Archive d’étiquettes pour : art numérique

Porté par l’Institut français, Novembre Numérique se déploie sur les cinq continents (Algérie, Allemagne, Bahreïn, Belgique, Bulgarie, Canada (+ Québec), Colombie, Corée du Sud, Équateur, États-Unis, Ghana, Hongrie, Inde, Irlande, Jordanie, Kenya, Lettonie, Madagascar, Mexique, Pakistan, Pologne, Portugal, République démocratique du Congo, Rwanda, Suède, Turquie, Royaume-Uni…).

Cette neuvième édition mettra en lumière la diversité des cultures numériques à travers des projets variés (expériences immersives, jeu vidéo, arts numériques, création web, performances audiovisuelles, spectacle vivant augmenté, etc.). En présentiel comme en ligne, cet événement propose ainsi de découvrir, interroger et partager les cultures numériques contemporaines.

Rassemblant des artistes, des créateurs, des structures et des professionnels du secteur, Novembre Numérique constitue un espace d’expérimentation et de réflexion, propice à l’exploration de nouveaux usages et à l’émergence de formes culturelles inédites.

> du 01 au 30 novembre, sur les cinq continents
> https://www.institutfrancais.com/

Les illusions retrouvées

L’édition 2025-2026 de Némo, la Biennale internationale des arts numériques de la Région Île-de-France, a pour thème Les illusions retrouvées. Aun programme, des expositions, installations, spectacles, concerts et rencontres dans vingt-quatre lieux franciliens pour « imaginer des alternatives, construire des liens entre arts et sciences, réenchanter le rapport entre vivant et technologie, sensibiliser sur les transformations de la société ou expérimenter des scénarios spéculatifs« …

L’exposition principale, Les illusions retrouvées : nouvelles utopies à l’ère numérique, se tient au CentQuatre, le vaisseau-mère de la biennale. Les œuvres présentées notamment par Anne Bourassé & Mounir Ayache, Christian Delécluse, Inook, NeoConsortium, Phygital Studio, Kaspar Ravel, Éric Vernhes et Cecilie Waagner Falkenstrøm repoussent les limites de la perception et de la réalité, révélant des mondes alternatifs où l’humain cohabite avec la nature et les machines. Pour la trentaine d’artistes réunis sur cette exposition, « les utopies ne sont plus des promesses futuristes, mais des espaces hybrides, oscillant entre nostalgie et spéculation. Ce sont des illusions que l’on croyait perdues, et que le numérique révèle dans un autre monde, le nôtre ! »

Hugo Arcier & Annabelle Playe, Ars Natura. Photo: D.R.

De nombreuses expositions, collectives ou individuelles, viennent s’agréger à la programmation de cette biennale. À la Capsule, au Bourget, Hugo Deverchère présente une série de photos qui fait suite à une résidence dans le désert d’Atacama au Chili (The Afterimage). Au travers de ses photographies, il « interroge la fragilité de la mémoire numérique face au temps géologique et imagine de nouveaux supports d’archivage mêlant matière minérale et particules cosmiques, au-delà de l’échelle humaine« . Au Collège de France à Paris, après avoir été en résidence auprès du Laboratoire Kastler-Brossel, l’artiste Caroline Delétoille expose ses réflexions sur l’infiniment petit et son imaginaire (L’Atelier Quantique).

Au Centre Culturel Canadien, une exposition collective rassemble vingt-cinq œuvres et « processus exploratoires » d’artistes et de designers (dont Samuel Bianchini, Marie-Pier Boucher, Yiwen Chen, Maria Chekhanovich, Raphaëlle Kerbrat, Lauren Knight, Anne-Marie Laflamme, Asa Perlman, Ana Piñeyro, Olivain Porry, Suarjan Prasai, Félix Vaneste, Lee Wilkins, Aline Zara…). Leurs créations intègrent « des procédés matériels et symboliques, vivants et semi-vivants, qui se métamorphosent dans la durée« . Baptisée Oscillation, cette exposition « se déploie telle une constellation organisée autour d’une œuvre centrale, Fossilation, une large membrane en bioplastique qui illumine la matérialité des technologies numériques souvent imaginées dans leur immatérialité« .

Éric Arnal-Burtschy, Je suis une montagne. Photo: D.R.

