Archive d’étiquettes pour : Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand

Cosmogonie

Cette 8ème édition du festival Mirage dédié à l’art, à l’innovation et aux cultures numériques, est placée sous le signe de la Cosmogonie. Derrière ce terme, que l’on raccorde plus volontiers à la conception de l’univers des civilisations disparues, se cache une programmation qui fait la part belle à l’imaginaire spatial et à notre futur proche au travers d’un parcours d’exposition, des rencontres et des performances.

Flavien Théry, Jean-Pierre contemplant le trou noir. Photo: D.R.

En phase avec cette thématique, parmi les artistes invités cette année, on retrouve Flavien Théry qui nous propose d’écouter les étoiles au travers de son installation Messenger, de faire une exploration sonore de la surface martienne à défaut de pouvoir y aller physiquement (Sound reveries of trips we won’t go), mais aussi de « voir » un trou noir sous la forme d’une tapisserie stéréoscopique en écho à la première représentation informatique de cet objet céleste énigmatique réalisé par l’astrophysicien Jean-Pierre Luminet (Jean-Pierre contemplant le trou noir).

Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand sont aussi fascinés par les trous noirs. Avec Orbiheron, ils recréent un vortex en jouant sur des effets d’optiques dans un bassin rempli d’eau, matérialisant ainsi les aberrations lumineuses et physiques observables aux abords de ces monstres cosmiques. Le duo d’artistes présente également Hydrogeny, une installation qui déploie les volutes des irisations colorées de l’hydrogène grâce à un système d’électrolyse.

Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand, Orbiheron. Photo: D.R.

Avec Soleil Noir, Barthélemy Antoine-Loeff rend visibles les éruptions solaires dont les panaches débordent la circonférence de notre astre, masqué par un cache. Mais c’est aussi une « allégorie énergétique » qui pointe la démesure des ressources dont nous avons désormais besoin pour alimenter nos serveurs et autres data centers. Le collectif Berlinois Quadrature est également à l’écoute de l’espace avec une mécanique disposée en arc de cercle qui retrace, en temps réel via une antenne, les vibrations des confins de l’univers (Noise Signal Silence)

La réalité virtuelle est également au programme avec des projections comme Nachtspiel de Robert Müller & Christophe Merkle, Fluido.obj de Joaquina Salgado, Quantum de Kylan Luginbühl, et Cosmorider de Pierre-Emmanuel Le Goff : cinq petites minutes intenses qui permettent de vivre l’expérience de l’aventure spatiale de Thomas Pesquet. À noter un bel aperçu de nombreuses œuvres réalisées par des étudiants issus d’écoles de design. En parallèle, des « ateliers vidéo & cratères d’impact », une visite commentée et le spectacle interactif, entre théâtre et jeu vidéo, librement inspiré du roman Loterie solaire de Philip K. Dick, de Mathilde Gentil (GOSH Cie), témoignent d’une ouverture en direction d’un public familial.

Laboratoire de rencontres, le Mirage Creative+ regroupe une série de conférences et tables rondes. Ainsi, le rendez-vous de l’Institut Français met son expertise au service des artistes et acteurs du numérique qui souhaitent lancer ou renforcer leurs présences et perspectives à l’étranger en les aidant à mieux comprendre les étapes d’un développement d’activité à l’échelle internationale. Des discussions réuniront notamment Tom Higham (directeur créatif de Mediale), Kristina Mairere (productrice des expositions Ars Electronica), Cléo Sallis-Parchet (coordinatrice InterAccess) et Luis Fernandez (curateur Gnration) qui partageront leurs expériences et exposeront leurs projets. En correspondance avec la thématique de cette édition, un débat art / science intitulé Quitter la planète bleue ?, modéré par Maxence Grugier, fera intervenir Annick Bureaud (Léonardo OLATS), Barthélemey Antoine-Loeff, Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand et Simon Meyer (Planétarium) sur l’espace infini de l’horizon spatial en art.

