du projet Diamant, le premier lanceur de satellites français, qui se déploie comme les motifs d’un papier peint (À la conquête de l’Espace !).

La deuxième partie de l’exposition est axée autour des véhicules, des animaux et de l’intelligence artificielle employés dans l’exploration spatiale. Grâce au deep learning, toujours à partir d’images d’archives, Véronique Béland a ainsi entraîné une intelligence artificielle pour qu’elle construise une nouvelle génération d’engins spatiaux sans intervention humaine (En sortie, le scientifique de l’espace : point sur la conception).

Plasticienne et vidéaste, Justine Emard montre un singe qui observe des images d’expériences scientifiques : premiers vols en impesanteur réalisés par d’autres singes, météorite flottant à bord de la Station spatiale internationale et vues de la Lune captées par des sondes d’exploration. Dans cette mise en abîme, les gestes et réactions de l’animal devant les images projetées guident le récit du film (In Præsentia).

Eduardo Kac, Télescope intérieur. Phto: D.R.

La série de dessins de Romain Sein, Éphéméride, reprend les angles de vue classiques de la communication scientifique pour construire un récit où ce n’est pas l’observation humaine qui est au centre, mais bien l’action des objets spatiaux (le télescope Hubble qui observe la comète Neowise, une sonde qui rencontre un astéroïde, les traces du rover Curiosity visibles sur Mars).

La troisième et dernière partie de l’exposition réunit des œuvres pensées et créées en rapport avec les spécificités de l’espace, en particulier l’absence de pesanteur. Artiste multimédia et performeur, Renaud Auguste-Dormeuil a réalisé une installation vidéo immersive qui adopte cinq points de vue différents et convoque les sensations de désorientation éprouvées lors des phases successives d’impesanteur et d’hypergravité. Les images ont été tournées à bord de l’Airbus Zero-G qui réalise des vols paraboliques reproduisant un état de micropesanteur.

Baptisée Télescope intérieur, la sculpture de papier d’Eduardo Kac paraît, au premier abord, éloignée de ce contexte. Pourtant elle a flotté à l’intérieur de la Station spatiale internationale lors de la mission spatiale Proxima de l’Agence spatiale européenne en 2016. Elle a été aussi l’objet d’une performance réalisée, in situ, par Thomas Pesquet. Sa forme laisse apparaître le mot « MOI » et évoque aussi une silhouette humaine au cordon ombilical coupé, symbole de l’émancipation de nos limites gravitationnelles…

> exposition Encoder l’Espace
> du 19 septembre au 05 janvier, Centre des Arts, Enghein
> https://www.cda95.fr/

rencontres sonores et visuelles

Articulée autour de nos sens que sont la vue et l’ouïe, l’exposition Dans la nature… chemine entre montagnes, mers et forêts, glaciers et îles, à la découverte d’un environnement de plus en plus fragilisé lorsqu’il n’est pas menacé…
En utilisant différentes technologies, high tech ou bricolées, les artistes nous invitent à une rencontre singulière avec la nature dans ce qu’elle a d’invisible, d’inaudible, de caché et parfois de fantasmé…
Rémy Bender nous propose de découvrir le site du Grand Cor (2584 m d’altitude) en Suisse avec un film produit par une caméra éolienne, et se laisser transporter par le sifflement du vent…
Felix Blume nous immerge dans une pièce qui bourdonne du son des vols de 250 abeilles diffusés par autant de petits haut-parleurs
Stéphanie Roland nous montre des îles dont la cartographie vidéo révèle la date future d’engloutissement.
Sébastien Robert nous donne non pas à voir, mais à entendre les aurores boréales perturbées par les ondes de notre ultra-communication
Pali Meursault & Thomas Tilly nous invitent à écouter le son des glaciers et des témoignages sur les effets du réchauffement climatique sur le milieu de la haute-montagne.
Anne Zimmermann surprend et nous surprend avec les captures vidéos d’animaux qui rôdent la nuit dans la forêt.
Silvi Simon joue les magiciens en fixant sur image l’apparition évanescente de végétaux.

