Archive d’étiquettes pour : live A/V

Biennale des imaginaires numériques

Expositions, installations, performances, ateliers et tables rondes… Chroniques, la Biennale des imaginaires numériques a pris son envol début novembre dans le Grand Sud, entre Marseille, Aix-en-Provence, Avignon, Istres et Châteauneuf-le-Rouge, et poursuit sa course jusqu’au 19 janvier 2025.

Line Katcho & France Jobin, De-Construct. Photo: D.R.

Cet événement a débuté à Marseille par de nombreuses performances audiovisuelles — dont celles de Line Katcho & France Jobin (De-Construct), Martin Messier (1 Drop 100 Years) — ainsi que des installations sonores et cinétiques (Primum Mobile de Simon Laroche), une expérience participative décalée et immersive d’Adelin Schweitzer (Le test Sutherland) et une autre expérience qui visait à soumettre, de manière passive et en aveugle, une personne à des ondes sonores générant en retour des mouvements et sensations divers (Transvision de Gaëtan Parseihian & Lucien Gaudion)…

Comme lors de la précédente édition, des installations sonores, lumineuses, interactives ou participatives ont marqué également le lancement de la biennale à Aix-en-Provence, dans l’espace public : Lux domus de Josep Poblet, Écrin de 1024 Architecture, Faces d’Iregular… Certaines de ces œuvres in situ seront visibles plusieurs semaines, comme Épique : l’intriguant triptyque vidéo de Maximilian Oprishka

Maximilian Oprishka, Épique… Photo: D.R.

Au long cours, durant toute la biennale, des expositions collectives sont proposées à la Friche Belle de Mai à Marseille. Regroupant une douzaine de vidéos, d’installations et de dispositifs interactifs, PIB – Plaisir Intérieur Brut explore la marchandisation du désir à l’ère numérique. Les œuvres d’Anne Fehres & Luke Conroy, Ugo Arsac, Donatien Aubert, Teun Vonk, Dries Depoorter, Severi Aaltonen, Telemagic, Nina Gazaniol Vérité, Filip Custic, Marit Westerhuis, Chloé Rutzerveld & Rik Van Veldhuizen & Adriaan Van Veldhuizen et Jeanne Susplugas mettent ainsi en lumière les paradoxes de notre époque…

Donatien Daubert, L’Héritage de Bentham. Photo: D.R.

Un parcours intitulé Derniers Délices, en référence au Jardin des délices de Jérôme Bosch, propose des installations immersives conçues par Smack (Speculum) et Claudie Gagnon (Ainsi passe la gloire du monde). L’exposition collective Nouveaux environnements : approcher l’intouchable regroupe des œuvres de modélisation 3D et réalité virtuelle conçues par des artistes québécois (Baron Lanteigne, Caroline Gagné, François Quévillon, Laurent Lévesque & Olivier Henley, Olivia McGilchrist et Sabrina Ratté). À leurs paysages énigmatiques se rajoute Ito Meikyū de Boris Labbé. Une création qui revisite, à la manière d’une fresque en VR, une partie de l’histoire de l’art et de la littérature japonaise.

Dans les derniers jours et en clôture, c’est-à-dire mi-janvier, le public pourra expérimenter de nouvelles formes de récit grâce à La Tisseuse d’histoires du collectif Hypnoscope. Une œuvre hybride et participative qui fusionne spectacle vivant, musique live, réalité virtuelle et création cinématographique. Autre œuvre hybride : Mire de Jasmine Morand (Cie Prototype Status). C’est à la fois une installation kaléidoscopique et une performance chorégraphique qui transfigurent les corps nus des danseurs évoluant dans cette drôle de « machine de vision ».

Adrien M & Claire B, En Amour. Photo: D.R.

Les spectateurs pourront aussi interagir au sein de l’installation immersive d’Adrien M & Claire B (En Amour). Un live A/V de Sébastien Robert & Mark IJzerman sur la thématique des fonds marins, des cétacés qui y vivent et de l’exploitation des ressources minières qui menace cet éco-système (Another Deep) doit également ponctuer cette biennale. La fin, la vraie, celle de la vie comme de la fête, sera « palpable » pendant 15 minutes : l’installation / performance de Studio Martyr propose de s’immerger dans une fête en 3D peuplée de spectres et de vivre, en accéléré et en VR, toutes les étapes du deuil (Disco Funeral VR)…

> Chroniques, biennale des imaginaires numériques
> du 07 novembre au 19 janvier, Marseille, Aix-en-Provence, Avignon, Istres, Châteauneuf-le-Rouge
> https://chroniques-biennale.org/

cultures électroniques et arts numériques

Après les turbulences des années Covid et malgré les séquelles encore en cours, 2022 semble marquer un retour à la normale pour les grands événements publics. Timing idéal pour Scopitone qui célèbre ses 20 ans d’existence en cette rentrée, du 14 au 17 septembre.

