Archive d’étiquettes pour : Scopitone

Techniques divinatoires, divination algorithmique et échos du futur

L’exposition Prophéties est au cœur de la programmation de la 23e édition du festival Scopitone qui se déroulera à Nantes du 17 au 21 septembre 2025. Comme son titre le laisse deviner, si l’on ose dire, les œuvres combinent pratiques séculaires et numériques. Si le désir de connaître ce qui peut advenir, ce qui doit venir, taraude l’humanité depuis toujours, qu’en est-il aujourd’hui dans notre monde numérisé ?

Pierre-Christophe Gam, The Sanctuary of Dreams. Photo: D.R.

Cette exposition offre une réponse en trois temps. Le premier intitulé Techniques divinatoires réunit des œuvres qui reprennent et mettent en scène des objets, rituels et protocoles censés laisser entrevoir l’à venir. Les tarots « numériques » de Räf & Clö (Tarötmatön) et ceux de Suzanne Treister (Hexen 2.0 et Hexen 5.0) qui retracent l’histoire d’une contre-culture technologique. L’astrologie appliquée à la prospective immobilière d’Alice Bucknell (Align Properties). Ifá, le système divinatoire des Yorubas aussi complexe que le Yi King chinois, en filigrane dans l’installation vidéo de Pierre-Christophe Gam (The Sanctuary of Dreams) qui combine paysages sonores, dessins, réalité augmentée et animations 3D…

Gwenola Wagon & Pierre Cassou-Noguès, Au bord du temps. Photo: D.R.

Dans un deuxième temps, baptisé Divination algorithmique, les œuvres montrent la « coalition » qu’il peut exister désormais entre l’intelligence artificielle générative et les techniques divinatoires. Entre invocation et simulation avec les dispositifs interactifs de Daniela Nedovescu & Octavian Mot alias mots (The Confessional et AI Ego), inspiration médiumnique pour Albertine Meunier (Qui est là ?), préhistoire réinventée à l’aune du futur grâce à Véronique Béland & Julie Hétu (L’Archeosténographe) et, plus classique, le détournement des codes et logiques économiques d’Internet par Tega Brain & Sam Lavigne (Synthetic Messenger).

Tega Brain & Sam Lavigne, Synthetic Messenger. Photo: D.R.

Le troisième temps, les Échos du futur, questionne autant notre avenir proche que le présent. Pour Thomas Garnier qui ressuscite de manière high-tech les théâtres d’ombres du XVIIIe, le passé annonce de mauvais Augures… Alain Josseau anticipe le traitement médiatique des guerres automatisées de demain (Automatic War et UAV Factory). En revenant sur les incendies qui ont ravagé les Landes en 2022, Gwenola Wagon & Pierre Cassou-Noguès s’interrogent sur la nature des images d’actualité et leur statut d’archive au long cours (Au bord du temps).

Alain Josseau, Automatic War. Photo: D.R.

Entre fiction et dénonciation, le collectif Disnovation.org, au travers de son Bestiaire de l’Anthropocène, dresse un inventaire des créatures hybrides de notre époque : plastiglomérats, chiens-robots de surveillance, arbres-antennes, aigles anti-drones… Avec Misunderstandings, Rocio Berenguer développe également un récit prospectif et pétri d’imaginaire pour retracer l’histoire de la divination et des pronostics, alliant cailloux de compagnie, technologies prédictives du Moyen Âge et apprentissage de langage extraterrestre…

Exposition Prophéties
> Scopitone 2025, 23e édition
> du 17 au 21 septembre, Nantes
> https://stereolux.org/

L’exposition (In)surrection est au cœur de la 22e édition du festival Scopitone organisé par Stereolux à Nantes.

Ce rendez-vous des arts numériques et des musiques électroniques, qui se déroulera du 18 au 22 septembre 2024, sera ponctué de conférences, d’installations in situ (Flux, l’architecture cinétique et lumineuse du Collectif Scale), de spectacles (La Fin du Présent de la compagnie InVivo en première mondiale) et rythmé par deux nuits électro (feat. Christian Löffler, King Kami, Venetta, Dylan Dylan, Saliah, Canblaster, Paul Cut…).

