Après les turbulences des années Covid et malgré les séquelles encore en cours, 2022 semble marquer un retour à la normale pour les grands événements publics. Timing idéal pour Scopitone qui célèbre ses 20 ans d’existence en cette rentrée, du 14 au 17 septembre.
Cet anniversaire sera marqué par du mapping projeté dans la cour du Château des ducs de Bretagne. Aux manettes, Yann Nguema (fondateur d’Ez3kiel). Pour cette création, il va puiser des éléments de la culture indienne (s’inspirant de l’exposition Reflets de mondes sacrés visible au château) et les télescoper avec d’autres esthétiques issues de civilisations et époques différentes. Ce métissage culturel en forme d’uchronie architecturale s’animera régulièrement tous les soirs du festival à partir de 21h00.
Rendez-vous quasi-similaire mais sur les bords de l’Erdre, quai Ceineray, avec Joanie Lemercier (co-fondateur du label AntiVJ) pour son l’installation audiovisuelle Constellations qui brille de multiples reflets aux couleurs blanches et argentées nimbées de noir. Des visuels projetés sur de fines gouttes d’eau en suspension forment ainsi des images tridimensionnelles qui nous donnent l’impression de plonger aux tréfonds du cosmos jusqu’aux limites de l’univers. La bande-son est signée Paul Jebanasam.
Sur le front des lives A/V, on retrouve avec plaisir Alex Augier. Il proposera hex/A\, une performance millimétrée qui combine son, vidéo et laser. Attentif à la « mise en scène », Alex Augier sait surprendre le public par des images et des sonorités qui frappent comme des uppercuts. Sébastien Guérive devrait aussi surprendre avec son projet Omega Point en développant une atmosphère ambient et expérimentale, en contrepoint des images organiques du réalisateur Mikaël Dinic diffusées sur onze cylindres.
Plus coloré, plus festif aussi, le tandem formé par S8JFOU et Simon Lazarus devrait embarquer le public dans un univers à la fois rythmé et introspectif avec leur live AV Op Echo. Autre duo au programme, Atoem se partage également entre deux mondes, organique et synthétique, acoustique et électronique. À noter qu’ils seront aussi présents pour une masterclass sur la synthèse soustractive ; c’est-à-dire autour du synthé modulaire qu’ils ont fabriqué et des différentes phases du processus créatif (composition, mixage, enregistrement, etc.).
Le jeudi 15, la salle Maxi de Stereolux devrait résonner sous les assauts combinés de 4 artistes : Maelstrom, Flore, Fasme et Djedjotronic. Cette performance à 8 mains devrait être un des temps forts des lives et DJs sets de cette édition avec Daniel Avery, tête de pont de la première nuit electro qui s’achèvera tôt le matin. Le reste de la programmation musicale nous échappe quelque peu, question de génération…, mais nul doute qu’entre Gazole Inc., Poté, Decius, Asna & Anyoneid, Zone Rouge, Anetha, Myd, Bambounou ou Nesa Azadikhah, cet anniversaire bénéficie de bonnes vibes.
Le titre de cette double exposition consacrant l’artiste Boris Labbé est emprunté à Henri Michaux. Animation, installation vidéo, scénographie, mapping… Les œuvres présentées à l’Espace culturel départemental – 21 bis Mirabeau (jusqu’au 20 février 2022) et au Musée des Tapisseries à Aix-en-Provence (à partir du 3 décembre 2021 jusqu’au 6 mars 2022) constituent une véritable monographie.
Cette célébration est proposée à l’initiative de Seconde Nature et Zinc, sous la bannière de Chroniques, la biennale des Imaginaires Numériques dont la troisième édition se tiendra du 10 novembre 2022 au 23 janvier 2023 autour de la thématique de la nuit. Boris Labbé était au programme de l’édition 2020 de Chroniques avec La Chute; un film précédemment sélectionné dans le cadre de la Semaine de la Critique du festival de Cannes 2018.
Né en 1987 à Lannemezan (Hautes-Pyrénées), Boris Labbé est passé par l’École des Beaux-arts de Tarbes (ESACT) puis par l’École d’animation d’Angoulême. On ne sera donc pas surpris de retrouver ces deux fillière (dessin traditionnel et cinéma d’animation) dans son travail. Une hybridation que l’on voit à l’œuvre dans les vidéos et installations présentées dans cet « infini turbulent », qui témoignent d’une bonne décennie de pratique et d’expérimentations alliant techniques numériques, images animées et références plus classique à la peinture et au dessin.
C’est le cas notamment pour Il(s) tourne(nt) en rond (2010) et Kyrielle (2011). Deux œuvres d’animation présentées au 21 bis Mirabeau qui sont imprégnées de la peinture des primitifs flamands et des codes des classiques du cinéma d’animation expérimental : l’envahissement de l’espace par les personnages, la métamorphose, une narration en boucle.
