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De l’art numérique aux jeux vidéo

Ce titre au parfum d’afrofuturisme n’est pas pour nous déplaire. Cette exposition est en quelque sorte la « restitution » d’un périple mené par Isabelle Arvers, artiste et commissaire d’expo, au travers de plusieurs « pays du Sud », à la découverte des modalités d’inscription culturelles et sociales des jeux vidéo sous d’autres lattitudes.

Si l’art numérique comme les jeux vidéos sont encore dominés par l’Europe, les États-Unis et, bien sûr, le Japon, le reste de la planète n’est désormais pas inerte, culturellement, par rapport à ce vaste domaine qui fait désormais « jeu » égal avec le cinéma. L’univers des jeux vidéos s’est enrichit au contact d’autres types de représentations, paysages, récits et cosmogonies. Tout comme notre imaginaire (i.e. celui des occidentaux) s’enrichit et surtout se « décolonise » par la co-construction de récits nés de la rencontre entre tradition orale, savoirs endogènes et univers virtuels des jeux vidéo.

Henri Tauliaut. Water Divinity. Photo : D.R.

Avec l’avènement de référents culturels dont les racines peuvent puiser — de nouveau et à nouveau — dans l’animisme, par exemple, et des univers oniriques et ludiques qui se déloient dans le virtuel, dans le métavers, nous sommes invités à changer de paradigme. La science et la pensée humaine ne sont plus les seules sources de connaissances; il est désormais possible de penser à des connaissances « au-delà de l’humain ». Cela implique que la nature, les animaux pensent et que les non-humains peuvent enseigner des techniques et connaissances, en changeant de perspective, comme le propose l’anthropologue brésilien Eduardo Viveiro de Castro.

Démonstration avec l’installation interactive de Laura Palavecino (High In the Sky And Beneath the Stars), les photos et dessins d’Eulalia De Valdenebro Cajiao, les jeux vidéo de Daniela Fernandez (Laidaxai), Henri Tauliaut (Water Divinity) et Matajuegos (Atuel), l’installation-performance de la chorégraphe, artiste et chercheuse, Aniara Rodado (Coca para comer), l’installation vidéo de Tania Fraga (Epicurus Garden), le film d’Isabelle Arvers + Gaël Manangou créé à partir d’un univers virtuel (Liquid Forest), Les Spectographies (film et installation VR) de Carole Chausset Myriam Mihindou &Annie-Flore Batchiellilys, Daniely Francisque et Florence boyer / cie Artmayage, l’interactive installation du collectif Technorisha (eFa)…

Laurent Diouf

exposition Aux Futurs Ancestraux : de l’art numérique aux jeux vidéo
> du 14 octobre au 20 janvier, Espace Multimédia Gantner, Bourogne
> https://www.espacemultimediagantner.cg90.net

Le Hublot présente Artifice Numérique #06, en lien avec OVNi. Après « Végétalisons » puis « Animal », le festival d’arts numériques du 109 à Nice passe aux processus énergétiques… comme les énergies de combustion, photoniques, électriques, calorifiques et vivantes.

Énergies des corps en mouvement avec Nicolas Clauss, One Step Ahead de Cédric Teisseire, énergies du collectif avec Scenocosme, mais aussi du flux de la vague avec Étienne Rey, chaleur du soleil avec l’Œil-Océan de Anne-Sarah Le Meur et d’intelligence artificielle avec Conversation au Soleil de Florian Schönersted et encore l’Attraction de Florent Colautti.

Performance audiovisuelle de chdh avec Nicolas Montgermont & Cyrille Henry (Deciban), d’Antoine Schmitt & Franck Vigroux (ATOTAL)… Mapping-vidéo de Frédéric Alemany (Wasaremix). Conférences avec Eloïse Rolland (Simuler l’empreinte environnementale de votre spectacle), Gilles Bogoaert (Énergie : imaginaire versus réalité)… Ateliers (animation 3D et modélisation)

> du 17 novembre au 02 décembre, L’Entre-Pont au 109, Nice
> https://www.lehublot.net/artifice2023/

Nos personnalités multiples à l’ère numérique

Pièce maîtresse de la biennale Némo, l’exposition Je est un autre est visible au CentQuatre à Paris jusqu’au 7 janvier 2024. Comme indiqué dans le sous-titre, cet événement est axé autour de nos clones numériques. Copies, doubles, mutants, avatars, identités factices, technologies de l’égo, quêtes de visibilité, (dis)simulations, emprises, deepfakes, chimères, métamorphoses et univers parallèles : nous vivons désormais dans un monde hyper-technologique mais illusoire avec des personnalités multiples. Démonstrations au travers de vidéos immersives, d’installations interactives et autres œuvres hybrides.

