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مركز الدرعية لفنون المستقبل

Naissance d’un centre d’art

Lieu d’exposition, de création et d’information situé à Riyadh, Diriyah Art Futures est une nouvelle pièce sur l’échiquier mondial de l’art numérique. Une pièce maîtresse. C’est le premier espace de ce genre au Moyen-Orient et, par extension, pour l’Afrique du Nord. Portée par la Commission des Musées et le Ministère de la Culture d’Arabie Saoudite, cette institution vient tout juste d’être inaugurée avec une première exposition offrant un panorama complet de la création artistique à l’heure des nouveaux médias et du numérique.

Diriyah Art Futures
Comme son nom l’indique, ce centre d’art est localisé en périphérie immédiate de Riyadh à Diriyah, littéralement « la cité de la terre ». C’est là où se situait l’ancienne capitale du premier État saoudien. Ce site est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Loin des tours de verre miroir et d’acier de la skyline de la capitale du royaume saoudien, ce quartier baigne dans une terre ocre. Le complexe de bâtiments qui constitue le Diriyah Art Futures (DAF) arbore des façades de la même couleur. La lumière, naturelle et/ou artificielle, marque la différenciation des espaces.

Conçu par l’architecte Amedeo Schiattarella et l’équipe de son cabinet, ce complexe se distribue sur cinq bâtiments imbriqués et développe une surface totale de 6650 m2. Le choix des matériaux, les lignes brisées de ses murs, les traits qui rappellent les strates du terrain : tout concourt à inscrire cet édifice au plus près de ce quartier historique, comme un gigantesque morceau de pierre sorti du sol. Ainsi que le souligne Amedeo Schiattarella, c’est une architecture qui part du lieu. Sans exubérance extérieure, les bâtiments du complexe sont « introvertis », tournés vers l’intérieur et en relation avec la topographie, en dialogue avec l’environnement local et sa tradition, mais aussi porteurs d’une vision d’avenir, de modernité.

Diriyah Art Futures © Schiattarella Associati / Hassan Ali Al-Shatti

Un lieu hybride
Le Diriyah Art Futures est placé sous la direction de Haytham Nawar (artiste, universitaire et fondateur du festival Cairotronica). Il est entouré notamment d’Irini Papadimitriou, directrice des expositions, et Tegan Bristow, directrice en charge du programme éducatif. Le Diriyah Art Futures est un lieu hybride dédié aux croisements entre art, science et nouvelles technologies. Ce n’est pas une galerie, ni un musée. Ce n’est pas non plus une école ou un ensemble d’ateliers. Mais c’est un peu tout cela réuni. C’est aussi un lieu d’échange et d’information qui a également une mission de formation, de production et de promotion envers des artistes en devenir.

Le public y trouvera une librairie et une bibliothèque spécialisée, connectée à d’autres institutions du même genre à travers le monde, ainsi qu’un café-restaurant, et pourra aussi assister à des conférences, des master-classes, des performances, des projections, etc. Plateforme dynamique et ouverte, l’espace d’exposition se distribue sur deux étages. Si la programmation sera résolument internationale, avec trois expositions prévues par an, l’accent sera néanmoins mis sur les artistes saoudiens, ainsi que ceux des pays du Golfe, du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, dont le travail reste souvent méconnu dans le circuit de l’art numérique.

Diriyah Art Futures. Leonel Moura, Arabia series, 2021. © Schiattarella Associati / Hassan Ali Al-Shatti

Un pôle d’émergence
Robotique, réalité virtuelle, animation 3D, biotechnologie, installations immersives, art sonore, intelligence artificielle… Le Diriyah Art Futures est doté d’ateliers et de laboratoires qui permettent d’imaginer et de créer des œuvres futuristes. Cet objectif s’incarne au travers d’un programme intitulé Emerging New Media Artists. Développée en collaboration avec Le Fresnoy (Studio National des Arts Contemporains de Tourcoing), cette initiative offre l’accès à un équipement de pointe, un accompagnement sous forme d’un mentorat et un financement pour concevoir des créations multidisciplinaires innovantes. Dans ce contexte, Diriyah Art Futures fonctionne un peu comme un incubateur.