Au Cube de Garges, une autre exposition collective interroge la face cachée des technologies : Dopamine réunit Camron Askin, Alkan Avcıoğlu, Emilie Brout & Maxime Marion, Christophe Bruno, Disnovation.org, Ben Elliott, Ben Grosser, Hérétique, Anne Horel, Dasha Ilina, Baron Lanteigne, Ethel Lilenfeld, Jonas Lund, Shoei Matsuda, Lorna Mills, Jérémie Kursner, Miri Segal, Alexei Shulgin… « Entre promesses utopiques et réalités d’addiction, manipulation algorithmique et silos informationnels« , les artistes explorent les moindres recoins des plateformes numériques et tentent de « reconstruire un imaginaire du commun et un autre futur numérique, plus éthique, inclusif et humain« … L’ouverture de l’exposition se fera avec les performances AV de Noémi Büchi (Does It Still Matter?) et le collectif SPIME.IM (Grey Line).

La programmation de Némo compte aussi de nombreuses installations, dont Flock Of de bit.studio avec ses poissons animés qui flotteront comme des ballons lors de la soirée d’ouverture au Cent-Quatre. Durant tout le temps de la biennale, à La Seine Musicale sur l’Île Seguin à Boulogne-Billancourt, Phygital Studio présente Plant Being, une installation audiovisuelle entièrement générée par une plante grâce à son activité électrique naturelle qui est captée en temps réel et transformée en sons et en images. La chorégraphe Sarah Silverblatt-Buser propose Collective Body au Centre des Arts d’Enghien. Un dispositif interactif et immersif qui analyse en temps réel les gestes des personnes qui participent à cette expérience grâce à un casque VR. Leur avatar, qui s’incarne avec des grains de lumière, danse et évolue aux sons des textures électroniques et des harmonies organiques d’Harvey Causon.

D’autres performances mettent également en jeu le corps, la lumière, la matière, le son, la vidéo et les datas : Strates du collectif  Phauna, L’Harmonie de notre absence de Paul Vivien et le projet Ubiquity porté par Arep. Compagnie x In Vivo 5.12 au Château Ephémère à Carrières-sous-Poissy. MODEMA Cycles de François Delamarre à La Seine Musicale. Pour le volet musiques électroniques, le ton est donné dès la soirée d’ouverture au CentQuatre avec les lives et performances audiovisuelles de Max Cooper, Pierre-Luc Lecours & Ida Toninato (Homeostasis), Franck Vigroux & Kurt d’Haeseleer (Thirst). À La Clef, le 6 décembre, TremensS dévoilera le troisième volet de son projet la Génétique de l’Erreur autour de design génératif, de l’architecture paramétrique et du biodesign. La soirée se poursuivra avec les lives AV de 665.99 et Anmon et la drum-n-bass de Metrist.

À la Maison des Arts de Créteil, entre réalité étendue, danse et intelligence artificielle, Aoi Nakamura & Esteban Lecoq (AΦE) proposent une déambulation interactive hybride autour d’un cube LED monumental sur lequel défilent les cycles de vie de Lilith, une âme virtuelle piégée dans les limbes (Lilith.Aeon). Le 8 janvier à la Philharmonie, Le Grand Soir Numérique rassemblera Hugo Arcier & Annabelle Playe (Ars Natura), Riccardo Giovinetto, Yang Song, Clara Olivares et Augustin Braud… Visible dans un premier temps à la Maison de la Musique à Nanterre puis aux Gémeaux, Scène nationale à Sceaux, l’installation Unseen de Guillaume Marmin & Jean-Baptiste Cognet s’inspire de phénomènes hallucinatoires et combine lumière, son et illusion. Aux Gémeaux également et ensuite pour la clôture de la Biennale au CentQuatre, Éric Arnal-Burtschy invite le public à s’installer sur des transats suspendus pour vivre une expérience immersive et sensorielle et ressentir le monde différemment (Je suis une montagne). Cette clôture sera marquée aussi par la présentation de L’Astrologue ou les Faux Présages, pièce en un acte imaginée à partir des données historiques et des procédés d’écriture de Molière par le collectif Obvious et le Théâtre Molière Sorbonne.