Cet anniversaire sera marqué par du mapping projeté dans la cour du Château des ducs de Bretagne. Aux manettes, Yann Nguema (fondateur d’Ez3kiel). Pour cette création, il va puiser des éléments de la culture indienne (s’inspirant de l’exposition Reflets de mondes sacrés visible au château) et les télescoper avec d’autres esthétiques issues de civilisations et époques différentes. Ce métissage culturel en forme d’uchronie architecturale s’animera régulièrement tous les soirs du festival à partir de 21h00.

Rendez-vous quasi-similaire mais sur les bords de l’Erdre, quai Ceineray, avec Joanie Lemercier (co-fondateur du label AntiVJ) pour son l’installation audiovisuelle Constellations qui brille de multiples reflets aux couleurs blanches et argentées nimbées de noir. Des visuels projetés sur de fines gouttes d’eau en suspension forment ainsi des images tridimensionnelles qui nous donnent l’impression de plonger aux tréfonds du cosmos jusqu’aux limites de l’univers. La bande-son est signée Paul Jebanasam.

Sur le front des lives A/V, on retrouve avec plaisir Alex Augier. Il proposera hex/A\, une performance millimétrée qui combine son, vidéo et laser. Attentif à la « mise en scène », Alex Augier sait surprendre le public par des images et des sonorités qui frappent comme des uppercuts. Sébastien Guérive devrait aussi surprendre avec son projet Omega Point en développant une atmosphère ambient et expérimentale, en contrepoint des images organiques du réalisateur Mikaël Dinic diffusées sur onze cylindres.

Plus coloré, plus festif aussi, le tandem formé par S8JFOU et Simon Lazarus devrait embarquer le public dans un univers à la fois rythmé et introspectif avec leur live AV Op Echo. Autre duo au programme, Atoem se partage également entre deux mondes, organique et synthétique, acoustique et électronique. À noter qu’ils seront aussi présents pour une masterclass sur la synthèse soustractive ; c’est-à-dire autour du synthé modulaire qu’ils ont fabriqué et des différentes phases du processus créatif (composition, mixage, enregistrement, etc.).

Le jeudi 15, la salle Maxi de Stereolux devrait résonner sous les assauts combinés de 4 artistes : Maelstrom, Flore, Fasme et Djedjotronic. Cette performance à 8 mains devrait être un des temps forts des lives et DJs sets de cette édition avec Daniel Avery, tête de pont de la première nuit electro qui s’achèvera tôt le matin. Le reste de la programmation musicale nous échappe quelque peu, question de génération…, mais nul doute qu’entre Gazole Inc., Poté, Decius, Asna & Anyoneid, Zone Rouge, Anetha, Myd, Bambounou ou Nesa Azadikhah, cet anniversaire bénéficie de bonnes vibes.

> du 14 au 17 septembre, Nantes
> https://www.stereolux.org/scopitone-2022/

Une expérience immersive et multisensorielle proposée par Molécule, musicien transdubalistique et chasseur de son, combinée avec les créations visuelles de Dirty Monitor. Un voyage à vivre sous le dôme de la SAT (Société des Arts Technologiques à Montréal) ou « résonnent » les craquements des glaciers, le souffle de la banquise et le silence de la nuit polaire captés par Molécule lors d’une expédition au Groenland, dans un village inuit. Immergé à 360°, pour le son, comme pour les visuels, cette odyssée sensorielle téléporte les auditeurs dans le Grand Nord une quarantaine de minutes.

> du 8 au 26 février, séances à 17h00, 18h30 et 20h00, Société des Arts Technologiques (SAT), Montréal (Québec / Canada)
> https://sat.qc.ca/

post-audio

Retour sur la 16ème édition du festival Elektra marqué, cette année, par le lancement de la première Biennale Internationnale d’Art Sonore. Placée sous le signe du « post-audio », la programmation interroge l’influence du sonore sur notre psyché, explore les différents phénomènes d’écoute, propose de nouvelles modalités d’interrelation entre le son et l’image au travers de rencontres, expositions et performances.

Cod.Act, Nyloïd. Photo: © Gridspace.