Cela s’adresse à des artistes émergents qui sont pris en charge pendant un an. À terme ils seront 25, mais la première promotion compte une douzaine de candidats choisis sur dossier à l’issue d’une sélection opérée par un jury. Ils sont originaires d’Égypte, du Maroc, de Tunisie, du Liban, d’Arabie Saoudite ainsi que d’Afrique du Sud, du Royaume-Uni et de Corée. Ce programme comporte une partie théorique et une partie pratique, en lien avec des thèmes d’actualité (climat, migration, etc.). L’enseignement est dispensé par des professeurs invités et des artistes confirmés qui jouent un rôle de mentor. Les œuvres produites dans le cadre de ce programme seront promues et distribuées par le biais de partenariats passés avec des musées et des festivals internationaux. Un nouvel appel à candidatures sera lancé début 2025.

Diriyah Art Futures © Schiattarella Associati / Hassan Ali Al-Shatti

Fenêtre sur cour…
Le Diriyah Art Futures propose également deux programmes de résidences de trois mois, ouvertes à quatre artistes et quatre enseignants-chercheurs reconnus. Lors de leur séjour, ils bénéficient des équipements du centre, du soutien d’un spécialiste dédié auprès d’un laboratoire et atelier (robotique, motion capture, production vidéo, studio d’enregistrement, etc.) et d’un financement. L’objectif est de mener à bien un projet à l’intersection de l’art, de la science et de la technologie, qui soit à la fois en résonnance avec les aspects socio-culturels de la région et les grands questionnements qui traversent le monde actuel.

Au travers de cette expérience créative, il s’agit de repousser les limites des nouveaux médias et de l’art numérique en apportant de nouvelles perspectives et des approches critiques. En retour, cette résidence offre également aux artistes et enseignants-chercheurs une reconnaissance et un engagement plus large. Là aussi les travaux développés durant ces Mazra’ah Media Art Residencies — dont le nom se réfère aux terres agricoles qui subsistent en contrebas du complexe — seront présentés dans le cadre d’expositions ou évolueront vers des publications scientifiques grâce au soutien du DAF et de son réseau de partenariats. La première session de ces résidences se déroulera de février à avril 2025.

Laurent Diouf

> Diriyah Art Futures, Riyadh (Arabie Saoudite)
> https://daf.moc.gov.sa/en

Kër Thiossane, villa pour l’art et le multimédia au Sénégal, se définit comme un espace culturel dédié à l’expérimentation artistique et sociale. En wolof, « kër » signifie la maison et « thiossane » la culture traditionnelle sénégalaise. Ce lieu de recherche, de résidence, de création et de formation encourage l’intégration du multimédia dans les pratiques artistiques et créatives traditionnelles, et soutient le croisement des disciplines.

Mosaïque alternative réalisée à Kër Thiossane. Par Mushana Ali et Kan-si, détail. 2012. Photo : © Antoine Louisgrand / Kër Thiossane.

Kër Thiossane a débuté ses activités à Dakar en 2002. En 2003, grâce au soutien de la fondation canadienne Daniel Langlois pour l’art, la science et les nouvelles technologies, l’association ouvre un espace public numérique afin d’offrir aux Sénégalais un lieu de partage et de réflexion autour de l’art et des technologies numériques, en proposant résidences, formations, rencontres et ateliers. Il s’agit du premier laboratoire pédagogique artistique et transdisciplinaire lié aux pratiques numériques et aux nouveaux outils de communication en Afrique de l’Ouest.

En 2008, est créée la première édition du festival Afropixel sur les logiciels libres liés aux pratiques citoyennes des pays du « Sud ». En 2012, la 3ème édition s’est déroulée autour des Biens Communs, abordés via l’angle des technologies numériques et de la création artistique en Afrique. Depuis ses débuts, Kër Thiossane développe les échanges et les collaborations avec des structures du continent africain et tisse aussi des liens avec d’autres continents, dans une perspective Sud-Sud.