Mise en place par Mathieu Vabre et Anne-Laure Belloc, l’exposition (In)surrection reflète et dénonce notre « monde en tension ». Son titre joue sur le terme « surrection », une notion géologique décrivant un processus tectonique dans lequel des blocs de la croûte terrestre se soulèvent, et qui symbolise donc ici le soulèvement du Vivant contre l’Anthropocène. Cette exposition est articulée en trois chapitres qui explorent les facettes poétiques, écologiques et politiques de ce soulèvement.

Mihai Grecu, Série Desert Spirits. Photo: D.R.

Le premier volet s’intitule Quand les corps se soulèvent : Certains phénomènes, qu’ils suivent une logique immuable ou qu’ils défient les lois de la physique, élèvent les objets et les êtres vivants. Cette lévitation incarne l’évasion en même temps qu’un ordre naturel (Lingjie Wang et Jingfang Hao, Falling and Revolving). Qu’elle soit le fruit d’une technologie avancée (Mihai Grecu, Série Desert Spirits) ou d’une odyssée dans l’immensité de l’Univers (Marie Lienhard, Logics Of Gold / Aki Ito, Félicie d’Estienne d’Orves, Jean-Philippe Lambert – Astérismes / Guillaume Marmin, Oh Lord), elle éveille notre curiosité et permet de prendre du recul sur notre existence.

June Balthazard & Pierre Pauze, Mass. Photo: D.R.

La deuxième partie, Quand la Nature se soulève, évoque les conséquences écologiques provoquées par l’Humanité, et nous remémorent notre fragilité face aux forces de la Nature. Si les promesses techno-solutionnistes et les fables d’un monde fantasmé n’y font rien (Marie-Julie Bourgeois, Homogenitus / Maxime Berthou, Paparuda), les artistes se sont emparé·es des technologies pour éveiller les consciences de façon poétique. Tantôt en soulignant le caractère immémorial du Vivant (Clément Edouard et Pierre Warnecke, Flux), tantôt en évoquant les conséquences de l’intervention humaine sur le cycle de la Nature (Vivien Roubaud, Salsifis Douteux). Et de ce chaos, surgit parfois une beauté sauvage, une force brute, quasi mystique qui rappelle la vitalité et la résilience du Vivant (June Balthazard et Pierre Pauze, Mass).

Jean-Benoit Lallemant & Richard Louvet, DDoS, Distributed Denial of Service attack, Place de la Bastille. Photo: D.R.

Plus politique, la troisième section de cette exposition, Quand les peuples se soulèvent montre comment, face au soulèvement, les pouvoirs en place déploient un arsenal technologique pour maintenir leur emprise. Désormais, les outils numériques sont au cœur des systèmes de surveillance et du contrôle des masses (Clemens Von Wedemeyer, Crowd Control). Mais les artistes se sont réapproprié·es ces armes : le hacking sert autant à dénoncer les violences policières (Thierry Fournier, La Main invisible) qu’à détourner des barricades en place (Jean-Benoit Lallemant & Richard Louvet, DDoS, Distributed Denial of Service attack, Place de la Bastille) et font également retentir la voix des peuples opprimés — celles des victimes de systèmes corrompus (Paolo Almario, Marmelade) ou celles d’opposante·s disparu·es (Stéphanie Roland, Missing People – Inventio fortunate).

Laurent Diouf

> exposition (In)surrection, entrée gratuite
> du 18 au 22 septembre, Nantes
> Halles 1 & 2, Galerie Open School Beaux-Arts Nantes Saint-Nazaire, Allée Frida Kahlo Galerie Mélanie Rio Fluency, Galerie de l’Ordre des architectes
> https://www.stereolux.org/

cultures électroniques et arts numériques

Après les turbulences des années Covid et malgré les séquelles encore en cours, 2022 semble marquer un retour à la normale pour les grands événements publics. Timing idéal pour Scopitone qui célèbre ses 20 ans d’existence en cette rentrée, du 14 au 17 septembre.