Maxime Houot (Collectif Coin), Ataraxie

Je est un autre ? Évidemment avec ce titre rimbaldien on se perd en conjectures… Quid de l’enfer du coup, serait-on tenté de rétorquer en piètre sartrien… On verra, en attendant ce sont les Portes du Paradis que nous ouvre Marco Brambilla (Heaven’s Gate). Une installation vidéo dantesque. Au sens strict, d’ailleurs, puisqu’elle est inspirée par le Purgatoire de Dante. À l’écran géant, qui fait près de huit mètres de haut, se succèdent en boucle sept tableaux retraçant l’histoire du monde et de l’humanité, du Big Bang à nos jours… Une histoire américaine, cela dit car on y reconnaît des symboles de la conquête de l’Ouest et de Wall Street. Entre autres. Pionnier de l’image numérique ayant œuvré par le passé au cinéma (rayon blockbuster), Marco Brambilla a réalisé des collages pour chacune des époques, empruntant une multitude, justement, de personnages et de monstres à de vieux films hollywoodiens. Le résultat est somptueux et envoûtant.

Autre réalisateur ciné et touche-à-tout de l’image numérique, Ismaël Joffroy Chandoutis qui propose Madotsuki_the_Dreamer. Une installation vidéo « mise en scène » dans une chambre de geek ou apparenté. Créée pour la biennale, cette installation tire son nom de l’héroïne d’un jeu vidéo japonais du début des années 2000, obscur et troublant par rapport aux normes des autres jeux de cette période. Comme sur ce modèle, il est aussi question de rêves sans sortir d’une pièce. Ici ce sont les nombreuses personnalités endossées par un individu et incarnées par écran interposé. Au total, il décline 74 identités factices qui vont de la féministe radicale au néo-nazi en passant, bien sûr, par le jihadiste… Le monde des réseaux finalement…

Lifer Heritage, le projet de Montaine Jean, Clare Poolman, Jeanne Rocher et Etta Marthe Wunsch, nous immerge aussi dans un décor de jeu vidéo. Pourtant, ce n’en n’est pas un. Il s’agit de Second Life ; monde virtuel qui fut paradoxalement « réel » un temps avant de s’évaporer une fois l’engouement pour ses îles retombé au tournant des années 2010. Depuis, il reste quelques avatars errant comme des zombies dans des décors datés et froids, dont le rendu n’a pas évolué depuis. Déserté, ce monde virtuel auquel nous avons tous cru à un moment donné est devenu fantomatique. En nous montrant ces avatars « en quête d’auteur », ce collectif s’est livré à un vrai travail d’archéologie numérique. Est-ce que le nouveau métavers connaîtra le même sort ? On est en droit de se poser la question alors que Meta et les casques VR qui n’existaient pas à l’époque de Second Life n’ont pas (encore) rencontré l’adhésion du plus grand nombre.

Bill Vorn, I.C.U. (Intensive Care Unit)

Il est question aussi de virtuel, plus exactement de mausolées virtuels, avec Frederik Heyman (Virtual Embalming). Composé d’étranges petits tableaux en 3D presque kitsch, ses pièces s’imposent comme des reliques d’un nouveau genre. Frederik Heyman a ainsi virtuellement « embaumé » pour l’éternité, ou presque, trois de ses icônes : Isabelle Huppert, Kim Peers et Michèle Lamy. Après tout, pourquoi pas… On revient sur la vidéo assez horrifique et mortifère, il faut bien le dire, avec Ian Spriggs (Cœus, Prometheus, Ichor, Tetrad). Ses portraits vidéographiques se transforment en écorchés, passant d’un visage lisse, léché, à un monstre anatomique que l’on dirait échappé d’un manuel de médecine avec une netteté saisissante… Et puisque l’on parle médecine, on observera aussi avec délectation les robots de Bill Vorn au bord de l’agonie, en unité de soins intensive (Intensive Care Unit), en repensant au fameux « cri des machines blessées »…

Dans un autre genre, mêlant représentation animale et mécanique, les « moutons électriques » de Jean-Luc Cornec (TribuT) avec leurs têtes et pattes composées de vieux téléphones filaires nous renvoie inévitablement à nos comportements à l’heure des smartphones. De manière un peu plus docte, Donatien Aubert entreprend justement de raconter l’histoire des télécommunications, du morse jusqu’aux intelligences artificielles avec des ordinateurs, des blocs holographiques et un film (Veille Infinie). Enfin, on s’approchera prudemment du container dans lequel défilent, avec les mêmes postures que des mannequins, des personnages boursoufflés et affichant des couleurs pastels (Maison Autonome). Créées par le Collectif Universal Everything, ces entités 3D constituent aussi le visuel de cette édition 2023 de Némo.

collectif Universal Everything, Maison Autonome. Photo: D.R.