Pour son exposition à l’espace culturel départemental – 21, bis Mirabeau, Boris Labbé propose un parcours qui présente deux de ses premières œuvres d’animation, Il(s) tourne(nt) en rond (2010) et Kyrielle (2011). Ces œuvres de “jeunesse” révèlent les thématiques et obsessions de l’auteur, développées par la suite : le goût pour la peinture des primitifs flamands, mais également une filiation à peine dissimulée avec des classiques du cinéma d’animation expérimental, l’envahissement de l’espace par les personnages, la métamorphose, une narration en boucle.
Dans la galerie gothique du Musée des Tapisseries, Boris Labbé propose une recréation du travail de scénographie réalisé pour le chorégraphe Angelin Preljocaj en 2020 : Le Lac des Cygnes. L’installation vidéo, réagencée, retravaillée, re-sonorisée, ne garde du titre original que la première partie : Le Lac (2020). Les vidéos montrent les éléments primordiaux (l’eau, la fumée, les nuages, les oiseaux, la forêt, l’architecture, une usine…) qui sont en tension permanente les uns par rapport aux autres.
D’autres travaux et vidéos s’inspirent des danses et chants traditionnels des Aïnous, peuple oublié du Nord du Japon (la série Sirki, 2020), des mouvements et glissements de terrain à l’origine de la formation des montagnes (Orogenesis, 2016), d’un organisme qui ne trouve jamais sa forme finale, mais qui cherche toujours à se renouveler, faisant ainsi référence explicitement à Deleuze et Guattari (Rhizome, 2015). À visionner en méditant sur cette citation d’Henri Michaux : On est entré dans une zone de chocs. Phénomène des foules, mais infimes, infiniment houleuses. Les yeux fermés, on a des visions intérieures.
Boris Labbé, L’Infini turbulent, exposition – monographie à Aix-en-Provence
> 21 bis Mirabeau – Espace culturel départemental, jusqu’au 20 février 2022
> Musée des Tapisseries, jusqu’au 6 mars 2022.
> Église de la Madeleine, mapping projeté sur la façade tous les jours de 18h à 21h, jusqu’au 24 décembre 2021
En arts numériques, comme en astrologie, les étoiles les plus intéressantes ne sont pas toujours visibles au premier coup d’oeil. Au fil des années, Aurélien Lafargue (alias Nature Graphique) s’est progressivement installé dans la constellation des spécialistes du mapping.
Avec un style reconnaissable, l’artiste français multiplie les projets collaboratifs. En 2015, il présentait Entropia et Ganymède, deux univers immersifs présentés dans le dôme de la SATosphère de Montréal. Ces projets évoquent les synergies de système organique complexe (comme le corps humain) ou la mise en scène d’un objet céleste (comme le satellite naturel de Jupiter). D’autres créations, une rampe de skate interactive (co-création avec le DJ 20Syl) ou la scénographie du DJ techno Madben, visibles en 2016, ont également mis en lumière le talent d’Aurélien Lafargue. Entretien avec cette étoile montante.
Vous travaillez sous les noms de Nature Graphique et d’Aurélien Lafargue. Pourquoi deux signatures ?
J’ai adopté le pseudonyme Nature Graphique il y a 7 ans alors que j’étais graphiste et photographe. J’exécute toujours quelques contrats liés à la communication ou en recherche et développement pour certaines marques. D’un autre côté, je travaille sur des projets artistiques où j’utilise mon vrai nom, Aurélien Lafargue.
Votre travail consiste à créer des mapping vidéos ?
Je conçois et réalise des mapping vidéos, mais pas uniquement. Je suis très attiré par des installations plastiques et interactives. Pendant longtemps je me suis attaché à l’outil informatique. En tant que graphiste ou webdesigner j’ai travaillé avec des logiciels et des langages de programmation complexes. À un moment j’ai fait une overdose. Le mapping m’a permis de me concentrer sur la recherche de matériaux plastiques, de textures. J’ai pu travailler sur des volumes improbables comme des sphères ou des lieux gigantesques. Depuis deux ans, je consacre mon travail à la lumière. Je me focalise sur un retour à la matière.
Comment se sont déroulés vos débuts artistiques ?