Némo, Biennale internationale des arts numériques de la Région Île-de-France
> du 11 octobre au 11 janvier, Paris / Île-de-France
> https://www.biennalenemo.fr/

EXO, au-delà des frontières

Le festival d’art numérique Elektra revient avec une nouvelle thématique : EXO – Au-delà des frontières. Cette édition 2025 qui se déroulera du 18 au 22 juin proposera une série de performances audiovisuelles, d’expériences participatives et d’œuvres interactives. L’idée est bien d’essayer d’aller voir « au-delà », de se tenir à la lisière de l’inconnu, dans des territoires inexplorés entre intelligence artificielle, exobiologie et réalités parallèles […] et d’interroger notre relation à l’altérité, à la technologie et aux mondes qui échappent à notre perception.

Alain Thibault, The 11th Dream. Photo: D.R.

Pour tenter cette aventure, le public dispose de trois portes d’entrées. D’une part via une expérience théâtrale urbaine immersive où, après avoir revêtu une combinaison spatiale, nous sommes parés pour une mission d’exploration à travers la ville. Baptisée #Exoterritoires, cette expérience peut se vivre aussi bien comme acteur que comme spectateur. Imaginée par Le Clair Obscur, ce spectacle de rue scientifico-poétique, est le fruit de la collaboration entre un metteur en scène et artiste numérique, un auteur de science fiction, une comédienne et des chercheur·euses du CNES / Observatoire de l’Espace

Le Clair Obscur, #Exoterritoires. Photo: D.R.

La deuxième porte permet de vivre une expérience collective de VR dans un musée virtuel : Elektra Virtual Museum (EVM). Ce nouveau projet présente une sélection d’œuvres 3D d’artistes du Québec : Baron Lanteigne, Bill Vorn, Chun Hua Catherine Dong, Eyez Li, Philippe Internoscia, Skawennati, Kevin Dubeau, Tanya St-Pierre & Philippe-Aubert Gauthier et Yan Breuleux. Ces œuvres sont à découvrir gratuitement, muni d’un casque VR, le long d’un parcours sur 5 étages à l’UQAM (Université du Québec à Montréal).

Augurs Wand (Mike Cassidy & Kristian North), Smoke Screen. Photo: D.R.

Troisième porte : les performances en soirée. Pour celle d’ouverture, le mercredi 18 juin, ce sera Smoke Screen par Augurs Wand (Mike Cassidy & Kristian North). Ce duo utilise un synthétiseur laser fait sur mesure pour générer simultanément des formes, des couleurs et des sons diffusés par trois lasers et un ensemble de haut-parleurs. Et aller au-delà des « portes de la perception », à la limite des hallucinations, en jouant explicitement sur les phénomènes entoptiques et les illusions perceptuelles créés par l’intégration du son à la lumière laser…

Ianna Book, Eros Circuitry. Photo: D.R.

Les autres soirées verront se succèder les performances AV, installations interactives et lives sets parfois très « electronic-noise » de Kevin Dubeau (Hyper-Crash), Ianna Book (Eros Circuitry), MSHR (Network Entity), Baron Lanteigne (Matter Under Maintenance), Alain Thibault (The 11th Dream), Tacit Group (tacit.perform[best]), mHz (Cruise Missile Intersectionnality), Motoko (Model 3), WYXX (STD10), Gazaebal (UN/Readable Sound).

Laurent Diouf

> Festival Elektra, EXO – au-delà des frontières
> du 18 au 22 juin, Montréal (Québec / Canada)
> https://www.elektramontreal.ca/festival-2025?lang=fr

Les pionniers

Trois jours. Pas plus… Un court laps de temps pour découvrir l’exposition Camer Crypto-Art, les pionniers, qui s’est tenue au Théâtre de la Ville de Paris dans le cadre de Focus Cameroun 3. Danse, théâtre, musique, mode, photographie et crypto-art… Cet événement organisé par l’Ambassade de France et l’Institut Français du Cameroun a pour but de faire connaître la créativité artistique de ce pays de l’Afrique centrale.

Yvon Ngassam, Imany & Alioune, World’s most influential people (2030-2040). Photo : D.R.

En fait, plus qu’une expo, Camer Crypto-Art est avant tout la restitution d’une « crypto résidence » baptisée Correspondances. Portée par Ox4rt, structure de conseil, curation, expositions et accompagnement en Cryptoart, NFT et Métavers, cette initiative est placée sous la responsabilité d’Albertine Meunier, Benoît Couty et Thuy-Tien Vo.