À ne pas manquer deux performances audio-visuelles le vendredi 13 (ta ta tam…). D’une part Sédiments de Pierce Warnecke & Clément Édouard. Une proposition qui combine l’image, le son — dense et vibratile — et le minéral. Rarement utilisées dans ce genre de dispositifs, des pierres sont soumises à des impulsions lumineuses et aux oscillations de hauts parleurs tandis que leurs images fragmentées nous arrivent par flashs. D’autre part, MA de Maxime Houot (Collectif Coin) qui orchestre un véritable ballet de projecteurs. Leurs rayons lumineux dessinant des entrecroisements qui se détachent dans le noir et dont le mouvement est souligné par des nappes inquiétantes et quelques bleeps…

En clôture du festival, on se laissera porter jusqu’au petit matin par les excursions rythmiques de Somaticae, les ambiances disloquées, à la fois tribales et expérimentales de Zoë McPherson dans la lignée de son tout nouvel album States Of Fugue, les dérives dub-indus / dark-ambient d’Ossia, et le dancehall trafiqué de Warzou…

Laurent Diouf

Mirage Festival, 8e édition, Cosmogonie, du 11 au 15 mars, Les Subsistances, Lyon
> https://www.miragefestival.com/

Le Vide Et La Lumière

Les installations d’Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand ont pris possession du Lieu Unique à Nantes. C’est leur première exposition personnelle en France. Et c’est un évènement en soit. Intitulée Le vide et la lumière, cette rétrospective est enrichie de deux créations. Si le public connaît déjà bien les œuvres de ce duo qui a eu l’occasion de présenter son travail en France lors des festivals Exit et VIA, par exemple, cette mise en perspective permet de mieux cerner leur démarche qui allie art et science.

Lorsque l’on pénètre dans la grande salle du Lieu Unique, il faut quelques instants avant que nos yeux s’habituent à l’obscurité. Au bout d’un moment, on distingue des dispositifs aux reflets bleutés qui brillent dans le noir, telles des bouées lumineuses vers lesquelles on se dirige comme aimanté. Au-dessus de nous flotte un maillage qui nous évoque la représentation géométrique de l’espace et de ses courbures sous l’effet d’anomalies gravitationnelles. Cet habillage est déployé par Cocky Eek et Theun Karelse, qui signent la scénographie de cette exposition, et renforce une sensation d’immersion, de plénitude.

En jouant sur les mots, comme nous le fait remarquer Evelina Domnitch, l’intitulé de l’exposition peut aussi renvoyer à une autre proposition : la vie de la lumière. Ou plutôt les manifestations de la vie au travers du cosmos, des interactions entre les lois et phénomènes physiques qui traversent l’univers et leurs répercussions sur l’organisation du vivant.

Une pièce comme Luminiferous Drift — réalisée en collaboration avec Jean-Marc Chomaz et Erik Werner, ainsi que Richard Chartier (label-manager de LINE) pour la bande-son — évoque ainsi les premières étapes de l’origine de la vie, lorsque les premières briques, les enzymes, baignent dans une soupe originelle et que le processus de photosynthèse se met en place sous l’effet conjugué de la lumière, de décharges électriques et d’échanges d’énergie.

Créée pour l’exposition, Ion Hole est une installation utilisant des spores lycopodes qui lévitent et s’agrègent pour former une sorte de cristal, dit de Coulomb, en vertu des lois de l’électrodynamique. Dans ce dispositif, ces spores sont soumises à des impulsions électriques et sont animées d’un mouvement de va-et-vient semblable à celui d’une respiration. Un laser scintillant permet de voir l’organisation de leur mouvement, un peu à la manière d’un stroboscope qui permet figer et découper toutes les phases de ces oscillations.

On a coutume de remarquer que la science dure manque de « magie », mais Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand réenchantent le monde de la physique des particules et de la biochimie « simplement » en faisant sortir les mystères cosmologiques et quantiques des laboratoires, en révélant (au sens photographique) les forces invisibles qui agissent sur l’infiniment petit comme l’infiniment grand au travers d’installations et performances qui nous hypnotisent.