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Je est un autre ?
Nos personnalités multiples à l’ère numérique
> exposition au CentQuatre à Paris
> jusqu’au 7 janvier 2024
> https://www.biennalenemo.fr/

Biennale internationale des arts numériques

Némo est de retour en cet automne 2023. Comme les éditions précédentes, la Biennale Internationale des Arts Numériques essaime à Paris et dans toute l’Île-de-France jusqu’au début de l’année prochaine. Plus d’une vingtaine de lieux sont investis pour cette manifestation.

collectif Universal Everything, Maison Autonome. Photo: D.R.

L’inauguration de cette biennale tentaculaire s’est faite au CentQuatre à Paris avec l’exposition Je est un autre ? dont le titre reprend les mots de Rimbaud. Derrière cette assertion, c’est toute une thématique autour des représentations et personnalités multiples que chacun abrite désormais grâce (ou à cause) du numérique.
Copies, doubles, mutants, avatars, identités factices, technologies de l’égo, quêtes de visibilité, (dis)simulations, emprises, deepfakes, chimères, métamorphoses et univers parallèles font désormais partie de notre quotidien.
C’est tous ces « effets miroirs » qui sont mis en scène dans cette exposition au travers de vidéos immersives, d’installations interactives et autres œuvres hybrides conçues par Jean-Luc Cornec (TribuT), Marco Brambilla (Heaven’s Gate), Bill Vorn (Intensive Care Unit), Frederik Heyman (Virtual Embalming), Ian Spriggs (Cœus, Prometheus, Ichor, Tetrad), Donatien Aubert (Veille Infinie), Encor Studio (Alcove LTD)…

Pendant trois mois, d’autres expositions, spectacles, installations, rencontres et performances viendront creuser ce sujet et rythmeront le déroulé de la biennale le temps d’une journée, d’une semaine ou de plusieurs mois. Ainsi jusqu’au 5 janvier à La Capsule, le Centre culturel André Malraux du Bourget, Chen Chu-Yin et Daphné Le Sergent extrapolent autour des DAO (Decentralized Autonomus Organizations) ; en français les Organisations Autonomes Décentralisées. Soit des « communautés internet » formées autour d’un intérêt commun que les deux artistes abordent par le biais de la mémoire artificielle et de l’intelligence collective.

Au Cube de Garges, une exposition collective enterre avec un peu d’avance le monde digital, celui du geste sur nos écrans tactiles, pour nous faire entrevoir le monde de demain, celui des interfaces actionnées par la pensée. Intitulée Cerveau-Machine, cette exposition prévue jusqu’au 16 décembre réunie notamment Memo Akten, Maurice Benayoun, Justine Emard, Neil Harbisson & Pol Lombarte, Mentalista, Adrian Meyer, Julien Prévieux, Marion Roche… Un cycle de projections, deux œuvres de réalité virtuelle réalisées par Mélanie Courtinat et Lena Herzog, un live de Sugar Sugar et une performance audiovisuelle de TS/CN (Panorama) sont également prévus en écho à cette expo.

TS/CN, Panorama. Photo: D.R.

Échantillons de soi est une autre exposition collective autour des « personnalités multiples » qui nous hantent dans le réel comme dans le virtuel et de la pratique d’échantillonnage (son, image). Ou approchant. Les œuvres d’Ines Alpha, Renaud Auguste-Dormeuil, Emilie Brout & Maxime Marion, Grégory Chatonsky, Dasha Ilina, Bettie Nin et Fabien Zocco présentées à La Traverse, Centre d’art contemporain d’Alfortville, brouillent également, pour certaines du moins, la frontière entre sphère privée et monde de l’art.

Au Centre Culturel canadien à Paris, du 7 décembre 2023 au 19 avril 2024, il sera question d’Infinies Variations par le biais des créations de Nicolas Baier, Salomé Chatriot, Chun Hua, Catherine Dong, Georges Legrady, Caroline Monnet, Oli Sorenson, Nicolas Sassoon, Christa Sommerer & Laurent Mignonneau et Timothy Thomasson. C’est le troisième volet d’une trilogie conçue par les commissaires d’exposition Dominique Moulon, Alain Thibault et Catherine Bédard qui explorent, cette fois, la notion de série telle qu’elle se présente dans l’histoire de l’art depuis le XIXe.