Le festival Elektra, qui se déroule à Montréal à la mi-mai, s’est ouvert cette année avec une table ronde en compagnie de [The User] et des auteurs de la monographie qui leur est consacrée. Les installations sonores de Thomas McIntosh et Emmanuel Madan illustrent le questionnement multiple du « post-audio ». Un questionnement reconduit ensuite avec Resonant Architecture du collectif Art Of Failure, représenté par Nicolas Maigret. Une projection vidéo où se succèdent friches industrielles, jungles urbaines et paysages dévastés qui servent, au sens strict, de caisse de résonnance à des objets architecturaux atypiques.

Une « mise en vibration » qui atteint son paroxysme avec une installation monumentale qui se dresse au milieu de nulle part, tel un gigantesque totem chargé de piéger des sons. À la suite de cette présentation, place à l’inauguration de la Biennale Internationnale d’Art Sonore au Musée d’Art Contemporain de Montréal, avec la nouvelle installation performative de Cod.Act. Baptisée Nyloïd, impressionnante par sa taille, il s’agit d’une sorte de tripode constitué de tubulures souples en nylon. Soumis à des contraintes mécaniques, l’alien s’agite, se tord en émettant des borborygmes, comme pris de convulsions devant un public craintif.

Dans une ambiance plus feutrée et studieuse, le Marché International d’Art Numérique initié par Elektra rassemble des professionnels (artistes, festivals, revues, médialabs, commissaires…). L’occasion pendant 2 après-midis passés au Centre Phi de croiser des expériences. De mesurer également l’importance du contexte socio-culturel et économique dans lequel peuvent s’ancrer des initiatives; notamment pour les pays du Sud. Ainsi, par exemple, le SESC (Service Social du Commerce), une institution privée brésilienne qui œuvre dans le domaine des services, de l’éducation et de la santé, mais qui a également un Département consacré aux Arts visuels et numériques, et peut réunir un public bigarré dans un quartier qui se met à vibrer sur du mapping et de la drum-n-bass !

Alex Augier, oqpo_oooo. Photo: © Gridspace.

La rencontre avec les chercheurs, artistes et étudiants affiliés à l’Hexagram-UQAM (le centre de recherche en arts médiatiques de l’Université du Québec à Montréal) était également propice à l’échange d’impressions avec la découverte de works in progress dans le domaine des dispositifs scéniques, des vêtements connectés… Outre quelques présentations et expositions satellites, Elektra proposait aussi, de manière plus inattendue, un aperçu des ateliers créatifs-pédagogiques à destination des enfants avec la contribution d’Herman Kolgen dans une performance audio-visuelle aux allures de fête de fin d’école !

Plus adulte, si ce n’est cérébral, l’exercice d’écoute proposé par Nicolas Bernier avec un dispositif très simple (oscillateur, diapason, haut-parleur), qui repose sur le télescopage d’oscillations générées par deux sources, électronique et analogique (Frequencies (friction). Autre installation audiovisuelle et multicanal jalonnant un des lieux investis par Elektra, Topologies de Quayola qui opère une réinterprétation géométrique des peintures classiques de Velasquez et Tiepolo, les transformant ainsi en une sorte d’origami en mouvement qui semble conçu avec du papier froissé. Il y a aussi Temporeal, l’étrange installation cinétique de Maxime Damecour, qui nous force à observer de près un filament presque fluorescent qui réagit aux basses fréquences.

Concernant les lives, tout a démarré avec 2 sets immersifs sous le dôme de la SAT (Société des Arts Technologiques). C’est un peu comme la Géode : les images recouvrent complètement notre champ de vision. Allonger, le voyage astral commence avec des rectangles colorés que Paul Prudence enchaîne à des effets tunnel sur une bande-son à la fois planante et coupante (Lumophore II). À sa suite, le collectif turc Ouchhh exploite le même principe, mais avec des textures en noir et blanc plus travaillées, plus complexes, évoluant au gré de patterns électroniques sculptées au scalpel (Homeomorphism, suivi de Solenoid). Un moment fort du festival.

Alva Noto & Byetone + Atsuhiro Ito, Diamond Version. Photo: © Gridspace.