J’ai commencé par faire des prestations en tant que VJ en Bretagne et à Montpellier où quelques amis et moi avions une résidence au Rock Store. Puis je suis parti à Montréal. Là-bas, j’ai rencontré DJ Mini [musicienne emblématique de l’underground montréalais, N.D.L.R.] qui fréquentait la SATosphère [Société des Arts Technologiques de Montréal, N.D.L.R.]. Finalement, j’y ai travaillé un an pour présenter Espace Temps qui mélangeait l’art numérique et la danse contemporaine. C’est sans doute mon premier projet d’ampleur. Quelques mois plus tard en 2012, j’ai travaillé dans les Carrières de lumières au festival a-part aux Baux de Provence. Je présentais 3 mappings monumentaux dans un site incroyable. Il y avait des centaines de mètres de surfaces à recouvrir. La pierre blanche donnait une texture très particulière à mes créations. Mes deux premiers travaux étaient graphiques et abstraits, mais le dernier, qui s’appelait Trajectoires, exploitait différents Time Lapse que j’avais réalisés à Montréal. On y voyait passer une succession de foules. Le potentiel visuel était très intéressant et je pense revenir bientôt à ce projet. À partir de là, j’ai produit une multitude de créations plastiques et répondu à plusieurs commandes de scénographie [Festival Scopitone, Institut du Monde Arabe… N.D.L.R.]
Tout à l’heure, vous évoquiez un “retour à la matière”…
En fait c’est lié à mon parcours. J’ai étudié à l’ETPA, une école de photographie à Toulouse, où j’ai été formé à la photo argentique. À l’époque il y avait peu de cours sur le numérique. Plus tard j’ai monté avec quelques amis un projet dans le Morbihan, là où j’ai grandi. À 17 ans j’étais l’un des premiers VJ en Bretagne. Il s’agissait à l’époque de simple mixage de vidéos capturées à droite et à gauche. Encore aujourd’hui je trouve que je n’utilise pas suffisamment de texture dans mes créations. Même si j’ai plus de maturité, je pense être dans une phase d’apprentissage. C’est dans ce sens que je parle volontiers de “retour à la matière”. Je dois revenir à des valeurs plastiques.
Vous aimeriez donc vous affranchir de la technicité ?
Sur de futurs projets, l’idée serait peut-être d’assumer le rôle de directeur artistique. À mes débuts je souhaitais, sans doute par excès d’orgueil, me prouver que j’avais les capacités de faire les choses. Dorénavant je privilégie les collaborations. Il m’arrive donc souvent de monter des équipes où je regroupe un développer, un graphiste, un musicien… Par exemple, pour le son je travaille régulièrement avec Mourad Bennacer que j’ai rencontré à Montréal. Avec du recul, je m’aperçois que le travail en équipe est très positif. Les choix artistiques sont discutés, chacun apporte son expertise. Pour ma part, je veux me recentrer sur le sens de mes œuvres. Pour ça, je n’exclus ni de collaborer avec des scénaristes ni de m’affranchir de la technicité des outils.
Depuis plusieurs années beaucoup d’artistes exploitent le mapping, comment réinventer la discipline ?
J’ai été témoin de l’évolution des techniques du mapping moderne. C’est Amon Tobin avec son live Isam [présenté pour la première fois en 2011 à Mutek, N.D.L.R.] qui m’a vraiment donné l’envie de prendre en main cette technique. C’était monstrueux, mais aujourd’hui il y a une sorte de lassitude causée par une surenchère des technologies et du spectaculaire. Pourtant le mapping video n’est pas si nouveau. La projection sur forme, sur des corps, remonte à plusieurs décennies. Lorsque j’anime des ateliers à la Gaîté Lyrique, je présente toujours le scénographe tchécoslovaque Joseph Svoboda. C’est un modèle en son genre. Ses créations datent des années 50 et sont extraordinaires. Elles n’ont rien à envier à ce qui se fait aujourd’hui. Svoboda projetait des diapos, les grattait préalablement pour donner de la matière et un aspect quasi filaire aux visuels. Un travail vraiment magnifique. Le renouveau du mapping, si tant est qu’on puisse parler ainsi, passe donc par un retour aux choses plastiques.
2016 est un tournant dans votre carrière ?
Aujourd’hui j’assume enfin ma position d’artiste. En 2015 j’ai eu plusieurs créations importantes comme Entropia ou Ganymède qui ont été soutenues par la SATosphère. Ganymède, par exemple, est un projet de recherche lié à l’interactivité. Il s’agit de créer un univers immersif où le public interagit avec chaque objet. La platine de mixage au centre de l’installation permet de scratcher une voûte stellaire projetée dans le dôme de la SAT. Le rendu est impressionnant… Je suis sur des projets structurés où les collaborations longues portent leurs fruits. Par ailleurs, j’espère éviter les créations « one-shot » et je m’oriente plutôt vers des installations pérennes. Ça me permet de faire évoluer mon travail. Dans ce sens, Yannick Jacquet [ex AntiVJ, N.D.L.R.] avec ses Mécaniques Discursives est un modèle intéressant.
Quelles sont les inspirations de vos futures créations ?