L’objectif de la résidence était donc d’accompagner des artistes plasticiens camerounais vers l’art numérique et le crypto-art. Ils sont une vingtaine à avoir ainsi basculé dans le métavers et, pour certains, à avoir métamorphosé leur démarche artistique en dialoguant avec une intelligence artificielle.

Boudjeka Kamto. Triplets trying to reconnect world and people… Photo : D.R.

Le profil de ces artistes est très ancré sur les arts visuels : ils sont graphistes, peintres, réalisateurs, illustrateurs, etc. Tous ont déjà un style affirmé et un parcours remarqué, mais à la suite de cette résidence, leur travail a pris un autre relief et une esthétique nouvelle. De plus, en « enchaînant » chacune de leur création à un NFT, cela leur permet en toute autonomie d’exposer, de vendre ou d’échanger leurs œuvres numériques ainsi certifiées et rendues uniques.

Celles-ci étaient exposées sur les paliers du hall du Théâtre de la Ville qui donne sur la place du Châtelet. Les formes et couleurs qui brillaient sur les écrans sont sorties de l’imagination d’Alain Ngann, Alexandre Obam, Alt cohold, Beti Ophélie, Éric Takukam, Fotale, Marcelin Abu, Nyamah Musongo…

Annoora (Abbo Nafissatou). Voices of the forgotten. Résilience. Photo : D.R.

On « flashe » littéralement sur les silhouettes féminines d’inspiration himba, bété et massaï d’AJNart ainsi que sur les photos modifiées, augmentées, d’Annoora (Abbo Nafissatou) ; en particulier sa série Resilience sur la violence faite aux femmes. C’est également ce thème de la résilience qui a inspiré Nart M’Mounir (alias Mohamed Mounir Ngoupayou) pour ses photo-montages qui expriment la brutalité du monde.

Le qualificatif d’afrofuturiste s’impose pour quasiment toutes les œuvres présentées. Outre l’aspect à la fois traditionnel (afro) et high-tech (futur), il se dégage de ces représentations numériques un parfum dystopique et un sentiment dysphorique propre à notre époque.

Sam Franklin Waguia, Mythical Legend. Photo : D.R.

C’est particulièrement flagrant sur les superbes et inquiétants portraits réalisés par Sam Waguia. De même que les masques, statuettes et personnages 3D de Boudjeka Kamto, pourtant très « roots », mais qui semblent venir d’un ailleurs sombre et post-électronique…

Même impression avec Lejobist (aka Wilson Job Pa’aka) qui explore la notion d’avenir ancestral au travers de l’univers de la mode, là aussi avec de saisissants portraits de femmes qui ont l’air échappées d’un univers à la Mad Max… Verlaine Mba affirme également son identité africaine grâce à la mode, avec des mannequins au visage dissimulé par des masques et des tissus aux couleurs vibrantes.

Lejobist (Wilson Job Pa’aka), Nayaah, African futuristic fashion. Photo : D.R.

À l’opposé, Boris Nzebo a choisi de représenter des créatures non-humaines : un génie, un djoudjou qui cherche à réaliser ses rêves et un animal social dont la « chorégraphie » est une réponse aux transformations exigées par le récit urbain… Mais c’est le visage d’un Afrotopien, un homme avec des dreads et une coiffe circulaire fabriquées à partir de fragments de verre, que l’on voit sur l’affiche de l’expo. Elle est signée Yvon Ngassam, lauréat 2024 du Prix Non Fongible 237 décerné à un artiste numérique camerounais.

Yvon Ngassam, Kwami & Inaya, World’s most influential people (2030-2040). Photo : D.R.

Il s’est distingué avec une série « psychédélique » de 12 déesses au pouvoir hypnotique. Mais c’est encore une autre collection de portraits réalisés par cet artiste qui nous a fascinés. Des portraits du futur bien sûr. Celles de personnes les plus influentes au monde entre 2030 et 2040… Toute une galerie de personnages qui posent par deux avec une plastique mi-humaine, mi-statuaire, dans des tons noir et rouge-orangé. Des artistes, des icônes, des pionniers, des leaders, des innovateurs et des titans

Laurent Diouf

Verlaine Mba, Soul Davis, My African Culture. Photo : D.R.