Les autres lives se sont déroulés à l’Usine-C. Sur l’ensemble de la programmation, nous retiendrons l’étonnant jonglage avec des projecteurs de Martin Messier (Projectors), la leçon de DJing avec des toupies lumineuses de Myriam Bleau (Soft Revolvers) produisant des sonorités ondulantes qu’il vaut mieux écouter sans avoir mangé gras avant… On retrouve Paul Prudence, en 2D cette fois (Cyclone II). Dans un registre plus « techno-tronique », Alex Augier s’est imposé avec ses compositions très « mathématiques » prolongées par des lignes de fuites projetées sur une structure cubique (oqpo_oooo). Hors de ce dispositif, on observe une proximité d’intention de sonorités avec le set « algorithmique » de Julien Bayle (ALPHA). Par contre, Franck Bretschneider, accompagné de Perce Warnecke pour les visuels, nous a laissés pantois : trop décousu, trop brut, trop improvisé, trop « free » par rapport à son album éponyme paru sur Raster Noton (Sinn+Form); en dehors d’un moment calme au milieu de ce fatras sonore, sous forme d’une boucle mélodique.

Nous avons préféré, de loin, ses acolytes Olaf Bender (Byetone) et Carsten Nicolai (Alva Noto) qui clôturaient les sessions le samedi soir. Ils ont livré un set cinglant, doté d’une force brute et d’un volume conséquent. Le tandem était épaulé par Atsuhiro Ito qui jouait de l’optron. Un instrument qu’il a inventé, qui ressemble à un néon perclus de capteurs avec lequel il se livre à des solos plein de luminescences et de stridences. Un peu plus tard dans la nuit, les derniers festivaliers encore valides après ces 4 jours intenses ont rejoint Alain Thibault, directeur d’Elektra, et son équipe pour un dernier set dans un bar-club (le Datcha, rue Laurier Ouest pour les connaisseurs). Rendez-vous est pris pour l’année prochaine…;)

Laurent Diouf
publié dans MCD #78, « La conjuration des drones », juin / août 2015

> http://elektrafestival.ca

performances audiovisuelles
hors-série / avril 2010

> Éditorial :

État des lieux des performances audiovisuelles

Mixer l’image et le son en temps réel… L’art de la performance audiovisuelle a évolué avec les technologies : aujourd’hui on invente des instruments multimédia qui synchronisent images et sons, on crée des visuels en direct en utilisant des caméras et/ou des logiciels, on « re-mixe » aussi des images Internet (Web Jockeys*) et même des images satellite issues de Google Earth (Satellite Jockeys) par exemple. Installation, interaction, immersion… Le spectateur est également un élément indispensable de ce type de création artistique qui sort tout juste de sa chrysalide en ce début de XXIème siècle.

Musiques & Cultures Digitales — qui, depuis 7 ans, contribue à valoriser les acteurs de la scène digitale à travers ses diverses publications — vous propose donc de faire le point sur cet art contemporain à travers ce numéro hors-série. Pour décrypter cette pratique artistique qui traite « l’oeil comme l’oreille » (mais pas seulement…), nous avons mis en exergue les regards croisés et complémentaires de quelques journalistes, artistes, universitaires et acteurs impliqués au plus près de cette scène.

Mia Makela nous explique ainsi le terme Live Cinema, apparu récemment pour définir les performances audiovisuelles; analysant son langage et la composition d’images en regard du cinéma et de la composition musicale… Blanca Regina décrypte ces nouvelles tendances au travers de l’évolution du VJing et des multiples déclinaisons des arts visuels. Laurent Catala propose un éclairage sémantique sur la diversité des termes (performance A/V, live, VJing…) qui recouvre des réalités techniques, artistiques et historiques parfois divergentes. Gilles Alvarez replace cette notion de « performance » audio-vidéo dans son contexte historique et insiste sur l’aspect « spectaculaire » — la mise en scène — de l’image live. Enfin, Alain Thibault interroge l’avenir de la performance AV à l’aune des changements esthétiques, culturels et sociaux que cela implique dans le contexte spécifique de l’art numérique.

On le « voit », nous n’avons pas une image fixe mais animée du live AV, une définition plurielle. De la théorie à la pratique : une cinquantaine de portraits d’artistes de la scène A/V nous permettent de mieux comprendre la diversité et la richesse de ces expressions artistiques. Bien sûr ce panorama international n’est pas exhaustif. Il sera enrichi et actualisé en ligne.

Anne-Cécile Worms – Directrice de la rédaction

> Remerciements :
Nous tenons à remercier particulièrement Jean-Christophe Théobalt du Ministère de la Culture (Secrétariat général / Service de la coordination des politiques culturelles et de l’innovation), ainsi que nos partenaires, Némo et Elektra, et leurs équipes pour leurs précieuses contributions.