> du 13 avril au 13 juillet, Espace multimédia Gantner, Bourogne / Territoire de Belfort
> https://www.espacemultimediagantner.cg90.net/

science-fiction et nouveaux imaginaires

Dans le contexte de bouleversements auxquels le monde est confronté depuis un demi-siècle, la science-fiction est l’outil de prédilection pour questionner les sociétés actuelles et lire les failles de notre futur immédiat.

Dans les années 2000, les artistes du monde arabe et de ses diasporas s’emparent de la fiction spéculative pour rêver les mondes de demain et dresser un constat sans détours sur l’évolution des sociétés. Par l’anticipation, ils questionnent le présent et le transgressent.

Vidéastes, plasticiens, photographes, performeurs, renouvellent ici les perspectives, redéfinissent les identités et cherchent à offrir des contre-récits émancipateurs : mondialisation, modernité, écologie, migrations, genre ou décolonisation sont quelques-uns de leurs sujets de prédilection…

projections, performances, installations, rencontres, photographies, concerts, ateliers avec Sophia Al-Maria & Fatima Al-Qadiri, Meriem Bennani, Larissa Sansour, Zahrah Al Ghamdi, Souraya Haddad Credoz, Ayham Jabr, Hala Schoukair, Ayman Zedani, Hicham Berrada, Aïcha Snoussi, Sara Sadik, Tarek Lakhrissi, Mounir Ayache, Skyseeef, Gaby Sahhar & Neïla Czermak Ichti

> du 23 avril au 27 octobre, Institut du Monde Arabe, Paris
> https://www.imarabe.org/

Cette exposition a été présentée dans le cadre de la biennale Nemo, mais se poursuit jusqu’au 19 avril au Centre Culturel Canadien à Paris. Conçue par Alain Thibault et Dominique Moulon en association avec Catherine Bédard, En d’infinies variations regroupe des créations et installations interactives qui interrogent la notion de série dans l’art.

Alain Thibault, Apollo 11 Dream

C’est évidemment au XIXe siècle, celui de la révolution industrielle, qu’un tel concept commence à s’incarner dans le champ artistique. La reproduction mécanique puis les technologies du numérique ont décuplé les possibilités de décliner une œuvre en une infinie de variations. Plus récemment, les dispositifs, capteurs, logiciels et algorithmes qui président à un semblant d’intelligence artificielle donnent encore plus de proximité à ces déclinaisons qui se démultiplient désormais au travers de vidéos, animations générées en temps réel, processus itératifs, réalité augmentée, installations interactives…

Chun Hua Catherine, Dong Skin Deep, 2019

La déambulation au sein de cette exposition commence par une confrontation avec les étranges autoportraits de Chun Hua Catherine Dong. Cinq photographies, cadrées au niveau du buste, avec le visage masqué par les imprimés de tissus brodés chinois. Extraits de la série photographique Skin Deep, ces portraits symbolisent la culture de la honte si prégnante dans de nombreux pays asiatiques. Ce sentiment opère comme un véritable outil de contrôle social. On peut aussi « regarder » ces portraits avec un smartphone : une application mobile permet de libérer les messages visuels et animés qui sommeillent à la surface de ces visages privés intentionnellement d’identité.

Nicolas Sassoon, The Prophets (Tanaga 1), 2019

En regard, si l’on ose dire, les sculptures de Nicolas Sassoon mêlent le minéral (pierre volcanique en guise de socle) et le multimédia (écran LCD sur lequel défilent des animations pixellisées évoquant des coulées de lave). Baptisée The Prophets, cette série de sculptures se présente comme une interface poétique entre la technologie informatique et les forces géologiques. L’informatique est également au centre des tentures d’Oli Sorenson. Les motifs de ces tapisseries, qui ne sont pas sans évoquer certains tissus africains et sud-américains, représentent des cartes SIM et des puces électroniques. Logique, en un sens, puisque les métiers à tisser Jacquard furent, au tout début du XIXe siècle, les premières machines programmées et programmables grâce à des cartes perforées.