Au Bicolore, l’espace culturel et la plateforme digitale de la Maison du Danemark à Paris, sur une thématique voisine (Multitude & Singularité) appliquée aux êtres comme aux technologies, on découvrira des œuvres de Stine Deja & Marie Munk, Jeppe Hein, Mogens Jacobsen, Jakob Kudsk Steensen, Jens Settergren et Cecilie Waagner Falkenstrøm qui reflètent la complexité du monde dans sa version numérique. Aux Gémeaux, Scène nationale de Sceaux, du 8 au 17 décembre, la compagnie Adrien M & Claire B présentera Dernière minute. Une installation doublée d’une expérience immersive qui inclue les spectateurs. Le concept : une minute est étirée sur une demi-heure. La source d’inspiration : le décès d’un père et la naissance d’un fils. Le sujet : l’intervalle, cette fameuse minute, qui précède la vie ou la mort…

Stine Deja & Marie Munk, Synthetic Seduction: Foreigner. Photo: D.R.

Début décembre également, lors de l’Open Factory #7 au CentQuatre, on pourra aussi solliciter Tally, l’apprentie artiste quantique mise au point par Matthieu Poli avec Alexis Toumi et Sven Björn Fi. Cette intelligence artificielle (impossible d’y échapper dans une telle manifestation) utilise les possibilités uniques de l’ordinateur quantique pour composer des œuvres abstraites qu’elle dessine ensuite à l’aide de bras robots. Elle apprend continuellement en intégrant les réactions du public, définissant ainsi une sensibilité artistique propre. Contrairement aux intelligences artificielles génératives classiques qui se contentent de reproduire l’existant, Tally cherche à comprendre en profondeur la structure des œuvres d’art. À voir…

Durant ce trimestre riche en propositions artistiques, on retiendra aussi Lumen Texte, la performance « pour un vidéo projecteur et un plateau vide » du Collectif Impatience au MAIF Social Club à Paris. Chutes, l' »opéra électronique » source d’expérience synesthésique de Franck Vigroux / Cie Autres Cordes à la MAC de Créteil. La nouvelle version d’A-Ronne, le « théâtre d’oreille » conçu par Luciano Berio & Sébastien Roux, proposée par Joris Lacoste au même endroit. Cette pièce sonore explorera les ambiguïtés entre voix et électronique, voix amplifiées ou réverbérées dans l’espace, voix jouées dans le casque ou entendues « à travers » le casque.

On testera Earthscape ou la déambulation philosophique initiée par la Cie Zone Critique, sur un modèle rappelant les dérives situationnistes (en plus sérieux…), qui investira la Scène de Recherche de l’École Nationale Supérieure Paris-Saclay à Gif-sur-Yvette. Sur l’esplanade de La Défense, on retrouvera une autre installation d’Encor Studio, Hemispheric Frontier — un cercle clignotant de néons assez hypnotiques se reflétant sur une surface aqueuse — et la Lune Dichroïque de Jérémie Bellot. Une sorte de grosse boule à facette translucide et colorée. Nourri par la géométrie polyédrique et les arts mathématiques, nous dit-on, ce plasticien et architecte de formation, interroge le rôle de la lumière dans l’espace vécu et dans l’espace perçu à travers des dispositifs audiovisuels immersifs.

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Némo
Biennale internationale des arts numériques
> jusqu’au 7 janvier 2024
> https://www.biennalenemo.fr/

Le mouvement et la lumière, comme l’espace et le temps, ont toujours fait bon ménage sur le plan scientifique et artistique. Preuve en est — si besoin était — au travers d’une expo « grand angle » qui met en perspective des œuvres d’art cinétique, géométrique, optique et numérique d’artistes pionniers, pour beaucoup disparus, et de la jeune génération déjà bien affirmée. Les pièces ne sont pas cloisonnées selon leur époque, ni leur courant, mais dialoguent entre elles selon les procédés utilisés et l’esthétique évoquée. Le public est invité à découvrir plus de 80 œuvres jouant avec le mouvement et la lumière — naturelle ou artificielle — au travers d’un parcours thématique en 6 étapes.

On commence avec « Les Équilibres Naturels » où l’on perçoit non seulement l’espace environnant, mais aussi les forces vitales et invisibles de la nature : aux courants d’air qui animent les mobiles de Calder et Shingu, répondent les mises en tensions électromagnétiques de Takis. Plus loin, Pol Bury semble s’inspirer de la lenteur des poussées végétales pour mettre ses « Ponctuations » en mouvement, tandis que Laurent Debraux et Emmanuel Lagarrigue optent pour une approche hypnotique, que ce soit par le mouvement ou le son. Laurent Pernot prend un chemin plus poétique. Andrea Bowers est sur le registre de l’activisme et Carsten Höller est plus cartésien en utilisant, comme tant d’autres avant lui, la suite mathématique de Fibonacci.