Honnêtement avec Internet il n’est pas difficile de trouver l’inspiration. Cependant je me noie dans toutes cette abondance d’informations. Ça parait bête, mais je préfère m’inspirer de la nature. La lumière naturelle est ma première muse. Ce n’est pas un hasard si je vis à Baden, une petite ville dans le Golfe du Morbihan. Ici, quand j’invite mes amis artistes, on débriefe sur la plage. Il est tellement facile de s’inspirer des beautés de la nature que nous sommes en train de réfléchir pour organiser des workshops sur une île du Morbihan. Ça sera sans stress, ni questions d’argent, ni deadline. C’est peut-être ainsi la meilleure façon de créer.
propos recueillis Adrien Cornelissen
publié dans MCD #81, « Arts & Sciences », mars / mai 2016
Le véritable coup d’envoi de la 13ème édition de la Fête de l’Anim, qui s’est tenue du 31 mars au 2 avril, a eu lieu le vendredi soir place de l’Opéra à Lille. Devant un public renouvelé tout au long de la soirée, des clowns et tout un bestiaire s’agitaient sur la façade néo-classique du bâtiment. Le thème du cirque choisi pour ce mapping, diffusé en boucle jusqu’à minuit, se prêtait bien à toute une série de tableaux animés et colorés sur la pierre et les colonnes de l’édifice. On saluera la prouesse étant donné le timing : seulement 4 jours pour finaliser cette création qui a réuni une cinquantaine d’étudiants sous la houlette de Samy Barras, Ludovic Burcyzkowski et Tamas Zador.
Le vidéo-mapping est désormais une pratique artistique reconnue, présente dans de nombreux événements et festivals. Mais se pose la question : en quoi le vidéo-mapping entre-t-il dans le champ de l’écriture du film d’animation ? Pour essayer d’y répondre, une table ronde organisée en collaboration avec la NEF (Nouvelles Écritures pour le Film d’animation) réunissait des artistes, chercheurs et réalisateurs (Marie-Anne Fontenier, Mo Assem, Ludovic Burcyzkowski, Sébastien Denis, Domenico Spano, Maxime Thiébault). L’occasion de mettre en perspective les ressorts de ce type de création, d’en souligner certaines filiations historiques (voire pré-technologiques), d’en montrer les évolutions, de s’interroger sur la problématique du cadre et du support de diffusion qui caractérise le vidéo-mapping.
Table ronde « Vidéo mapping » en collaboration avec la NEF animation, à l’Hybride à Lille. Photo: D.R.
En ouverture, d’autres rencontres permettaient de comprendre le protocole et les techniques de création, les réalisations et les projets de quatre studios européens : Outro, Nexus, Talking Animals et nWave, qui œuvrent chacun dans des styles bien différents. Ce Focus Visual Design était organisé au sein de la Serre Numérique à Valenciennes — pépinière d’entreprises qui héberge aussi 3 écoles spécialisées dans l’animation, le jeu vidéo et le design industriel (Supinfocom, Supinfogame et l’ISD, Institut Supérieur de Design). Moins technique, mais d’autant plus passionnantes, les Masterclasses offraient également un moment de rencontre privilégié avec des réalisateurs de renom, comme Michael Dudok de Wit — dont le film La Tortue rouge était projeté à la Maison Folie Moulins. Une histoire de solitude, d’oubli et de prison à ciel ouvert, dans un lieu vide : celle d’un naufragé sur île déserte qui trouve sa robinsonne en la personne d’une tortue qui se métamorphose en nymphe… Primée notamment à Cannes (prix spécial dans le cadre d’Un Certain Regard), La Tortue rouge repose sur un dessin et de l’animation classique, et une narration qui fait l’économie de tout dialogue.
Réalisateur phare de l’animation made in France, Jean-François Laguionie a conçu ses premiers courts métrages (La demoiselle et le Violoncelliste, Une bome par hasard…) avec l’aide de Paul Grimault (Le Roi et l’oiseau). Parue en 1979, La Traversée de l’Atlantique à la rame remporte plusieurs prix, dont la Palme d’or du court métrage à Cannes. Il a ensuite créé son propre studio, puis une société de création et production, La Fabrique, pour accompagner la réalisation de son premier long métrage, Gwen, le livre des sables. À l’occasion de la masterclasse qui lui était réservée, Jean-François Laguionie est revenu sur la genèse de son dernier long métrage en date, Louise en hiver, paru en 2016, et qui a bien sûr fait l’objet d’une projection lors de la Fête de l’Anim. C’est l’histoire d’une grand-mère oubliée dans une station balnéaire « fantôme », qui égrène ses souvenirs avec un chien comme seul compagnon qui lui donne la réplique en attendant le retour de la saison à venir avec ses plaisanciers et le train qu’elle a loupé… À ce propos, Jean-François Laguionie évoque sa mère comme source d’inspiration, même si ce récit intimiste n’est pas autobiographique. Il nous parle aussi de sa méthode de travail : les repérages pour les décors sur des lieux où il allait en vacances enfant, les dessins préparatoires, l’animatique qui servira ensuite de « chemin de fer » pour la mise en place de l’animation, le son et la musique, l’importance de la production, etc.