Cet anniversaire sera marqué par du mapping projeté dans la cour du Château des ducs de Bretagne. Aux manettes, Yann Nguema (fondateur d’Ez3kiel). Pour cette création, il va puiser des éléments de la culture indienne (s’inspirant de l’exposition Reflets de mondes sacrés visible au château) et les télescoper avec d’autres esthétiques issues de civilisations et époques différentes. Ce métissage culturel en forme d’uchronie architecturale s’animera régulièrement tous les soirs du festival à partir de 21h00.

Rendez-vous quasi-similaire mais sur les bords de l’Erdre, quai Ceineray, avec Joanie Lemercier (co-fondateur du label AntiVJ) pour son l’installation audiovisuelle Constellations qui brille de multiples reflets aux couleurs blanches et argentées nimbées de noir. Des visuels projetés sur de fines gouttes d’eau en suspension forment ainsi des images tridimensionnelles qui nous donnent l’impression de plonger aux tréfonds du cosmos jusqu’aux limites de l’univers. La bande-son est signée Paul Jebanasam.

Sur le front des lives A/V, on retrouve avec plaisir Alex Augier. Il proposera hex/A\, une performance millimétrée qui combine son, vidéo et laser. Attentif à la « mise en scène », Alex Augier sait surprendre le public par des images et des sonorités qui frappent comme des uppercuts. Sébastien Guérive devrait aussi surprendre avec son projet Omega Point en développant une atmosphère ambient et expérimentale, en contrepoint des images organiques du réalisateur Mikaël Dinic diffusées sur onze cylindres.

Plus coloré, plus festif aussi, le tandem formé par S8JFOU et Simon Lazarus devrait embarquer le public dans un univers à la fois rythmé et introspectif avec leur live AV Op Echo. Autre duo au programme, Atoem se partage également entre deux mondes, organique et synthétique, acoustique et électronique. À noter qu’ils seront aussi présents pour une masterclass sur la synthèse soustractive ; c’est-à-dire autour du synthé modulaire qu’ils ont fabriqué et des différentes phases du processus créatif (composition, mixage, enregistrement, etc.).

Le jeudi 15, la salle Maxi de Stereolux devrait résonner sous les assauts combinés de 4 artistes : Maelstrom, Flore, Fasme et Djedjotronic. Cette performance à 8 mains devrait être un des temps forts des lives et DJs sets de cette édition avec Daniel Avery, tête de pont de la première nuit electro qui s’achèvera tôt le matin. Le reste de la programmation musicale nous échappe quelque peu, question de génération…, mais nul doute qu’entre Gazole Inc., Poté, Decius, Asna & Anyoneid, Zone Rouge, Anetha, Myd, Bambounou ou Nesa Azadikhah, cet anniversaire bénéficie de bonnes vibes.

> du 14 au 17 septembre, Nantes
> https://www.stereolux.org/scopitone-2022/

cultures électroniques et arts numériques

Le rendez-vous international des arts numériques et des musiques électroniques organisé par Stereolux à Nantes aura lieu du 9 au 19 septembre. Cette 19e édition est portée par Hyper Nature, soit près d’une vingtaine d’installations qui reflètent les préoccupations et actuelles. En premier lieu, l’urgence climatique et les questions liées à l’environnement.

Les plantes sont au centre de plusieurs dispositifs. Au travers de son installation qui mêle vidéo et réalité augmentée, Elise Morin cherche à percer le secret de la résistance à la radioactivité de certaines plantes (Spring Odyssey). Mené en collaboration avec des biologistes de la NASA, que le sujet intéresse en vue de futures conquêtes spatiales au long cours, ce projet se base sur la végétation de la fameuse forêt rouge qui borde Tchernobyl…

Sabrina Ratté a élaboré un conservatoire virtuel où l’on entre-aperçoit des échantillons d’espèces végétales disparues (Floralia). À l’heure où les occidentaux obèses ou végétariens se gavent de spiruline (initialement élaborée pour combattre la malnutrition au Sahel, faut-il le rappeler), l’installation de Cécile Beau intitulée Soleil Vert se passe de commentaires…

Le phénomène des cryptomonnaies est mis en scène par Anna Ridler avec Mosaic Virus qui met en parallèle les données de 10000 tulipes (qui renvoient au premier crash spéculatif de l’histoire au XVIIe siècle aux Pays-Bas) avec les fluctuations du Bitcoin. Justine Emard fait le lien entre les abeilles et la fragilité de notre écosystème avec une installation basée sur un système de machine learning (Supraorganism). Le duo HeHe illustre simplement, mais efficacement, l’asphyxie qui menace notre planète en projetant de la poussière fluorescente sur un globe terrestre en mouvement (Laboratory Planet II).

