Électronique, expérimentale, improvisée, acousmatique, drone, noise, ambient, post-industriel… Le festival Bruits Blancs focalise sur les musiques exploratoires. Mais le terrain de jeu de cet événement s’étend aussi vers les formes audiovisuelles et la littérature poétique.
Comme le rappelle à juste titre la déclaration d’intention du festival, il n’y a de vitalité artistique que dans l’exploration permanente : celle de la découverte, celle d’ouvrir des voies inconnues. Une philosophie qui se retrouve pleinement dans les propositions des artistes invités pour cette 9ème édition.
Parmi la programmation exigeante, on note la présence de Franck Vigroux & Kurt D’Haeseleer pour leur performance AV mêlant maelstrom d’images et sonorités abrasives, The Island (part 1). De son côté, Derek Holzer devrait jongler avec des motifs lumineux en résonnance avec les stridences de ses machines (Vector Synthesis).
L’Ensemble Motus interprétera deux pièces électroacoustiques (composées par Edith Alonso et Tony Conrad). Antoine Schmitt & Hortense Gauthier proposeront un étrange ballet de particules qui virevoltent autour d’un corps (CliMax).
Saxophoniste légendaire — connu pour avoir joué avec Merzbow, John Zorn, Lee Renaldo (Sonic Youth) et Lou Reed avec qui il a cofondé Metal Machine Trio — Ulrich Krieger devrait nous embarquer dans une dérive free-noise.
La Cellule d’Intervention Métamkine (Christophe Auger, Jérôme Noetinger & Xavier Quérel) mettra en œuvre son dispositif électroacoustique et ses projections en 16mm reflétées dans des miroirs.
Des rencontres, entre écriture littéraire et musicale, son également au programme. Par ailleurs, le festival ira au-delà de son camp de base, l’espace Anis Gras à Arcueil, et de l’Île-de-France pour s’évader hors les murs avec le collectif chdh à Montpellier et à Bagnols-les-Bains en Lozère.
Laurent Diouf
Bruits Blancs #9 formes audiovisuelles, musiques exploratoires, littérature poésie
du 21 novembre au 07 décembre
Arcueil, Alfortville, Issy-les-Moulineaux, Bagnols-les-Bains, Le Vialas, Montpellier
> http://bruitsblancs.fr/
Après des préliminaires à Marseille, via une exposition monographique de Paul Destieu en septembre, le Festival des arts multimédia Gamerz va prendre son envol le 13 novembre à Aix-en-Provence. Au programme des expositions, performances, ateliers et conférences qui s’étalent sur une dizaine de jours.
À la suite de « Digital Defiance » et « Digital Animisme », cette quinzième édition est structurée autour de « Digital Alter » : l’exposition centrale à la Fondation Vasarely qui propose des ensembles monographiques questionnant, comme son titre l’indique, l’altérité à l’ère du digital. Comme il est précisé dans la déclaration d’intention, les artistes présentés se tournent vers « l’Autre » afin de dépasser l’individualisme, l’autoreprésentation et le narcissisme valorisés par les technologies numériques et les modèles de la communication « télématique » ou actuelle.
Une proposition pouvant aussi se résumer à cette interrogation : et si l’enjeu technologique n’était pas tant celui de la connaissance et du pouvoir, mais avant tout celui du désir et du rapport à l’autre ? Dans ce jeu de miroir brisé par les nouvelles technologies, la figure de l’androïde reflète peut-être le mieux ce rapport trouble à l’autre. En présentant diverses versions d’avatars mécanisés ou bio-modifiés, du cyborg aux nouveaux animaux de compagnie électronique en passant par des représentations de clonage, France Cadet nous apporte une réponse dystopique.
Fabrice Métais — qui s’intéresse notamment aux propriétés constituantes ou intrigantes des technologies audio mobiles — opte pour une approche presque métaphysique de ce rapport à l’autre. Son regard est à déchiffrer sous forme d’énigme dans ses créations (L’Intrigue). Il entamera aussi un dialogue avec le philosophe Jean-Michel Salankis lors d’une conférence (Art, technique, matière et idée).
Olivier Morvan qui nous avait justement intrigués lors de l’édition 2016 de Gamerz avec La Maison Tentaculaire — projet et installation protéiforme autour de la fameuse maison de l’héritière Sarah Winchester — nous entraînera dans son univers parallèle composé d’une multitude de petites usines à fictions qui jouent sur paradoxalement sur l’absence (Meme).
Dans une démarche d’archéologie des médias, le collectif PAMAL_group (issu du Preservation & Art – Media Archaeology Lab de l’École Supérieure d’Art d’Avignon) nous invite à un voyage rétrofuturiste autour du Minitel dont le réseau s’est définitivement éteint en juin 2012 (3615 Love). Des œuvres de Julius von Bismarck, Jon Rafman et Antonio Roberts complètent ce panorama de l’altérité digitale.
Manuel Braun & Antonin Fourneau, Egregor. Photo: D.R.
D’autres œuvres jalonnent cette édition, notamment à l’Office de tourisme avec les dispositifs ludiques de Manu Braun & Antonin Fourneau (Egregor 8) ainsi que Robin Moretti en collaboration avec Leslie Astier et Théo Goedert que l’on retrouvera aussi dans le cadre d’un workshop (Métalepse, La Chair du jeu-vidéo).
Enfin, concernant les performances, le programme se partage essentiellement entre art sonore et musiques expérimentales, bruitistes, électroniques et post-industrielles… En premier lieu, nous sommes curieux du Feedback acoustique de Virgile Abela. Un dispositif qui repose sur un pendule type Foucault dont la lente oscillation ponctuée de quelques rotations génère une modulation traduisant les effets de la gravité. Cette installation a été conçue en coordination avec la plateforme MAS (Laboratoire de mécanique acoustique du CNRS).
En tête-à-tête avec Stéphane Cousot, eRikM entamera une improvisation à partir de flux sonores et visuels récupérés en temps réel sur Internet. Il en résultera une « composition indéterminée », assez heurtée et cinglante (Zome). Inspirés par Deleuze, François Parra & Fabrice Cesario (alias PACE) pousseront dans leurs retranchements des machines habituellement dédiées à la communication pour produire un langage dans lequel ils abandonnent temporairement le sens pour entrer dans le son (Le Chant des machines).
Enfin, le collectif chdh (Nicolas Montgermont & Cyrille Henry) se basera sur les « bruits » de l’image vidéo pour une performance AV conçue comme une expérience synesthésique. À l’écran, un magma de pixels — qui n’est pas sans rappeler la neige des écrans cathodiques — d’où émergent des formes, des motifs, des structures aléatoires, sur fond d’electronic-noise très abrasive (Deciban).