L’exposition conçue autour du studio d’animation Train Train était également très intéressante du point de vue de la conception de l’animation. Structurée autour des points clefs de la réalisation (storyboard, animatique, compositing, layout), cette expo nous donnait à voir de nombreux dessins, maquettes et extraits de films qui témoignaient aussi de la diversité des univers qui ont surgi de ce studio lillois. Un best-of de courts métrages — parmi lesquels Paix sur terre de Christophe Gérard, Sumo de Laurène Braibant, La Ferté, un cercueil de béton de Christine Tournadere & Gabriel Jacquet — exprimait une diversité des approches, du graphisme et de la narration. Ces différentes esthétiques et thématiques montraient, si besoin était, que l’animation n’est pas destinée uniquement à un jeune public, bien que nombre de productions restent orientées en ce sens. Et même dans ce domaine, beaucoup de choses de reste à faire : les ateliers pour enfants, expositions et projections que proposait la Fête de l’Anim montraient là aussi des créations singulières, bien loin des standards des programmes jeunesse et des chaînes dédiées.
Mais s’il fallait se convaincre du foisonnement créatif dont fait preuve l’animation en général, il suffisait de regarder les dizaines de films de fin d’études proposés dans le cadre du Best-of de plusieurs écoles d’animations européennes et asiatiques. Une collection impressionnante de courts métrages qui font appel à une multitude de techniques pour des rendus graphiques foisonnants. Impossible d’en isoler quelques-uns, ce n’était pas un concours et ce serait bien évidemment réducteur. Chaque petit film est un monde en soit — souvent un monde parallèle — qui déploie sa propre imagerie. Poétiques, comiques, érotiques ou satiriques : tous ces films sont comme un kaléidoscope de la création contemporaine où pointent déjà les grands réalisateurs de demain.
Si le format court domine la sélection du festival, quelques longs métrages étaient aussi projetés; dont certains inédits en salle comme The Anthem of the heart (en VF, Jun, La voix du cœur) de Tatsuyuki Nagai, qui fait preuve d’un peu trop de « sentimentalisme » à notre goût; en particulier à cause de la bande-son (violon, clavier, vocalises…) qui surligne une histoire déjà bien plombée (une lycéenne, accusée par ses parents d’être à l’origine de leur divorce, crée un réseau avec des congénères victimes, comme elle, de troubles émotionnels…). À rebours, Seoul Station du réalisateur coréen Yeon Sang-Ho ne fait pas de quartier si l’on ose dire : c’est une sombre et prenante histoire de zombies qui « préfigure » (un prequel, donc) son film Dernier train pour Busan sorti l’été dernier. On notera qu’il est assez rare qu’un réalisateur aborde aussi bien la fiction classique (en prises de vue réelles) que l’animation : Yeon Sang-Ho est également l’auteur de The King of Pigs paru en DVD et VOD l’hiver dernier et il travaille actuellement aux dernières touches de The Fake, son prochain film d’animation. Pour en revenir à Seoul Station, on signalera également que c’est une des rares réalisations à avoir une dimension socio-politique forte (les SDF victimes de préjugés, l’aveuglement totalitaire de l’état de siège, etc.).
Mais le long métrage le plus déjanté — et donc, celui que l’on plébiciste —était assurément Nerdland de Chris Prynoski. On y suit les tribulations passablement trash d’Elliot et John, un scénariste et comédien autoproclamés qui partent à l’assaut d’Hollywood en espérant accéder à la célébrité à laquelle ils rêvent pour leur trentième anniversaire. Après un premier plan voué à l’échec vu leur pedigree, ces loosers magnifiques enchaînent les combines et situations toutes plus foireuses les unes que les autres. Le tout dans une ambiance bien borderline et très colorée. Précision importante, le scénario de Nerdland a écrit par Andrew Kevin Walker (Seven, Sleepy Hollow). Pas sûr qu’il sorte un jour en salle : on ne peut que remercier l’équipe de la Fête de l’Anim pour cette initiative.
De l’art numérique à l’art contemporain, via la pratique du VJing en solo ou au sein du label Anti-VJ, le parcours de l’artiste visuel Joanie Lemercier est un modèle de souplesse et d’adaptation. Accompagné de Juliette Bibasse, avec qui il crée le Studio Joanie Lemercier en 2013, le Français se tourne depuis trois ans vers le monde des galeries et du marché de l’art. Regard sur le parcours d’un artiste qui ne rechigne pas à mélanger les genres, surtout quand c’est pour le meilleur.