Barthélemy Antoine-Lœff a recréé en miniature un glacier artificiel (Tipping point). Une illustration de la disparition de celui d’Okjökull, en Islande en 2014 ; premier glacier évaporé suite au réchauffement climatique dû aux activités humaines. L’eau (Laura Colmenares Guerra), la pollution lumineuse (Pepa Ivanova) ou bien encore les mouvements électro-magnétiques (Claire Williams) sont, entres autres, aussi mis en avant.

Pour les performances et le volet musical, on note en particulier la présence de Tim Hecker, Bird Signals For Earthly Survival, Para One, Alex Augier & Heather Lander, High Tone… Ateliers, ciné-mixes, workshops et rencontres complètent cette programmation.

> du 09 au 19 septembre, Stereolux, Nantes
> https://www.stereolux.org/scopitone-2021

cultures électroniques & arts numériques

Expositions, lives, performances sonores et visuelles : durant 10 jours, du jeudi 12 au dimanche 22 septembre, le festival Scopitone investit une nouvelle friche promise à la démolition, l’ancien MiN (Marché d’intérêt National, équivalent de Rungis) sur l’île de Nantes. Pour cette 18ème édition, c’est donc une programmation augmentée, doublée, qui offre une diversité de scènes, d’événements et de rendez-vous.

Des tables rondes et conférences permettront de poursuivre des réflexions autour du futur, des technologies et des arts numériques. Les Rendez-vous du Labo proposent également des ateliers, masterclass et workshop autour des Nouvelles interactions entre humains, nature et technologie ; la Conservation de l’art numérique ; l’Approche écoconsciente de l’art numérique ; la Sonification du geste avec Max8

Parmi les expositions et installations, on citera notamment les géants lumineux d’Amanda Parer (Fantastic Planet) ; le poisson-rouge qui pilote depuis son aquarium un fauteuil motorisé, un artefact conçut par le collectif Dardex aka Quentin Destieu & Sylvain Huguet (Machine 2 Fish v2) ; le ballet de vapeurs blanches mis en scène par Sebastien Wolf & Michael Kugler (Brume) ; les fumées s’échappant d’une structure monumentale conçue par Guillaume Cousin (Le Silence des Particules).

Pour le volet performances AV et musiques électroniques, on retrouve en ouverture Étienne de Crécy avec un nouveau dispositif scénique (Space Echo). À l’affiche également, mais pas seulement, le collectif Transforma pour un set audio-visuel qui revisite l’histoire des manufactures sur une composition signée de Sascha Ring (Manufactory), Maxime Dangles en plongée dans les grands fonds (Sonars), Ryoichi Kurokawa (subassemblies), Julien Bayle (Structure.Live), Andreas Lutz (Binary Supremacy)…

Sans oublier Molecule pour une version imagée en 360° de son album « groenlandais » (-22.7°C live 360), Alex Augier (p(O)st), Pierce Warnecke & Clément Édouard (Sédiments), Kompromat (Vitalic + Rebeka Warrior, ex-Sexy Sushi)… Plus inattendue, Chloé alliée au collectif Scale s’éloigne des codes du clubbing techno pour explorer des territoires plus ambient-electronica… En bout de piste, dans une pièce noire, Fabien Aléa Nicol & Anne-James Chaton combineront fragments de textes philosophiques et pulsations stroboscopiques (Distanding Waves).