Atelier Demodrama Faces réalisé avec l’Ambassade d’Espagne au Sénégal. 2011. Photo : © Kër Thiossane.

Ainsi sont mis en œuvre des projets internationaux de coopération, tels que Rose des Vents Numérique. Développé de 2010 à 2012, avec le soutien du fonds ACP Cultures de l’Union Européenne et de nombreux partenaires, ce projet a eu pour objectif de développer la coopération artistique numérique et partager des connaissances techniques, culturelles et artistiques, entre le Sénégal, le Mali, l’Afrique du Sud et les Caraïbes.

Mené en partenariat avec notamment le Collectif Yeta au Mali, Trinity Session en Afrique du Sud, l’OMDAC en Martinique, ou encore le CRAS (Centre de Ressources Art Sensitif, Mains d’Œuvres) en France, Rose des Vents Numérique s’est articulé autour de différentes actions phares : les festivals Afropixel (Dakar, mai 2010) et Pixelini (Bamako, octobre 2011); plusieurs formations autour des logiciels libres; six résidences croisées d’artistes d’Afrique et des Caraïbes; la participation au 8ème Forum des Arts Numériques de Martinique (OMDAC); et la création de Ci*Diguente.

Valise pédagogique développée à Kër Thiossane dans le cadre du projet Rose des Vents Numérique. 2010. Photo : © Kër Thiossane.

Car à l’issue de Rose des Vents Numérique, il était nécessaire de créer et entretenir un espace de partage et d’échanges entre les acteurs impliqués, afin de permettre à la dynamique de réseau mise en œuvre de perdurer et de s’élargir. Ainsi est née Ci*Diguente, en wolof « au milieu des choses », « dans un entre-deux », qui fait écho à cet espace de rencontre entre les continents, les disciplines et les savoirs. Cette plate-forme de ressources est principalement dédiée aux artistes et acteurs de l’art numérique en Afrique et Caraïbes, et est aussi ouverte à tous; les ressources sont librement disponibles dans le respect de la licence Creative Commons et chacun peut y proposer ses articles en créant son propre compte.

Marion Louisgrand, initiatrice de Kër Thiossane, ajoute: en Afrique, à l’exception de l’Afrique du Sud, la création numérique est un courant encore nouveau, où les manifestations et expositions qui y sont consacrées sont encore rares ; les structures et écoles susceptibles d’accompagner les artistes africains et capables d’accueillir des expositions sont peu nombreuses.

Si produire ou exposer les œuvres multimédias nécessite la mise en œuvre de moyens matériels pointus, et donc onéreux, Kër Thiossane et les acteurs de son réseau ont pris le parti de développer sur leurs territoires des projets privilégiant les « basses technologies », le « faites-le vous-même », mettant l’accent sur la relation entre création, recherche et espace public.

publié dans MCD #71, « Digitale Afrique », juin / août 2013

 

> www.ker-thiossane.org

Inter-Créativités Urbaines

Né grâce à un projet européen à la Ville de Bruxelles qui désirait réaffecter la Gare de Bruxelles-Chapelles à un projet (multi)culturel proche du citoyen, Recyclart a développé, depuis 1998, une série d’initiatives qui en font un des laboratoires artistiques les plus intéressants de la capitale. Nous avons rencontré Marc Jacobs, directeur artistique, qui anime depuis neuf ans, avec une petite équipe militante, cet espace de passage unique où les flux de la ville rencontrent ceux de la création musicale, plastique, architecturale… avec le souci d’allier proximité et créativité au cœur de l’euro cité.

Quelles sont, selon vous, les particularités du projet Recyclart, lieu pluridisciplinaire qui échappe aux catégories traditionnelles ?
Je pense que le projet Recyclart répond aux décloisonnements actuels des pratiques, des disciplines, des publics aussi. Tout en étant attaché à ces « entre deux », on se pose nous-mêmes aussi régulièrement cette question sur notre identité… Recyclart se positionne comme un lieu pour les musiques actuelles, pour les formes hybrides en art plastique et audio-visuel, une plate-forme de réflexion autour de l’architecture, l’espace public et l’urbanité, et un engagement socio-artistique mobilisant un public plutôt de quartier autour de la photographie. Nous faisons aussi office de modérateurs entre le souterrain et l’institutionnel, l’artistique et le social, les formes d’expression expérimentales et populaires. Recyclart incarne aussi un réel projet bruxellois, ancré dans la ville et bi-communautaire francophone/flamand.