Un hommage est également rendu dans le jardin extérieur à Jesús Rafael Soto avec « Pénétrable BBL bleu », sculpture monumentale et participative que le public est invité à traverser, et 5 autres œuvres représentatives de son travail. Cette couleur — le bleu — réagissant à la lumière blanche souligne la transparence, le volume et le mouvement du mobile sphérique de Julio Le Parc (cofondateur du G.R.A.V., Groupe de Recherche d’Art Visuel, auto-dissout en 1968). Minimalistes ou plus excentriques, « Les Lumières de la ville » sont sublimées par Dan Flavin, François Morellet (autre représentant disparu du collectif G.R.A.V.) et Jenny Holzer.

D’autres jeux de lumière, impliquant « Reflets et Éclats », viennent troubler notre perception de la réalité pour mieux la révéler. Les œuvres miroirs de Haegue Yang, Jeppe Hein, Regine Schumann ou Keith Sonnier fracturent notre espace ou le colorent, tandis que l’absence de reflets dans l’œuvre de Raphael Hefti nous déstabilise. […] Tatsuo Miyajima joue avec la synesthésie, qui porte certaines personnes à associer des couleurs aux lettres ou aux nombres. Félicie d’Estienne d’Orves compose avec des données sur les supernovae… […] Certains artistes explorent l’effet de la lumière sur les matériaux. Elias Crespin décompose les couleurs par la mécanique. Carlos Cruz-Diez les superpose grâce aux rayons lumineux qui traversent sa sculpture. Les matières chez Philippe Decrauzat créent des irisations, soit des décompositions de la lumière à leur surface, ou des effets de moirage chez Miguel Chevalier.

Dans la section de l’expo intitulée « L »Œil du Moteur », ce sont nos yeux qui sont les moteurs des effets optiques des œuvres proposés par Grazia Varisco, Nino Calos, Martha Boto, Hugo Demarco, Victor Vasarely, Iván Navarro ou Chul-Hyun Ahn qui nous aspirent dans des profondeurs de miroirs et de néons… Ces « Hypnoses Géométriques » peuvent aussi reposer « simplement » sur le contraste entre le noir et le blanc pour créer des images rémanentes – c’est-à-dire la persistance rétinienne d’une sensation après la disparition de sa cause – qui animent et font vibrer les formes géométriques simples qu’ils utilisent. […] L’apparente simplicité des œuvres cinétiques est trompeuse. Les carrés et les cercles souvent utilisés se multiplient ou se déforment pour nous plonger dans un mouvement comme chez Marina Apollonio ou Francisco Sobrino, une profondeur chez Antonio Asis et Joël Stein […] et se déclinent en couleur, avec Yaacov Agam, Ueli Gantner, Cesar Andrade, Siegfried Kreitner et Luis Tomasello ou en lumière chez Angela Bulloch. …

Mouvement et Lumière #2
> jusqu’au 1er novembre, Fondation Villa Datris, L’Isle-sur-la-Sorgue. Entrée libre.
> https://fondationvilladatris.fr/fondation-villa-datris/exposition/

installations numériques et exposition en déambulation nocturne

L’association Fées d’Hiver que l’on connaît pour son Parcours des Fées — un circuit d’art in situ sur un sentier de randonnées — est également à la manœuvre de la Folie Numérique. Un espace de création artistique participatif et collaboratif dédié aux arts numériques qui organise Les Folies Numériques. Une biennale d’arts numériques dans les Hautes-Alpes, à Champ Rond, sur son lieu historique de résidence pour présenter ses récentes productions. Après quelques années de pause pour cause de Covid, l’édition 2023 accueille 12 installations lumineuses, sonores ou visuelles à découvrir lors de déambulations nocturnes sur trois soirées, les 11, 12 et 13 août.

Parmi les œuvres qui émaillent ce parcours : le Vortex Incandescent de Scenocosme (Grégory Lasserre & Anaïs met den Ancxt). Une œuvre interactive qui prend la forme d’un polyèdre dont chaque face réagit à la présence et à la distance des visiteurs par une vibration lumineuse et sonore. Les « flammes lumineuses » de ce polyèdre se prolongent également au niveau des montants extérieurs. La présence évolutive des publics autour génère un ensemble de vibrations dynamiques. Fidèle à ses techniques de détournement et de dynamitage des codes et du langage administratif et entrepreneurial, et des techniques de marketing électoral, Le Büro Des Renseignements (Yragaël Gervais & Sarah Grandjean) invite le public à poser des questions météorologiques, animalières, métaphysiques, médicales ou divinatoires au travers d’une étrange machine, La Station Magnétique.

Pour son installation Ka-Ra-Son, Florian Carro met en résonnance des carafes qui changent de couleurs selon la hauteur du son généré par un dispositif fixé sur leur goulot. Deux programmes musicaux se succèdent et pilotent les résonateurs régis selon le principe de Helmhotz… Pour cette édition, Florian Carro a réalisé une autre installation sonore baptisée Cadavre Exquis. Cette pièce reprend le principe du jeu d’écriture initié par les surréalistes en 1925. Plusieurs pavillons et cornets, disséminés dans une pièce, invitent le spectateur à venir tendre l’oreille afin de s’y faire susurrer quelques cadavres exquis réalisés par un algorithme. Ils pourront aussi venir enregistrer leurs propres mots auprès d’une borne prévue à cet effet, afin d’étoffer le dictionnaire de l’algorithme.