Actuellement basés aux Pays-Bas, c’est une démarche qu’ils mènent depuis leur rencontre aux États-Unis, en 1998. Diplômée en philosophie (option phénoménologie), Evelina Domnitch est née à Minsk en 1972. Originaire de Saint Petersbourg où il a vu le jour en 1974, Dmitry Gelfand a pour sa part un BFA (Bachelor of Fine Arts) en cinéma/vidéo obtenu à l’Université de New York en 1996. Leurs installations, qui puisent directement à la source des recherches scientifiques, auprès d’instituts universitaires réputés, ont été plusieurs fois primées notamment à Ars Electronica et au Japan Media Arts Festival.

Si la lumière est centrale dans leur processus de création, l’élément liquide est également prépondérant. Ainsi en est-il de l’installation Hydrogeny qui offre la visualisation des réactions de l’hydrogène au contact d’une électrode et d’un rayon laser dans un aquarium rempli d’eau déminéralisée. Sous l’effet de cette électrolyse, des milliers de petites bulles remontent très lentement à la surface, traçant des volutes irisées et colorées comme des bulles de savon. Celles-ci sont visibles en coupe, comme un film au ralenti, au travers un raie de lumière qui balaye et découpe avec la précision d’un scalpel ces réactions chimiques.

De même avec Implosion Chamber, où ce sont cette fois des ultra-sons toujours combinés à un laser qui provoquent une réaction gazeuse qui brille de mille feux. Comme son titre l’indique, cette installation donne à voir les implosions d’une myriade de micro-bulles. On a l’impression d’observer une réaction nucléaire au fond d’une piscine de refroidissement. Et si l’eau agit comme révélateur des expériences, comme nous le fait remarquer Evelina Domnitch, la lumière, les champs électromagnétiques et le vide cosmique peuvent être aussi être considérer comme des flux, des fluides, qui se propagent sous forme d’ondes comme le théorisait déjà au XIXe siècle le physicien écossais James Clerk Maxwell.

Le souffle, l’éther, est encore un autre élément de cette mécanique des fluides. Avec Photonic Wind, Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand utilisent le phénomène de photophorèse pour animer, sous les impulsions bleutées d’un laser, de la poussière de diamant piégée dans une chambre à vide. Une illustration de ce qui se passe à l’échelle cosmique avec le « vent photonique »; ce tourbillon de poussière interstellaire mu par la lumière des étoiles et qui est à l’origine de la formation des planètes. Soit dit en passant, on retrouve le vent photonique comme système de propulsion possible pour des voyages aux tréfonds de l’espace tant dans la science-fiction qu’auprès de scientifiques illuminés…

L’air est également un des moteurs de Force Field. Cette performance, présentée ici dans sa version installation-vidéo spécialement créée pour cette exposition, permet au visiteur d’éprouver presque physiquement les champs de force cosmique à échelle réduite et d’un point de vue allégorique, bien évidemment. Concrètement, le spectateur passe sa tête dans un dôme en tissu (Non-locality) et visionne des gouttelettes en suspension qui interagissent, s’assemblent et se dissolvent, au gré d’une onde sonore. Avec l’effet grossissant de la projection, les mouvements générés évoquent ceux des corps célestes. Une sensation d’air pulsé et de résonnance renforçant cette mise en immersion.

Dans la lignée de cette exposition qui se prolonge jusqu’au 8 janvier, Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand participent à deux autres évènements qui reflètent également leur intérêt pour ces phénomènes cosmiques, et singulièrement la gravité. D’une part une exposition intitulée No Such Thing As Gravity qui se tient au FACT (Foundation for Art and Creative Technology), à Liverpool en Angleterre jusqu’au 5 février 2017, où ils présentent une pièce qui aurait pu figurer au Lieu Unique (Quantum Lattice). D’autre part, un projet de résidence autour du LIGO (Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory). Piloté par le MIT et le Caltech, ce laboratoire est chargé de détecter les ondes gravitationnelles cosmiques (et leurs variations) telles que les avait prédits Einstein.