Joanie, tu viens du VJing, tu es le co-fondateur du label Anti-VJ. Ta pratique a évolué, même si elle garde des traces des idées que tu développais alors. Depuis peu, tu présentes tes installations dans des galeries, comment envisages-tu cette évolution ? J.L. : Cela va faire dix ans que je me suis mis à faire de l’image projetée et que je travaille sur ce médium avec des vidéos-projecteurs, en explorant autour de la lumière et de l’espace. Cela fait beaucoup de choses différentes dans beaucoup de cadres différents : les galeries, les expériences autour de nouvelles scénographies, les projections sur bâtiments, etc. Quand je me retourne sur ces dix années d’activités, je réalise à quel point toute cette scène se structure quasiment au même moment. Les artistes et les projets se professionnalisent, certains sont là depuis dix ans et sont toujours actifs. Des trajectoires se rejoignent de façon étonnante, également. Ma pratique n’est pas étrangère à cette évolution. Je reste sur une ligne définie depuis mes premiers VJ sets à Bristol en 2007, tout en cherchant continuellement à la faire évoluer. Je travail toujours avec la lumière, toujours avec l’espace, c’est juste la façon de présenter ce travail, ou les lieux dans lesquels je le présente, qui diffèrent, même si au cœur du développement de notre studio avec Juliette, il y a ce désir de créer un pont entre installations pour festivals d’arts numériques et le monde de l’art et son marché.
Mais cela ne signifie-t-il pas plus de contraintes au contraire ? J.L. : Plutôt qu’une contrainte, je vois plutôt ça comme le moyen d’évoluer, de me poser des questions et d’aller vers des formes et projets que je n’aurais pas forcément envisagé autrement. C’est une réflexion quotidienne que je poursuis depuis trois ou quatre ans, pour des raisons bêtement économiques d’une part, mais aussi dans une quête de pérennité et de conservation de mes travaux. J’ai fait beaucoup de projections sur façades et il est parfois ingrat de voir des mois de préparation se concrétiser en une heure de spectacle, puis disparaître sans qu’il reste rien, que ce moment fugitif. Il y a une vraie frustration à développer un langage, une scénographie, etc., et que cela soit diffusé puis oublié. Dans l’idée de me détacher des contraintes de production (matériel coûteux, durée de temps limité, environnement), j’ai voulu revenir au studio. Un projecteur léger, un crayon et une feuille, des origamis ou toute sorte de formes plus simples à créer et à entretenir. Prendre le temps de développer un vrai discours, de donner une chance aux idées et de pouvoir par là même intéresser les galeries, était une option intéressante. Juliette Bibasse : En ce qui concerne la direction que nous développons pour les pièces de galeries, je pense que la démarche de Joanie vient également du fait qu’auparavant on nous imposait des surfaces très structurées, avec « tant de fenêtres », « tant de colonnades », etc. Aujourd’hui, Joanie a envie de créer sa propre toile. Un support vierge sur lequel il peut projeter ce qu’il veut. C’est une démarche beaucoup plus créative puisque tu ne dépends plus des outils ou des technologies lourdes, mais de ta créativité et de ton imagination.
Fuji est symptomatique de cette démarche. Peux-tu nous en parler ? J.L. : Fuji est un travail récent imaginé en réaction au vidéo mapping classique. J’ai réfléchi à une façon de rendre ma démarche plus simple techniquement afin de me concentrer sur le contenu narratif. C’est là que j’ai imaginé le « mapping inversé » (ou reverse mapping). L’idée étant de d’abord créer le contenu — une image fixe qui est mon support de mapping — puis d’ajouter la lumière pour animer et transformer l’ensemble. Le contenu existe avant la projection. Cela m’a permis d’écrire une histoire sans penser aux contraintes techniques. C’est en 2010, autour d’un projet sur le volcan Eyjafjallajökull que j’ai testé cette idée. J’ai travaillé sur les connexions entre formules mathématiques, la physique à l’œuvre dans l’éruption du volcan, et les paysages naturels. En 2013, j’ai souhaité changer de sujet en gardant cette technique. Lors d’un voyage au Japon, j’ai imaginé Fuji, qui s’inspire d’un conte du 10ème siècle. C’est cette histoire qui m’a donné les teintes et la ligne narrative principale (jeu de lumières, ombres portées, jeu sur la perception) pour créer une narration.