PS: on peut retrouver tous ces crypto-artistes au travers de l’exposition collective Crypto Art / Crypto Bloom jusqu’au 22 juillet, à l’Institut Français du Cameroun à Douala et Yaoundé

rencontre des inclassables

Dédié aux arts visuels, sonores et numériques, le festival ]interstice[ propose, sur 12 sites, pas moins de 24 artistes de 8 nationalités, 17 exposants, 7 concerts et performances, une programmation OFF imaginée par le collectif Manœuvre et un colloque international dans le cadre du Millénaire de Caen 2025. Cette 18e édition s’articule autour du thème des paysages contre nature.

Le concept de « paysage » ne cesse de se redéfinir. Le festival souhaite ré-interroger les rapports complexes qu’entretiennent nature, paysage et technique. Il s’agit de questionner les « nouveaux » paysages ou les paysages hybrides que les œuvres numériques proposent.
Comment les artistes figurent ou défigurent-ils/elles le paysage ? Comment le font-ils/elles éprouver ? Avec quels dispositifs et selon quels procédés techniques ? Et surtout quelle est la nature des paysages qu’ils/elles travaillent ?

Paysages virtuels, fabriqués, inconscients, rêvés ; paysages du jeu, de la fiction, de la catastrophe ; paysages microscopiques, contemplatifs, synthétiques, machiniques, fantomatiques… Autant d’approches et d’interprétations proposées pour tenter de se forger un autre regard paysager, ou expérimenter une autre sensation paysagère.

avec Manœuvre, Thomas Andrea Barbey, Vincent Leroy, Paul Duncombe, Thibault Brunet, Diane Morin & Ana Rewakowicz, Joanie Lemercier, Ulrich Vogl, Thomas Garnier, Justine Emard, Thomas Pausz, Rajat Mondal, Linda Sanchez, Pierce Warnecke & Clément Édouard, Claire Chatelet, Heleen Blanken, KL&D, Céleste Gatier, VAKRM, Alex Smoke, Moritz Simon Geist, Exiit & Shaamu, Datum Cut, Thomas Laigle, Rekick, Outrenoir, Joanna OJ…

> du 07 au 20 mai, Caen
> http://festival-interstice.net/

De l’art numérique aux jeux vidéo

Ce titre au parfum d’afrofuturisme n’est pas pour nous déplaire. Cette exposition est en quelque sorte la « restitution » d’un périple mené par Isabelle Arvers, artiste et commissaire d’expo, au travers de plusieurs « pays du Sud », à la découverte des modalités d’inscription culturelles et sociales des jeux vidéo sous d’autres lattitudes.

Si l’art numérique comme les jeux vidéos sont encore dominés par l’Europe, les États-Unis et, bien sûr, le Japon, le reste de la planète n’est désormais pas inerte, culturellement, par rapport à ce vaste domaine qui fait désormais « jeu » égal avec le cinéma. L’univers des jeux vidéos s’est enrichit au contact d’autres types de représentations, paysages, récits et cosmogonies. Tout comme notre imaginaire (i.e. celui des occidentaux) s’enrichit et surtout se « décolonise » par la co-construction de récits nés de la rencontre entre tradition orale, savoirs endogènes et univers virtuels des jeux vidéo.

Henri Tauliaut. Water Divinity. Photo : D.R.

Avec l’avènement de référents culturels dont les racines peuvent puiser — de nouveau et à nouveau — dans l’animisme, par exemple, et des univers oniriques et ludiques qui se déloient dans le virtuel, dans le métavers, nous sommes invités à changer de paradigme. La science et la pensée humaine ne sont plus les seules sources de connaissances; il est désormais possible de penser à des connaissances « au-delà de l’humain ». Cela implique que la nature, les animaux pensent et que les non-humains peuvent enseigner des techniques et connaissances, en changeant de perspective, comme le propose l’anthropologue brésilien Eduardo Viveiro de Castro.