Nicolas Baier, Vases communicants, 2022

Avec sa boîte noire (Black Box), Nicolas Baier nous donne à « ne pas voir » la réplique complète en impression 3D de l’intérieur d’une tour d’ordinateur. Toutes les pièces et composantes ont été reproduites, mais elles sont cachées à l’intérieur du boîtier qui trône comme un monolithe. Une allégorie qui pointe notre foi aveugle en l’informatique et notre ignorance (du moins, pour la plupart d’entre nous) du fonctionnement interne d’un ordinateur. Leurs radiographies ne nous en apprennent pas plus, malgré le rajout d’acide polylactique. Les traces jaunes de ce polymère qui colonise ces clichés font penser à organisme unicellulaire genre blob (Réplications). Cette « confrontation » entre le technologique et le biologique est sublimée dans une vidéo aux reflets d’or, pleine de transparence, de bruits organiques et industriels, qui combine des vues séquencées du studio de Nicolas Baier envahit de machines et des travellings sur des forêts (Vases Communicants).

George Legrady, Anamorph-Lattice, 2020-2022

Les panneaux de George Legrady sont aussi le résultat d’un enchevêtrement d’images. À la base, ce sont de vieilles photographies noir et blanc. Dupliqués des dizaines de fois, ces clichés sont ensuite disposés dans un espace 3D virtuel, sans que leur agencement laisse deviner ce qu’ils représentent. Ils forment une multitude de traits et l’ensemble à l’apparence d’une plaque de métal brossé (Anamorph-Lattice). Les vidéos de Salomé Chatriot présentent aussi des formes enchevêtrées. Celles-ci sont générées à partir du souffle de l’artiste lors de performances interactives (Breathing Patterns). Autre dispositif interactif : People on the Fly de Christa Sommerer & Laurent Mignonneau. Là, ce sont les spectateurs et non pas les artistes qui mettent en mouvement un essaim de mouches qui englobe leurs silhouettes sur écran : lorsqu’une personne bouge, des centaines de mouches artificielles l’entourent en quelques secondes, mais lorsqu’elle reste immobile, les insectes s’envolent.

Laurent Diouf

En d’infinies variations
> cette exposition s’inscrit dans le cadre de Nemo – Biennale internationale des arts numériques
> commissaires d’exposition : Dominique Moulon & Alain Thibault en collaboration avec Catherine Bédard
> du 7 décembre au 19 avril, Centre Culturel Canadien, Paris
> https://canada-culture.org/event/en-dinfinies-variations-2/

L’art à l’ère digitale

Multitude et singularité : ces deux notions ne s’opposent pas, mais se complètent pour dessiner notre futur immédiat. La multitude c’est bien sûr celle des réseaux et des données, celle aussi de la manière de représenter et d’appréhender le monde au fil des innovations numériques (virtualité, etc.). La Singularité (avec une majuscule) c’est l’étape suivante, celle où la technologie s’émancipe et surpasse son créateur. Vernor Vinge, mathématicien et auteur de science-fiction, en a rappelé la possibilité au début des années 90s. Un point de bascule qui commence actuellement à s’imposer à l’humanité comme questionnement majeur avec les balbutiements de l’Intelligence Artificielle.

Stine Deja & Marie Munk, Synthetic Seduction: Foreigner. Photo: D.R.