Mais le mieux, plutôt que de gloser sur les ressorts scientifiques parfois ardus de ces propositions artistiques, c’est de se confronter simplement aux œuvres, d’en éprouver l’esthétique et de développer ainsi notre propre « version » de la réalité, comme nous y invite Evelina Domnitch.

Laurent Diouf

Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand, Le vide et la lumière, exposition jusqu’au 8 janvier 2017, entrée libre, Le Lieu Unique, Nantes. Infos: www.lelieuunique.com/site/2016/10/21/le-vide-et-la-lumiere/
Photos: © Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand

Messagers quantiques

De la lévitation sonore de feuilles d’or à des projections d’agrandissements d’une structure en bulles de savon, le duo d’artistes Evelina Domnitch et Dmitry Gelfand créent des œuvres de performances sensorielles et des installations méditatives qui explorent l’étrange comportement quantique et les franges extrêmes de phénomènes ondulatoires exotiques.

Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand, Camera Lucida. Photo: D.R.

Après que nous ayons été conduits, solennellement, dans une pièce totalement obscure, nos yeux commencent à s’acclimater à un vide d’un noir profond. Dmitry Gelfand nous demande de ne pas bouger ni toucher la surface du grand réservoir de verre sphérique qui se trouve au milieu de la pièce fermée. Un silence quasi-anéchoïque répond à cette obscurité totale. La trépidation silencieuse est soudain ponctuée d’une lueur irréelle au cœur de la sphère — lueur qui met à l’épreuve les capacités de perception de l’œil et du cerveau. La vision en néon s’éteint progressivement dans un scintillement ténébreux qui nous replonge dans l’obscurité visqueuse. Après un court silence, de minuscules points de lumière réapparaissent et se configurent en une forme géométrique intelligible — un maillage lumineux scintillant dans l’espace liquide. Il se pourrait que nous voyions là des fac-similés isomorphes de nos propres transmissions neurales au moment même où elles perçoivent ce spectacle de lucioles tremblotantes.

Plus encore, ces minuscules vecteurs de lumière animés semblent se positionner pour former des glyphes; une écriture nébuleuse; une calligraphie fantomatique qui griffonne ses propres secrets dans des sceaux translucides de lumière. Des scientifiques de tout premier plan nous avaient affirmé qu’il serait impossible de recréer cette expérience de laboratoire à l’échelle envisagée. Nous leur avons donné tort, déclare Gelfand. Il poursuit en expliquant que l’installation, Camera Lucida, utilise un processus connu sous le nom de sonoluminescence par lequel des formes de lumière naissent de l’implosion de bulles de gaz dans l’eau, déclenchée par des ondes sonores à très haute fréquence. Ces fréquences ultrasoniques, bien au-delà des limites de la perception auditive humaine, provoquent la destruction des bulles et génèrent une onde de choc d’implosion qui fait grimper la température à l’intérieur de la bulle jusqu’à 20 000K. Ces températures sont assez élevées pour engendrer la lumière.

Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand, 10,000 Peacock Feathers in Foaming Acid. Photo: D.R.

Camera Lucida est typique des performances et installations audiovisuelles créées par Evelina Domnitch et Dmitry Gelfand, un duo d’artistes installé aux Pays-Bas. Œuvrant souvent en collaboration avec des scientifiques, leurs travaux se réapproprient des expériences scientifiques de pointe pour explorer les dimensions atypiques de phénomènes optiques éthérés et les interactions quantiques étranges. Dotées d’une esthétique sophistiquée et d’une inclination naturelle vers la poésie de la science, leurs œuvres agissent comme autant de loupes qui révèlent les caractéristiques morphologiques de mondes multiples, inédits et invisibles. Pour créer leurs œuvres, les deux artistes ont dû eux-mêmes devenir des scientifiques chevronnés. C’était indispensable pour qu’ils acquièrent une compréhension profonde du fonctionnement ésotérique de phénomènes quantiques sur lesquels leurs œuvres reposaient grandement. Il n’est pas surprenant que leur studio soit rempli de piles d’articles sur des recherches récentes et des derniers numéros de la revue Nature.