Qui dit déambulation, dit silhouettes… Claudine Meyer, Florent Colautti et Erik Lorré ont installé une trentaine de mannequins filiformes dont la texture en treillis laisse passer la lumière (Procession Silencieuse). Ces structures lumineuses interagissent avec leur environnement et les passants. En solo, Florent Colautti s’amuse avec des diapasons au travers d’un dispositif qui fait appel au champ magnétique pour impulser des oscillations (Le Spectre Des Attractions). De son côté, Erik Lorré a mis en scène un étrange ballet sonore qui fait évoluer 50 parapluies ! Inspiré du Jeu de vie inventé par le mathématicien John Conway, cette installation s’intitule Singin’ In The Rain, mais on peut y voir aussi un clin d’œil aux manifestants Hong Kongais de la « révolution des parapluies » en 2014. Cet alignement est programmé pour simuler une sorte de comportement collectif, voire compulsif

Pour son Manège mimétique, David Coignard du collectif Insuto utilise lui aussi un parapluie. Posé sur une platine vinyl et couplé avec un projecteur vidéo, il agit comme une sorte de lanterne magique ayant pris au piège des hommes et des femmes qui essaient vainement d’atteindre le centre de cette installation. Quant à Frédéric Alemany, il nous donne à entendre la vie qui grouille dans un vivarium (Biotopie). Les insectes, vers et autres bestioles produisent des sons qui déclenchent des animations 3D projetées sur les racines filaires de l’installation…

Les Folies Numériques
> du 11 au 13 août, Champ Rond
> http://folie-numerique.fr/festival.htm

La 38e édition de Vidéoformes, le festival international d’arts hybrides et numériques de Clermont-Ferrand, aura lieu du 16 mars au 02 avril et affiche un programme très riche.

Dédié à des créations hybrides, c’est-à-dire mêlant art et science, cet événement invite à parcourir les multiples détournements de jeux vidéo, à aborder les questions environnementales, la perception et la représentation du corps, du paysage, la couleur et des esthétiques culturelles différentes au travers d’expositions, performances, projections et rencontres.

Le festival proposera notamment une sélection de films et d’expériences en réalité virtuelle. Dont I-Real, un projet de réalité mixte qui mélange jeu de plateau et VR conçu par Marc Veyrat en collaboration avec des laboratoires universitaires. Et Inside A Circle Of Dreams, une vidéo 360° des Residents qui utilise des images stéréoscopiques tournées lors du festival Litquake en 2018 à San Francisco.

Des prix seront décernés par des jurys (professionnel, étudiant, SCAM) pour distinguer des vidéos internationales et expérimentales. Des journées de rencontres professionnelles — Actes numériques #4 — confronteront les points de vues des artistes, commissaires, producteurs, diffuseurs, formateurs, enseignants, étudiants…

Soit trois tables rondes qui ponctuent des présentations d’œuvres et d’artistes autour de thématiques choisies : Entre peau et pixels, le corps s’hybride (avec l’artiste Úrsula San Cristóbal et Davide Mastrangelo, directeur artistique du festival IBRIDA), Méta-vidéo, métaverse : l’arrière-boutique du monde… (avec le collectif d’artistes Total Refusal et Hokyung Moon, commissaire d’exposition du Seoul International NewMedia Festival), L’œuvre en soi-même : l’art au cœur d’un monde sans lumière ? (avec l’artiste Agnès Guillaume et Abir Boukhari, directrice artistique du projet AllArtNow).

En parallèle aura lieu Vaudou guéris (sage), une rencontre sous l’égide de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédia) réunissant Clémentine Raineau, anthropologue, et Henri Tauliaut, artiste techno-performer et enseignant-chercheur.

Des performances AV viendront rythmer le week-end d’ouverture, le 17 et 18 mars, avec DATUM CUT (alias Maxime Corbeil-Perron) qui viendra présenter en première mondiale inex.materia. Une célébration onirique de l’impermanence et de l’obsolescence nourrie par les coupes anarchitecturales, l’archéologie des médias, le cinéma expérimental et l’art vidéo.

