Archive d’étiquettes pour : Martin Howse

Art & Recherche Biomédicale

L’exposition Plus Que Vivant qui structurait le festival Open Source Body a été l’occasion de découvrir une dizaine d’installations qui interrogent le vivant par le biais de la santé et de la recherche médicale. Les artistes qui étaient réunis pour cet évènement proposé par Art2M/Makery/MCD et la Cité internationale des arts sont impliqués dans le projet ART4MED (Art meets Health and Biomedical research) co-financé par le programme Europe Créative de l’Union Européenne.

Cette thématique spéculative autour des biotechnologies n’était pas sans évoquer l’âge d’or de la science-fiction. Comment ne pas penser au meilleur des mondes d’Aldous Huxley, où les êtres humains sont conçus à la chaîne en laboratoire, en étant confrontés à UNBORN0x9… Cette installation de Shu Lea Cheang et Ewen Chardronnet, où l’on distingue un nouveau-né dans une sorte de couveuse ovoïde (sur)veillée par un bras robotisé, pose la question du développement des fœtus hors du corps, dans des utérus artificiels, et du devenir cyborg de la parentalité…

Unborn0x9, de Shu Lea Cheang, Ewen Chardronnet et le collectif Future Baby Production. Photo: © Quentin Chevrier

Le corps et ses ressources, parfois insoupçonnées, sont à la fois source d’inspiration, matériaux et données brutes pour ces explorations artistiques qui agissent aussi comme des alertes. Proche du milieu des biohackers, l’artiste-performeuse Maya Minder proposait Green Open Food evolution. Une réflexion autour de la consommation des algues, si prisées au Japon notamment, ainsi qu’une expérience communautaire autour de la nourriture. Un dîner performatif où le design à une importance centrale. Pour reprendre la formule consacrée, nous sommes ce que nous mangeons et l’on peut aussi s’interroger sur l’évolution et les transformations de nos organismes selon nos régimes alimentaires.

Avec Tiny Minning, Martin Howse présentait une sorte d’auto-exploitation des corps pour en extraire des minerais et terres rares… Cette initiative est suivie depuis 2019 par une communauté informelle de chimistes, géologues, artistes et médecins « alternatifs ». Ce projet pour le moins étonnant reste purement fictionnel. Il ne s’agit pas de mettre en œuvre de tels protocoles en direction du grand public, mais de se livrer à une spéculation et d’expérimenter des pistes en résonnance avec la problématique de l’exploration et du pillage des ressources minières.

Helena Nikonole & Lucy Ojomoko travaillent plus en surface, si l’on ose dire… Leur projet Quorum Sensing : skin flora signal system passe par des modifications génétiques de la peau humaine. L’idée est de pouvoir détecter des maladies grâce aux odeurs émises par les bactéries du microbiome cutané qui joueraient ainsi le rôle d’un signal d’alarme. À noter que dans ce processus, les odeurs produites ne sont pas forcément mauvaises, comme dans la vraie vie, mais peuvent revêtir des senteurs florales par exemple… Helena Nikonole & Lucy Ojomoko ont matérialisé et testé ce projet via un dispositif d’odorat biomorphique relié à des récipients en verre par des tubulures souples en plastique. Le public est invité à renifler délicatement les diverses exhalaisons ainsi (re)créées.

Quorum Sensing, de Helena Nikonole and Lucy Ojomoko, lors du vernissage. Photo: © Quentin Chevrier

Avec M/Other : arts of repair, Edna Bonhomme, Nazila Kivi, Jette Hye Jin Mortensen & Luiza Prado ont choisi d’opérer sur les âmes plus que sur les corps. Mis en scène dans une salle abandonnée d’un hôpital psychiatrique (toujours en activité), cette installation collective et multifacettes vise à explorer les possibilités de réinvestir les espaces de guérison institutionnels et met exergue les inégalités en matière de santé et de la violence raciale dans les antécédents médicaux.

M/other: the arts of repair / Jette Hye Jan Mortensen. Photo: © Quentin Chevrier

Enfin, l’approche politique était assurée par Estelle Benazet Heugenhauser & Cindy Coutant aka L4bouche. Leur installation Jupiter Space se présente comme une fresque avec des collages, dessins, photos et fragments de textes signés, par exemple et au hasard, par Ulrike Meinhof… La source de cette installation qui s’érige contre la domination masculiniste et le contrôle des corps est un texte de la chercheuse Zoë Sofia — à laquelle Donna Haraway doit beaucoup — publié dans les années 80 dans la revue Diacritics. Intitulé Exterminer les fœtus : avortement, désarmement, sexo-sémiotique de l’extra-terrestre, ce manifeste a été traduit justement par L4bouche et vient juste de paraître en français aux éditions Excès.