En 2014, près des rives du Danube, à l’occasion d’Ars Electronica, le couple a présenté la performance 10000 Peacock Feathers in Foaming Acid (« 10000 Plumes de paons flottant dans de l’acide moussant »). Entassés à l’intérieur d’un dôme gonflable, les spectateurs — allongé sur le dos — étaient immergés dans des pans de denses projections de formes irisées. Les contorsions fluides non-linéaires et les oscillations spectrales de ces plasmas chaotiques étaient parfaitement synchronisées avec des drones d’ondes sinusoïdales de basse fréquence. Dans cette performance, Domnitch fabrique soigneusement des grappes de bulles de savon en soufflant de l’air sur une plaque recouverte de savon liquide. La lumière laser visant la surface de chaque bulle en nucléation est réfléchie comme un faisceau lumineux — un agrandissement projeté révèle les nano-topologies détaillées de la structure de bulles de savon; une abondance d’agglomérations proto-cellulaire psychédéliques qui se forme — se déplace du corporel à la mathématique. Gelfand manipule un système de caméra de surveillance qui transforme les projections en assemblages sonores. L’interruption soudaine, mais fortuite, de cloches de l’église nous rappelle que nous sommes toujours ancrés quelque part sur Terre.

Evelina Domnitch & Dmitry Gelfand, Sonolevitation. Photo: D.R.

Dans une autre performance, Sonolevitation, les répercussions kinesthésiques de la propagation acoustique sont canalisées pour faire léviter de petits morceaux de feuille d’or. Arborant une coupe de cheveux rasés en croissant de lune et vêtue d’une robe jaune vif d’alchimiste, Domnitch place méticuleusement avec une pince à épiler de fines feuilles d’or entre deux cylindres métalliques — un intonateur et un réflecteur sonore. Ses mouvements lents et concentrés sont d’une précision chirurgicale. Placé entre les transducteurs la feuille d’or commence à se soulever délicatement et tourner à toute vitesse sur son axe central. D’autres feuilles d’or sont ajoutées, chacune d’une forme différente — une procession alchimique de cercles, de carrés et d’hexagones ayant chacun une façon unique de tournoyer. Penché sur une table de contrôle, Gelfand — lui aussi avec un symbole de talisman rasé sur la tête — affine le système de sorte que les feuilles d’or soient suspendues dans les airs par un vide dépressurisé créé par une onde stationnaire engendrée par la réflexion d’une vibration acoustique à une distance précise de sa source.

Requérant une grande attention, les œuvres de Domnitch et Gelfand permettent de sensibiliser notre conscience afin de révéler des propriétés insaisissables de phénomènes énigmatiques existant au-delà des limites de la perception ordinaire. Comme autant de méditations sur la phénoménologie, leurs œuvres re-cadrent la méthode scientifique — avec ses fondements d’observation, de déduction et de pensée rationnelle — pour faciliter une interprétation large et poétique qui transcende le mode dominant « empirico-réductionniste » de l’expérience. En favorisant les manifestations indéterminées de la résolution quantique (contrairement à l’impasse de l’enregistrement des médias fixes), chaque expérience de leurs œuvres recèle ses propres particularités, ses propres révélations, ses narrations sous-jacentes et théâtralités inattendues. C’est donc dans l’expérience, au cours de l’ajustement de la perception, que leurs œuvres — transmutations d’eau, d’air et de laser — définissent leur « signification ». Si selon le grand psychonaute John C Lilly, L’Univers a créé une partie de lui-même pour étudier le reste…, les travaux de Domnitch et Gelfand sont autant de mécanismes de facilitation et d’amplification de cette interaction. À travers leurs œuvres, nous pouvons non seulement étudier l’Univers, mais aussi nous-mêmes en train de l’étudier, ainsi, comme poursuit Lilly, …nous pouvons appréhender la vérité de nos propres réalités intérieures.

Paul Prudence, Septembre 2015
traduction: Valérie Vivancos
publié dans MCD #81, « Arts & Sciences », mars / mai 2016