Scopitone 2019
> du jeudi 12 au dimanche 22 septembre, Nantes
> https://www.stereolux.org/scopitone

cultures électroniques & arts numériques

Porté par Stereolux, plateforme dédiée à la diffusion, au soutien à la création et à l’accompagnement des musiques actuelles et des arts numériques, le festival nantais Scopitone affichait cette année sa 15ème édition ! Une édition structurée autour d’ateliers, de tables rondes, de nuits électro (Helena Hauff, Agoria, Lindstrøm, The Field, etc.) et d’un parcours d’exposition singulier.

Une exposition jalonnée de créations exclusives et/ou de premières présentations françaises pour de nombreuses pièces disséminées dans plusieurs lieux. À commencer par La Fabrique de Stereolux, Trempolino et Les Nefs à côté des fameuses Machines sur l’Île de Nantes, zone toujours en plein (ré)aménagement, ainsi que le Readi (Lab et École de Design), la Cale 2 Créateurs, le Ferrailleur et Le Jardin des Berges. Le festival a également investi d’autres endroits emblématiques de Nantes, comme le Château des Ducs de Bretagne, le Manoir de Procé, Le Lieu Unique et la Tour de Bretagne, par exemple.

De l’ensemble de l’exposition se dégage une cohérence, marquée la philosophie « art / science » de cette édition avec des œuvres qui jouent sur la lumière, les données et la perception visuelle. Une unité renforcée également par le son : la plupart des installations et performances proposées déploient une « bande-son » percluse de craquements électrostatiques et de bourdonnements d’infra-basses… Mais la thématique première est bien celle du traitement et de la mise en forme de l’information, de La matérialité des données. Comment les traduire et les rendent visibles ? Comment les gérer et se les réapproprier ? Tel était le champ de questionnement d’une conférence passionnante, qui s’est d’ailleurs prolongée au-delà de l’horaire prévu le jeudi, en prolongement de workshops.

Dans cet esprit, parmi les œuvres exposées, Kinetica conçue par Martial Geoffre-Rouland incarnait parfaitement cette matérialisation en temps réel du monde de flux et d’interconnexions dans lequel nous vivons désormais. Réalisée avec le soutien nécessaire d’Orange puisque cette installation cinétique repose sur la visualisation des données (localisation, déambulation et d’activités dans la ville) transmises par les smartphones et restituer ici sous forme d’un panneau composé de dizaine de disques (6×12) pivotants selon les impulsions reçues. Une barre LED au milieu de chaque disque, à la couleur spécifique selon l’activité, permettant de se situer sur cet échiquier numérique après avoir téléchargé l’application adéquate.

Le mouvement des Clones de Félix Luque Sánchez est, par contre, initié par un algorithme programmé de manière aléatoire et chaotique. Une routine qui anime deux pendules montés chacun sur ce qui s’apparente au bras d’une table traçante. En équilibre instable, on assiste aux efforts (pas toujours désespérés) des balanciers pour se maintenir à niveau; ce qui les faits aussi ressembler à des athlètes s’échinant sur barres parallèles… Allié à Iñigo Bilbao, Félix Luque Sánchez propose aussi une autre installation « plurimédia » : Memory Lane. On y observe sur écran, comme au travers d’un miroir grossissant et déformant, les fragments d’une roche dont le relief à la fois étrange et aride évoque une planète lointaine…

C’est par contre à un astre plus familier, en l’occurrence la lune et ses croissants, que nous fait penser Diapositive 1.2 réalisé par Children of the Light (i.e. le duo Christopher Gabriel & Arnout Hulskamp). Cette autre installation cinétique se présente comme un immense pendule cerclé de LEDs qui pivote lentement et s’électrise parfois brutalement d’une lumière à la blancheur froide, déchirant le noir sidéral dans lequel il est suspendu. Daito Manabe et Motoi Ishibashi utilisent eux aussi des LEDs pour transfigurer le spectre lumineux, faire apparaître des fréquences (et donc des couleurs) habituellement invisibles. Pour les visualiser, il faut là aussi charger une petite appli qui génère un filtre révélant d’autres dimensions, formes et couleurs qui se cachent dans les ombres — la pièce s’intitule rate-shadow — d’une succession d’objets et d’artefacts disposés sur des présentoirs.