Jupiter Space, de Cindy Coutant & Estelle Benazet (l4bouche). Photo: D.R.

À l’occasion d’une précédente « monstration » de cette installation, à la galerie Les Limbes à Saint-Étienne en 2021, Jacopo Rasmi (maître de conférences en arts visuels et études italiennes à l’Université Jean Monnet) analysait avec précision cette galaxie sidérale et sidérante d’une domination masculiniste qui façonne les imaginaires, les outils et les désirs au détriment autant des corps féminins que des milieux terrestres (lisez Lundi.AM !).

Festival Open Source Body, édition 2022
Exposition Plus Que Vivant : quand l’art rencontre la santé et la recherche médicale
> https://www.opensourcebody.eu/

plus que vivant

Troisième édition pour le festival Open Source Body. Au programme, des rencontres et une exposition sous-titrée cette année Plus que vivant. À l’initiative du medialab Makery, cette manifestation réunit des artistes qui puisent leur inspiration dans le domaine de la santé, des biotechnologies et de la recherche médicale, questionnant ainsi les limites du corps humain et ses rapports, tourmentés, avec son environnement.

Une trentaine d’installations, artefacts et vidéos sont présentés. Dont Tiny Mining de Martin Howse ; première coopérative d’exploitation minière open source engagée dans l’exploitation potentielle de l’intérieur du corps humain vivant, pour en extraire les terres rares et autres ressources minérales

The Blue Flower in the Land of Technology d’Albert García-Alzórriz ; une étude audiovisuelle sur les conséquences esthétiques et politiques de la relation entre le corps humain et les dernières technologies médicales hospitalières

UNBORN0x9 de Shu Lea Cheang & Ewen Chardronnet ; une installation artistique qui s’interroge sur le développement des fœtus dans des utérus artificiels hors du corps (ectogenèse) et sur l’avenir cyborg de la parentalité…

Quorum Sensing : Skin Flora Signal System de Helena Nikonole & Lucy Ojomoko ; un projet qui consiste à développer des modifications génétiques du microbiome de la peau humaine afin de détecter les maladies par l’odorat…

Le festival sera marqué aussi par la performance de Maya Minder & Claudia Stöckli, la présentation du Bestiaire de l’Anthropocène par Disnovation (Nicolas Maigret, Maria Roskowska) et Nicolas Nova, des ateliers, une rencontre avec ORLAN et Marion Laval-Jeantet sur le thème « Quand l’art détourne la normativité médicale », une conférence animée par Ariel Kyrou (« Quand les artistes rencontrent la santé et la recherche biomédicale »)

En partenariat avec Bioart Society (Finlande), Laboratory for Aesthetics and Ecology (Danemark), Waag Future Lab (Pays-Bas), Kersnikova Institute (Slovénie), Open Source Body est co-produit par Art2M/Makery/MCD et la Cité internationale des arts, organisé dans le cadre du programme ART4MED – art meets health and biomedical research et co-financé par le programme Europe Créative de l’Union Européenne.

> du 28 septembre au 22 octobre, Cité internationale des arts, Paris
> https://www.opensourcebody.eu

festival des arts multimédia

Le coup d’envoi de l’édition 2017 de Gamerz a été donné vendredi 3 novembre, avec l’inauguration de l’exposition phare du festival à la Fondation Vasarely. La thématique pour cette 13ème édition est axée autour de la part sombre, et parfois occulte, des nouvelles technologies. L’exposition se donnant pour objectif de mettre en avant des créations artistiques actuelles, dans lesquelles les artistes questionnent nos différents modes d’interactions avec les machines à travers le spectre de l’ésotérisme. Parmi les pièces proposées, nombreuses sont celles qui empruntent les codes d’un certain animisme-digital.