En novembre, tu présentais Blueprint en collaboration avec le musicien James Ginzburg à l’église Saint-Merri à Paris. Un travail qui est également le fruit de cette évolution, avec ses « versions » et ses variations… J.L. : Oui, ce projet répond aux mêmes exigences que Fuji. Nous nous sommes interrogés sur l’écriture avant de penser aux contraintes techniques. Blueprint tourne autour du rapport entre l’univers et l’architecture. L’ordre, le chaos, l’émergence de l’ordre dans le chaos, l’émergence de motifs et de patterns dans l’univers. Poussé à son paroxysme cela aboutit à des architectures très complexes, particulièrement dans le domaine du sacré. Ce sont des idées qui nous habitent et qui vont se développer dans le futur. C’est un projet que l’on essaie aussi de présenter en lui donnant des formes différentes. Il s’adapte aux lieux qu’il investit. C’est l’occasion de mettre en perspective ces idées. La structure, en gros, est un monolithe vertical (clin d’œil à 2001 L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick). Nous souhaitions travailler sur cette verticalité. Ce regard qui monte vers les voûtes, et qui pose des questions sur les origines de l’univers, semblait particulièrement intéressant dans le cadre d’une église. J.B. : C’est une œuvre qui se place dans la continuité de Nimbes. Elles sont habitées par les mêmes questions. Cela fait partie des projets où Joanie s’est posé les questions du découpage en chapitres et d’un contenu décontextualisé. Pour en finir avec la tendance des one shots ou des gros mapping de façades. Aujourd’hui, un artiste comme Joanie doit être le plus flexible possible. Cela demande de préparer ses œuvres en amont et de réfléchir à des choses aussi triviales que la façon dont on range ses fichiers par exemple, pour pouvoir adapter son œuvre à toutes les configurations. L’envie étant de rester dans des projets plus légers, plus flexibles, amortis plus rapidement.
Cela pose pas mal de question sur l’économie de l’art numérique également… J.L. : Tout à fait ! C’est même une question intéressante. Plus que celle que l’on nous pose habituellement, du type les logiciels que vous utilisez influencent-ils votre démarche ? Il est intéressant de voir comment nous pouvons nous adapter à ce facteur économique. Cela revient à optimiser nos travaux afin de pouvoir les présenter de façons différentes dans différents lieux et contextes. Parfois les contraintes économiques sont positives, puisqu’elles nous permettent de pousser toujours plus loin nos travaux, de rajouter des éléments, de creuser la narration, etc.
propos recueillis par Maxence Grugier
publié dans MCD #81, « Arts & Sciences », mars / mai 2016
Electronic Shadow est une plate-forme de design hybride qui alimente sa création par un gros travail de recherche et d’innovation, tant sur le plan artistique que technologique, avec une système breveté de projection espace/image par exemple.
Vous considérez-vous comme une véritable entreprise artistique, porteuse à la fois de créativité artistique et technologique ? Pensez-vous qu’aujourd’hui la vocation des artistes innovants est de se considérer avant tout comme une entreprise créative ?
Electronic Shadow a été créé en 2000 sur l’intuition que le monde était sur le point d’opérer une mutation majeure dans une fusion du numérique avec le réel. Ce que vous appelez le système breveté de projection espace/image est plus connu aujourd’hui sous le nom de mapping vidéo. Nous avons commencé à l’expérimenter dès le début des années 2000 et avons finalement posé un brevet en 2003, dont nous ne tirons pas de revenus. Nous nous considérons comme des artistes du XXIe siècle et, à ce titre, nous adaptons aux contextes qui se succèdent de plus en plus rapidement, la dimension « entreprise » est un outil et pas une fin en soi, d’ailleurs l’entité même de l’entreprise est aujourd’hui en pleine mutation avec les nouveaux modèles collaboratifs.
Vous avez créé une agence de production ES STUDIO pour allier une force de proposition originale aux réalités de la demande et accompagner doucement la commande vers de nouveaux horizons… Est-ce que cette structure est en quelque sorte le versant « business », en relation avec les entreprises ou les clients du projet Electronic Shadow ? Tous vos projets passent-ils par cette structure ? Si non, lesquels ?
ES STUDIO est la société que nous avons créée en 2003 pour faciliter la production de nos projets et du même coup répondre aux demandes des entreprises. Nous n’avons pas une approche commerciale et n’avons jamais démarché de clients, cela n’est tout simplement pas l’objet de la structure que nous utilisons comme un outil au même titre que les autres. Dans notre équilibre et écosystème, nous finançons notre travail artistique et nos recherches avec les formes adaptées de ces créations dans des contextes de commande. Nous investissons sur notre propre travail et n’avons pour ainsi dire jamais dépendu d’aides quelles qu’elles soient.
Vous avez travaillé directement avec de nombreuses entreprises… Je pense notamment à votre installation Chaud et Froid, une scénographie lumineuse animée et interactive conçue pour le show-room de l’entreprise d’ameublement Cassina sur le Boulevard Saint-Germain en 2005, et qui réfléchissait déjà à des principes avancés de domotique. Pensez-vous que les artistes numériques soient une vraie source de développement technologique pour les entreprises aujourd’hui et pour les nouveaux modes de vie de demain ?
En 14 ans d’existence, nous avons eu l’occasion en effet de faire de nombreuses rencontres. L’exemple que vous citez est très ancien, mais plus récemment, nous avons collaboré avec Microsoft, Saazs, dépendant de St Gobain, SFR, Schneider Electric, Accor et d’autres. À chaque fois c’est une histoire de rencontre, d’abord avec des personnalités, une rencontre humaine, un désir commun, alimentée par ce que nous produisons dans nos projets précédents la rencontre et débouchant sur une nouvelle aventure singulière.