Mais la pièce maîtresse de ce parcours d’exposition est installée dans une des salles du Château des ducs de Bretagne. Elle résulte d’une collaboration entre Ryoichi Kurokawa et l’astrophysicien Vincent Minier. Intitulée Unfold, il s’agit d’une « mise en scène » des données recueillies par le télescope spatial Herschel sur la formation des étoiles. De cet amas stellaire brut, Ryoichi Kurokawa a fait une représentation géométrique et sonore projetée sur 3 panneaux englobants notre champ de vision. Le résultat n’est pas sans rappeler Ryoji Ikeda par ses lignes de fuite et son electronic-noise, ses soubresauts épileptiques et son foisonnement de particules… L’idéal étant de s’allonger sous l’épicentre de la projection, une petite estrade étant prévue à cet effet, pour pleinement s’immerger dans cette fresque cosmique.

Il est toujours question de lumière et d’espace, mais cette fois de manière beaucoup plus délimitée, contrainte, avec constrained curface. Une autre installation de Ryoichi Kurokawa composée de deux écrans inclinés, disposés en décalé. Tout ce passe à leur point d’intersection, comme un effet miroir. Les couleurs obéissent à un nuancier synchronisé, là aussi, avec de l’electronic-noise. Changement d’ambiance et de propos avec Rekion Voice de Katsuki Nogami. En entrant dans cette troisième salle du château, nous avons l’impression de pénétrer dans une basse-cour. Sauf que ce ne sont pas des volatiles qui émettent des piaillements, mais des petits « robots » bricolés et fixés sur des supports. Les sons qu’ils émettent sont en fait le bruit amplifié des petits moteurs qui les animent en fonction du mouvement du public. Il y en a une dizaine environ, dont un à l’entrée, en sentinelle, qui donne l’impression de prévenir ses congénères de notre visite…

Cela dit, il n’y a pas que des artistes confirmés au programme de cette expo. Scopitone a réservé une visibilité à deux créations lauréates d’un appel à projets Arts & Technologies lancé par Elektroni[k] (then goto festival Maintenant…). On découvre ainsi Uluce du collectif Recif : une structure de toile tendue de 13 faces. Mi-sculpture interactive, mi-instrument, le public est invité à toucher les surfaces qui réagissent et activent un jeu de lumière et de sons. Les autres lauréats sont Paul Bouisset et Eugénie Lacombre qui présente _Logik, une interface qui permet d’agencer et moduler des formes en rotation sur écran.

Les lives A/V lors de la soirée d’ouverture s’inscrivent également dans ce « grand jeu » de lumières, sons et données. Si l’arrière-plan de Ljøs du collectif fuse* n’est pas sans évoquer les cieux étoilés, la performance de la cordiste Elena Annovi en interaction avec cette trame audio-visuelle donne une tout autre dimension à ce type de performance, ou plutôt redonne son sens premier au mot « performance ». Plus humain évidemment, ce genre de live-act pourrait aussi s’apparenter à ce que l’on nomme le nouveau cirque, en plus high-tech…

Par contraste, Matthew Biederman & Pierce Warnecke apparaissent beaucoup plus conventionnels, réduisant leur set à une sur-multiplication de combinaisons de formes géométriques basiques sur un jeu de couleur là aussi réduit (bleu et rouge pour l’essentiel). Délaissant ce genre d’arithmétique sonore et visuelle pour des formes plus organiques et des sonorités vaporeuses presque ambient, Paul Jebanasam & Tarik Barri nous ont vraiment séduits avec leur Continuum. En clôture, c’est un autre type de performance avec sons circulaires et lumières synchronisées qui est attendue, celle de Gwyneth Wentink, Wounter Snoei et Arnout Hulskamp (de Children of the Light) : In Code. Soit une variation électroacoustique (harpe) et électronique autour de IN C de Terry Riley. À l’heure où ce premier bilan de l’édition 2016 de Scopitone est mis en ligne, il vous reste le temps d’y assister !

Laurent Diouf

Infos: www.stereolux.org/scopitone-2016
Photos: D.R.