Multitude et singularité : pour l’art à l’ère digital c’est une double source d’inspiration. L’exposition collective éponyme nous en offre un aperçu au travers d’une toute petite dizaine d’œuvres visibles à Paris, à la Maison du Danemark, jusqu’au 25 février. L’emblème de cet événement est l’étrange visage d’une créature synthétique s’observant dans un miroir. Cette installation fait partie de la série Synthetic Seduction de Stine Deja et Marie Munk. Une œuvre collaborative qui « déborde » dans le réel et le virtuel, comme sculpture et installation vidéo. L’humanoïde que l’on voit découvrir son visage et surtout les formes arrondies qui s’empilent sur écran trouvent un prolongement sous forme de grosses excroissances de couleur chair (précision : une chair bien rose d’Occidental marbrée de veines bleues…). Disposées sur le sol de l’espace d’exposition, ces sculptures organiques ne sont pas sans évoquer les poufs des années 70s ; une photo montre d’ailleurs les deux artistes vautrés (lovés ?) dans cette création au penchant « régressif ».

Cecilie Waagner Falkenstrøm, An algorithmic gaze II. Photo : D.R.

La chair est également au centre de l’installation générative de Cecilie Waagner Falkenstrøm. An algorithmic gaze II montre une succession d’images fondues et enchaînées d’hommes ou de femmes qui se déploient selon une chorégraphie au ralentie. Mais ici la « couleur chair » offre une palette plus large, comme affranchie des stéréotypes si souvent reconduits par les algorithmes. La superposition de ces corps hybrides, déformés comme s’ils étaient en cire ou échappés d’un tableau de Dali, témoigne des efforts de la machine pour surmonter ce biais algorithmique en rassemblant des milliers de photographies de nus qui soient à la mesure de nos diversités en termes de genre, d’âge et d’ethnicité.

Mogens Jacobsen, No us (1 off). Photo : D.R.

La multiplicité et la mixité sont aussi à l’image des visiteurs grâce à No us (1 off) de Mogens Jacobsen. Située à l’entrée de l’exposition, cette installation générative invite le spectateur à se regarder dans un miroir semi-transparent qui « cache » une caméra couplée à un système de détection faciale. Ce qui ressemble à une platine disque, « reconfigurée » comme interface de projection, permet d’afficher le visage du visiteur puis de le fusionner avec d’autres visages sur un écran avec une résolution correspondant à celle des débuts de la télévision cathodique. Image de soi encore avec 360° Illusion IV de Jeppe Hein. Ce dispositif plus mécanique que numérique, low-tech donc, repose sur un jeu de miroirs rotatifs. Ce qui surprend c’est le mouvement de l’image qui tourne, comme scotchée sur les miroirs, alors que l’on s’attend à ce que notre reflet reste immobile malgré la rotation du dispositif…

Jens Settergen, GhostBlind Loading. Photo : D.R.

L’installation sonore de Jens Settergen, GhostBlind Loading, comporte également des miroirs ainsi que des pierres et des feuilles (mais pas de ciseaux). Ce décor est la mise en scène d’un dispositif nous permettant d’écouter l’invisible, c’est-à-dire les sons et activités électromagnétiques des appareils électroménagers « intelligents » et autres objets connectés qui ont envahi notre quotidien. C’est un autre élément qui est au centre de l’installation vidéo de Jakob Kudsk Steensen : l’eau. Indispensable à la vie, composante majoritaire de notre masse corporelle, mais aussi à l’origine pour certaines personnes de peur irrationnelle : Aquaphobia est une suite de paysages virtuels fantasmagoriques, de couleur verte bleutée, comme échappés de jeux vidéos ou d’un film d’anticipation

Laurent Diouf

> Multitude & Singularité avec Stine Déjà & Marie Munk, Jeppe Hein, Mogens Jacobsen, Jakob Kudsk Steensen, Jens Settergren, Cecilie Waagner Falkenstrøm…
> cette exposition s’inscrit dans le cadre de Nemo – Biennale internationale des arts numériques
> commissaire d’exposition : Dominique Moulon
> du 8 décembre au 25 février, Le Bicolore / Maison du Danemark, Paris
> https://lebicolore.dk/