À chaque fois, évidemment, nous essayons d’aller plus loin que ce que nous avons fait précédemment et devenons, de fait, force de proposition et cela génère de l’innovation, parfois technologique, créative, esthétique. L’innovation se trouve toujours en dehors du brief, car c’est notre fonction en tant qu’artistes d’aller plus loin et de rendre visible et tangible ce qui n’a pas forcément été imaginé. Donc, oui dans le dialogue à opérer avec les entreprises, les artistes ne doivent JAMAIS se contenter de faire ce qu’on leur demande, où alors ils ne sont pas des artistes, mais des prestataires.
Je sais que vous avez aussi travaillé avec des entreprises comme Renault, autour de la scénographie de leurs salons en 2003, mais avez-vous travaillé sur d’autres projets scénographiques du même ordre que Chaud et Froid, directement avec d’autres entreprises depuis ?
Nous avons en effet travaillé pour quelques entreprises marquantes. En 2006 à travers le Comité Colbert, nous avions eu comme clients la plupart des marques de luxe françaises en concevant et réalisant l’espace FIAC Luxe ! au Carrousel du Louvre. Cela a directement débouché sur un travail plus en profondeur avec certaines de ces maisons et nos liens avec cette industrie sont restés fidèles. Nous avons d’ailleurs reçu en 2011 le Prix du Talent de l’innovation du Centre du Luxe et de la Création.
Dans vos relations professionnelles avec des entreprises, vous avez également beaucoup travaillé sur des projets de direction artistique externe. Je pense à ST Dupont en 2007, où vous avez travaillé à la redéfinition globale de l’image de la marque, ou à des projets de design graphique — toute la conception graphique, les flyers, objets dérivés et autres affiches de la FIAC luxe 2006…Un studio d’artistes doit-il être flexible et susceptible de couvrir différents types de création graphique/design pour répondre aux attentes d’une commande d’une entreprise aujourd’hui ? Les entreprises sont-elles en attente aujourd’hui des propositions innovantes que, finalement, seuls des artistes sont en mesure de leur amener ?
Il n’y a pas de règles. Electronic Shadow est alimenté par nos compétences et elles sont multiples, dans un champ couvrant l’espace, l’architecture, la lumière, mais aussi tout le travail sur l’image, le graphisme, la vidéo et tout ce qui touche au numérique, programmation, 3D, interactivité, effets spéciaux. Cela permet en effet de proposer des réponses globales et cohérentes qui peuvent fonder totalement un projet, notamment en communication quand on ressent une parfaite cohérence entre les différents médias. Plus les liens sont distendus entre ces différents métiers et plus le message devient inaudible. Je ne pense pas que ce soit ce que les entreprises attendent des artistes, mais si les artistes peuvent mettre à profit une large palette de compétences qui puisse servir son propos alors tout le monde est gagnant.
ES STUDIO est également tourné vers des projets plus hybrides avec des partenaires publics. Je pense à l’animation permanente pour le Pavillon de l’Arsenal ou à l’installation sur la structure extérieure du bâtiment de Jakob et MacFarlane au FRAC d’Orléans… Faites-vous une différence dans votre travail, selon qu’il se dirige vers des partenaires publics ou privés ?
En l’occurrence, le Frac Centre était un concours qui s’adressait à des équipes constituées d’un architecte et d’un artiste. L’artiste associé est donc Electronic Shadow et l’installation permanente de la peau de lumière est une œuvre en soi. Ce qui fait la différence entre les projets est sa destination finale et évidemment nous en tenons compte et équilibrons les projets qui sont de purs investissements et d’autres qui génèrent un certain équilibre financier. L’exigence sur les projets est, quant à elle, la même.
Travaillez-vous aujourd’hui sur de nouveaux projets avec des entreprises ? Lesquels et dans quelle direction ? Quelle part dans le travail au quotidien d’Electronic Shadow représente le travail au sein de l’agence de production ES STUDIO et donc envers les entreprises et commanditaires privés potentiels ?
Electronic Shadow existe depuis 14 ans et ES STUDIO depuis 11 ans, ils restent une signature pour l’un et l’entité qui nous emploie tous les deux à nos différents projets. Depuis environ un an et demi, nous développons de nouveaux projets avec de nouveaux partenaires, parmi lesquelles de nombreuses entreprises et institutions. ES STUDIO étant à la fois notre outil et notre propre employeur. La proportion est difficile à établir et il y a toujours cet équilibre dont nous parlions entre le travail purement artistique et les projets de commande, mais de plus en plus, nous opérons une fusion des deux et faisons participer les entreprises à des projets qui ont directement une portée artistique.
propos recueillis par Laurent Catala
publié dans MCD #74, « Art / Industrie », juin / août 2014