Avec Untitled, Rafaël livrera une performance live-cinéma, qui manipule du son et de l’image en direct, basée sur le récent triptyque audiovisuel éponyme. Dans un autre registre, le live-mix vidéo de DZRDR devrait être plus percutant…

Une exposition, éclatée dans près d’une dizaine de lieux (9 pour être précis), nous permettra d’apprécier les installations audio-visuelles d’Anne-Sarah Le Meur (DixVerts), Ursula San Cristobal (Tejer un cuerpo), Total Refusal (Hardly Working), Shunsuke François Nanjo (The Infinite Landscape), Henri Tauliaut (Water Divinity Game), Gary Hill (Afterwards), Mariana Carranza (Ephemeral Angels), Agnès Guillaume (You said Love is Eternity)…

Une exposition collection, Vidéo Art Academy, proposera une sélection de vidéos issues des travaux d’établissements d’enseignement supérieur qui relèvent du champ de l’art vidéo et des arts numériques. Des ateliers d’initiation à la réalité augmentée seront ouverts au public.

Les visiteurs seront également mis à contribution pour l’installation interactive de Mariana Carranza, Forest Stillness. Ce dispositif offre la possibilité de faire pousser des arbres de manière contemplative, d’observer leur croissance avec une économie de gestes… Cette contribution sera validée par des NFT.

Vidéoformes 2023
> du 16 mars au 02 avril, Clermont-Ferrand
> https://festival2023.videoformes.com/

De l’autre côté

Rendez-vous annuel du Fresnoy, Studio National des Arts Contemporains, Panorama est placé cette année sous le signe de la frontière invisible, celle qui nous fait passer de l’autre côté du miroir via des installations vidéos et projections.
L’autre côté, c’est aussi l’autre vie de cet ancien lieu de fêtes et de retrouvailles, cinéma, salle de bal, de concert, de combats de boxe et de catch qu’était Le Fresnoy, devenu le vaisseau obscur d’œuvres de lumière… 
L’autre côté, c’est celui auquel l’art donne accès notre monde mais un autre à la fois ; soudain habité, mystérieux, enchanté, révélé… parfois convoqué par des danses et transes, des rituels guérisseurs, mais aussi par le truchement d’une technologie dont la discrétion marque la réussite…
L’autre côté, c’est le monde du rêve jamais très loin d’ici. Celui des astronautes et celui des hommes préhistoriques restitués par les algorithmes. L’autre côté, ce sont ces figures de lumière spectrales qui habitent l’exposition : plus de 50 œuvres inédites, dans les domaines de l’image, du son et de la création numérique, réalisées par les artistes du Fresnoy. L’autre côté, c’est celui auquel nous accédons en pénétrant l’écran de cinéma, celui de la salle de projection au cœur de l’exposition où 29 films inédits seront projetés.
Avec Judith Auffray, Younes Ben Slimane, Anna Biriulina, Lucien Bitaux, Julia  Borderie & Eloïse Le Gallo, Ghyzlene Boukaïla, Alice Brygo, Lea Collet, Anaïs-Tohe Commaret, Jerome Cortie, Rolando Cruz Marquez, Bianca Dacosta, Charline Dally, Edith Dekyndt, Guillaume Delsert, Sarah-Anaïs Desbenoit, Ana Edwards, Justine Emard, Julian García Long, Yann Gonzalez & Alain Garcia Vergara, Che-Yu Hsu, Adam Kaplan, Elina Kastler, Lina Laraki, Lou Le Forban, Pierre-Lefrançois Vérove, Ange Lempaszak, Quentin L’helgoualc’h, Ethel Lilienfeld, Marin Martinie, Gohar Martirosyan, Antoine Mayet, Joachim Michaux, Magalie Mobetie, Fredj Moussa, Marcel Mrejen, Norman Nedellec, Toshihiro Nobori, Daniel Penaranda Restrepo, Hugo Pétigny, Charlotte Pouyaud, Julie Ramage, Chuxun Ran, Sabrina Ratté, Ben Rivers, Julia Tarissan, Guillaume Thomas, Kris Verdonck, Victor Villafagne, Agata Wieczorek, Jisoo Yoo, Yunyi Zhu…

> du 30 septembre au 31 décembre, Le Fresnois, Tourcoing
> https://www.lefresnoy.net/

Mille Plateaux


NonPlusUltraBlack
est installation sonore avec les contributions de John-Robin Bold & Andy Cowling, DMSTFCTN, Lain Iwakura, Thomas Köner, Frédéric Neyrat, Realism Working Group, Achim Szepanski, Simona Zamboli
Dans la lignée des productions de Mille Plateaux et de ses labels satellites (Force Inc., Position Chrome, Communism Records) valorisant les « clicks & cuts » et la culture du glitch, avec ce dispositif présenté à l’espace Synnika à Francfort, l’accent est mis sur le concept d’ultranoir : anonyme, sombre, caché, crypté, opaque, secret

Nous utilisons l’obscurité pour désigner l’extérieur. Et l’extérieur a plusieurs noms : Le bouleversement, le contingent, le vide, le silence, l’inattendu, l’aléatoire, l’effondrement, la catastrophe. Très imprégnés de la pensée de Deleuze, sans se départir d’une vision socio-politique sans concession (NON), Achim Szepanski et ses acolytes refusent la consécration comme la muséification et continuent de défricher de nouveaux territoires, continuent de construire de nouvelles « non-musiques » à l’abri, à l’écart, dans le noir donc : les concepts d’invisibilité s’opposent aux guerres des apparences.