Parmi les œuvres exposées qui flirtent avec ce nouvel âge de l’ésotérisme, on retiendra notamment l’inventaire cartographique de Suzanne Treister qui retrace les nombreuses ramifications des différents mouvements et théories de la contre-culture; des anarcho-primitivismes au transhumanisme, de Thoreau à Adorno, du CLODO (Comité pour la liquidation ou la destruction des ordinateurs; actif sur Paris et Toulouse entre 1980 et 1983) à Unabomber. Intitulée Hexen 2.0, cette taxinomie illustrée par des arcanes du tarot au crayonné très riche pointe également les soubassements idéologiques, cryptiques et souvent délirants, du complexe militaro-industriel.

Suzanne Treister, Hexen 2.0. Photo: D.R.

Avec Alphaloop, retrouvant les utopies des 60s qui ont irriguées la Silicon Valley, Adelin Schweitzer « ré-enchante » l’usage du téléphone via une intervention immersive et déambulatoire où les participants munis de casque VR sont invités à se laisser guider par un shaman moderne et à appréhender le réel transfiguré comme sous l’effet de psychotropes… Présentée sous forme d’une restitution vidéo organisée à la manière d’un totem, avec encens, pentagrammes vidéographiques et devices obsolètes en offrandes, cette installation nous donnait aussi un aperçu de la première performance de ce type réalisée quelques semaines plus tôt.

Adelin Schweitzer, Alphaloop. Photo: D.R.

Inversement, avec Sketches towards an Earth Computer, Martin Howse propose, au sens strict, une œuvre en prise sur le terrain. Son installation est en fait une sorte une carte-mère de quelque mètres carrés qui utilise à la fois des éléments métalliques, électroniques et surtout organiques (terreau, champignons). Les réactions chimiques liées à ces composants, ainsi que les variations de lumières et d’humidité, génèrent des feedbacks qui opèrent comme un véritable code informatique « chtonien », évoluant au fil de ces paramètres.

Martin Howse , Sketches towards an Earth Computer. Photo: D.R.

Luce Moreau est également attachée à la terre, à la nature. Cette plasticienne travaille en « jouant » avec des insectes (des chenilles processionnaires qui tournent sans fin sur un anneau de Moebius). Et des abeilles auxquelles elle soumet des formes pour modeler les rayons de leurs ruches; reprenant par exemple l’ossature du fameux Phalanstère de Charles Fourier, qui se voit ainsi reproduit comme une maquette en cire d’abeille. Une démarche à mettre en perspective avec d’autres artistes et collectifs qui mettent également les abeilles a contribution en détournant leur construction à des fins artistiques comme le BULB (Brussels Urban Bee Laboratory), Ann Kristine Aanonsen, Sabino Guiso, Ren Ri, Stanislaw Brach…

Luce Moreau, Les Palais. Photo: D.R.

À l’opposé, Émilien Leroy focalise sur les friches industrielles du Nord de la France. Collection et accumulation de vieilles boîtes à outils métalliques colorées et de masques de soudure aux allures africaines : ses installations à la Arman témoignent de la mémoire sociale et ouvrière de L’Usine des Dunes près de Dunkerque. On le retrouve plus tard lors de la soirée d’ouverture, sous le pseudo de Feromil, affublé d’un vieux masque à gaz qui lui donne des allures d’alien ou de liquidateur de Tchernobyl, pour un set « electro-magnétique » plein de larsens et de sonorités abrasives générées par un détecteur de métaux.

Feromil. Photo: D.R.

Glitch, electronic-noise et cyber-breakbeats étaient également au programme de cette soirée qui s’est ouverte sur Attack me please at 2.432 GHz, la symphonie audiovisuelle pour lignes de code, bugs et hautes fréquences de Benjamin Cadon (par ailleurs directeur artistique de Labomedia). À la suite, avec son Radioscape, Nicolas Montgermont a balayé les ondes radio de 3GHz to 30kHz. Chaque bande de fréquences étant visualisée et signalée selon leurs utilisations (Marine, Satellite, TV, FM, etc.). Il est à noter que ce voyage dans le spectre sonore a aussi été matérialisé sur disque vinyle. En conclusion, le trop rare duo Servovale (Gregory Pignot & Alia Daval) avait ressorti leurs machines pour une performance A/V aux contours géométriques et aux rythmiques cinglantes baignant dans une ambiance post-industrielle.

Laurent Diouf

Gamerz, jusqu’au 12 novembre, Aix-en-Provence
> www.festival-gamerz.com