Que signifient les « cultures urbaines » pour vous ? Comment l’appréhendez-vous dans les activités de Recyclart ?
On ne peut être plus urbain qu’à Recyclart ! Une gare toujours en fonction, située dans une rupture urbaine qu’elle a créée sur la jonction Nord-Midi qui traverse le pentagone bruxellois… Nous sommes géographiquement situés à la frontière d’un ancien quartier populaire de Bruxelles, les Marolles et à un jet de pierre de la Grand-Place, haut lieu de tourisme du centre-ville. Avec tout ce qui croise notre chemin : demandes de soutien et de résidence pour les projets d’artistes, les curieux qui s’interrogent sur nos activités dans ce lieu incongru, des touristes japonais perdus en quête des horaires des trains, des clochards en manque d’affection, des jeunes vandales, les tags incessants… mais aussi notre voisinage direct (une école catholique, des fonctionnaires clients de notre bar-resto, Les Brigittines – Centre de la voix et du mouvement). La notion de « culture urbaine » me paraît encore assez vague. En musique, par exemple, quelles sont celles qui n’ont pas été d’une manière ou d’une autre influencées par la ville dans toutes ses dimensions ? (…) En ce qui concerne notre approche photographique, nous incitons les habitants du quartier à créer un archivage de leur quotidien et de leur quartier. Les préoccupations urbanistiques qui nous animent sont nées des aberrations architecturales bruxelloises du passé, mais aussi du présent, qui empêchent toujours la ville d’évoluer vers une réflexion urbaine plus « citizen-friendly ».

Vous avez lancé des séries thématiques dans votre programmation qui donne la part belle aux découvertes croisées et aux têtes chercheuses musicales actuelles…
Les cycles permettent de fidéliser un public et de faire découvrir de nouveaux artistes, ou des artistes méconnus. D’une manière générale, j’ai toujours posé ma programmation en « alternative » à ce qui se passait — ou ne se passait pas — à Bruxelles. Plusieurs cycles ont été lancés : Haunted folklore est une série de concerts / confrontations explorant le folklore musical hanté ou habité; qu’il soit ancien, traditionnel, expérimental ou actuel. Musiques organiques à la croisée de musiques électroniques, parsemées parfois de projections, d’installations ou de performances. La salle est aménagée avec des petites tables dans un esprit proche d’un cabaret. Nous avons accueilli des artistes tels que le duo psychobilly canadien Hank & Lily, le maestro free Evan Parker, le saxo-poète Ted Milton, le duo AGF/Delay, l’électro-post-folk britannique Leafcutter John, la Brésilienne Cibelle ou encore le combo norvégien Huntsville, le tout pouvant s’accompagner de projections et d’expositions. Dans le cycle Yeah!, qui se présentait sous la forme de concerts avec DJ’s, nous avons désiré offrir un bel écrin à des groupes de rock ou de punk actuel, tout en considérant les influences électroniques, tout simplement parce qu’il n’y avait rien dans le genre à Bruxelles ! Le contexte était résolument festif, dur et dansant. On a pu y voir des artistes tels que le duo belge The Acid Mercenaries, le groupe français Poni Hoax, les Anglais d’Adult ou encore le new-yorkais DJ/Rupture. Récemment, nous avons développé quelques soirées/concerts sous l’appellation No Kraut, partant de ce terme — assez vague — du krautrock pour aller vers l’électro-disco-psyché (Emperor Machine), la pop (Fujiya & Miyagi) ou un kraut plus récent avec des valeurs sûres, tels Burnt Friedman & Jaki Liebezeit, le légendaire batteur de Can.

propos recueillis par Philippe Franck
MCD #51, mars-avril 2009

Site: https://recyclart.be/