> du 21 novembre au 15 janvier, Synnika, Francfort (Allemagne).
> https://synnika.space/events/nonplusultrablack

Le titre de cette double exposition consacrant l’artiste Boris Labbé est emprunté à Henri Michaux. Animation, installation vidéo, scénographie, mapping… Les œuvres présentées à l’Espace culturel départemental – 21 bis Mirabeau (jusqu’au 20 février 2022) et au Musée des Tapisseries à Aix-en-Provence (à partir du 3 décembre 2021 jusqu’au 6 mars 2022) constituent une véritable monographie.

Cette célébration est proposée à l’initiative de Seconde Nature et Zinc, sous la bannière de Chroniques, la biennale des Imaginaires Numériques dont la troisième édition se tiendra du 10 novembre 2022 au 23 janvier 2023 autour de la thématique de la nuit. Boris Labbé était au programme de l’édition 2020 de Chroniques avec La Chute; un film précédemment sélectionné dans le cadre de la Semaine de la Critique du festival de Cannes 2018.

Né en 1987 à Lannemezan (Hautes-Pyrénées), Boris Labbé est passé par l’École des Beaux-arts de Tarbes (ESACT) puis par l’École d’animation d’Angoulême. On ne sera donc pas surpris de retrouver ces deux fillière (dessin traditionnel et cinéma d’animation) dans son travail. Une hybridation que l’on voit à l’œuvre dans les vidéos et installations présentées dans cet « infini turbulent », qui témoignent d’une bonne décennie de pratique et d’expérimentations alliant techniques numériques, images animées et références plus classique à la peinture et au dessin.

C’est le cas notamment pour Il(s) tourne(nt) en rond (2010) et Kyrielle (2011). Deux œuvres d’animation présentées au 21 bis Mirabeau qui sont imprégnées de la peinture des primitifs flamands et des codes des classiques du cinéma d’animation expérimental : l’envahissement de l’espace par les personnages, la métamorphose, une narration en boucle.

Pour son exposition à l’espace culturel départemental – 21, bis Mirabeau, Boris Labbé propose un parcours qui présente deux de ses premières œuvres d’animation, Il(s) tourne(nt) en rond (2010) et Kyrielle (2011). Ces œuvres de “jeunesse” révèlent les thématiques et obsessions de l’auteur, développées par la suite : le goût pour la peinture des primitifs flamands, mais également une filiation à peine dissimulée avec des classiques du cinéma d’animation expérimental, l’envahissement de l’espace par les personnages, la métamorphose, une narration en boucle.

Dans la galerie gothique du Musée des Tapisseries, Boris Labbé propose une recréation du travail de scénographie réalisé pour le chorégraphe Angelin Preljocaj en 2020 : Le Lac des Cygnes. L’installation vidéo, réagencée, retravaillée, re-sonorisée, ne garde du titre original que la première partie : Le Lac (2020). Les vidéos montrent les éléments primordiaux (l’eau, la fumée, les nuages, les oiseaux, la forêt, l’architecture, une usine…) qui sont en tension permanente les uns par rapport aux autres.

D’autres travaux et vidéos s’inspirent des danses et chants traditionnels des Aïnous, peuple oublié du Nord du Japon (la série Sirki, 2020), des mouvements et glissements de terrain à l’origine de la formation des montagnes (Orogenesis, 2016), d’un organisme qui ne trouve jamais sa forme finale, mais qui cherche toujours à se renouveler, faisant ainsi référence explicitement à Deleuze et Guattari (Rhizome, 2015). À visionner en méditant sur cette citation d’Henri Michaux  : On est entré dans une zone de chocs. Phénomène des foules, mais infimes, infiniment houleuses. Les yeux fermés, on a des visions intérieures.

Boris Labbé, L’Infini turbulent, exposition – monographie à Aix-en-Provence
> 21 bis Mirabeau – Espace culturel départemental, jusqu’au 20 février 2022
> Musée des Tapisseries, jusqu’au 6 mars 2022.
> Église de la Madeleine, mapping projeté sur la façade tous les jours de 18h à 21h, jusqu’au 24 décembre 2021

> https://www.borislabbe.com/
> https://chroniques.org/event/linfini-turbulent-boris-labbe/