Démonstration avec l’installation interactive de Laura Palavecino (High In the Sky And Beneath the Stars), les photos et dessins d’Eulalia De Valdenebro Cajiao, les jeux vidéo de Daniela Fernandez (Laidaxai), Henri Tauliaut (Water Divinity) et Matajuegos (Atuel), l’installation-performance de la chorégraphe, artiste et chercheuse, Aniara Rodado (Coca para comer), l’installation vidéo de Tania Fraga (Epicurus Garden), le film d’Isabelle Arvers + Gaël Manangou créé à partir d’un univers virtuel (Liquid Forest), Les Spectographies (film et installation VR) de Carole Chausset Myriam Mihindou &Annie-Flore Batchiellilys, Daniely Francisque et Florence boyer / cie Artmayage, l’interactive installation du collectif Technorisha (eFa)…

Laurent Diouf

exposition Aux Futurs Ancestraux : de l’art numérique aux jeux vidéo
> du 14 octobre au 20 janvier, Espace Multimédia Gantner, Bourogne
> https://www.espacemultimediagantner.cg90.net

de la Biennale des Imaginaires Numériques

Émanation des associations Seconde Nature et Zinc, la Biennale des Imaginaires Numériques se déroule jusqu’au 22 janvier sur Aix-en-Provence, Marseille et Avignon. Cette troisième édition, lancée le 10 novembre dernier, est axée autour de la thématique de la nuit. Une thématique déclinée au travers de nombreuses installations, expositions, performances, concerts… Un moment d’échange est également réservé aux acteurs culturels lors de Rencontres Professionnelles du 18 au 22 janvier.

Ce rendez-vous, gratuit sur inscription, propose des tables rondes pour débattre des questions qui traversent actuellement l’art numérique, en particulier à propos des NFT. Une remise du prix de la Fondation Vasarely x Chroniques. Un focus sur le MIAN (Marché International de l’Art Numérique) avec la présence d’artistes, producteurs et programmateurs des pays invités lors des 3 éditions de la Biennale (Québec, Taiwan, Belgique).

Ces rencontres professionnelles seront aussi l’occasion de découvrir le programme européen Digital Inter/Section (DI/S) qui propose des modèles de développement pour des institutions culturelles du secteur des arts et cultures numériques. Ce projet vise à diversifier les sources de revenus et les modèles commerciaux de ces organisations tout en promouvant un développement économique durable, éthique et inclusif..

Rencontres Professionnelles de la Biennale des Imaginaires Numériques
> tables rondes, expositions et performances avec Ombeline Rosset, Pierre Pauze, Lucie-Eléonore Riveron, Justine Emard, Pierce Warnecke, Ana Bedenko, Mario Kudnosky, Klio Krajewska, Nicolas Wierinck, Wen-Chi Su
> du 18 au 22 janvier, Aix-en-Provence, Marseille, Avignon
> https://chroniques.org/

Durant un mois, à partir du mercredi 9 novembre, le Labo Arts & Techs de Stereolux organise un Cycle thématique autour des Enjeux environnementaux des arts numériques. Au programme, une série de tables rondes sur le low-tech, l’éco-conception des arts numériques et la responsabilité du numérique et de la création artistique.

Le monde du numérique a semblé pendant longtemps épargné par les questions environnementales, apparaissant même pendant un temps comme étant une panacée en ce domaine face aux industries et entreprises de l’Ancien Monde… Mais la prise de conscience actuelle de l’urgence et de la globalité du problème du changement climatique oblige le secteur du numérique à faire en quelque sorte aussi son « auto-critique » et à réfléchir sur de nouvelles manières de créer, de montrer, de s’engager. Qui plus est, ce défi est devenu au fil des dernières années une véritable source d’inspiration pour les acteurs et créateurs du numérique.

Face à ce défi, les pistes et les questions multiples. Elles seront l’objet des discussions de ces tables rondes proposées tout au long de ce cycle. Les interrogations sur la réduction des impacts du numérique, par exemple, sont devenues fondamentales. Cela passe par un changement de paradigme dans notre manière de penser, de concevoir et d’utiliser le numérique, pour tendre vers une meilleure compréhension et une meilleure prise en compte des effets qu’il génère. S’il devient ainsi nécessaire d’inventer de nouvelles manières de faire, la mise en place de nouveaux imaginaires et sensibiliser les acteur(ice)s du secteur et utilisateur(ice)s est également un enjeu important.

La réduction de l’impact environnemental du secteur des arts numériques, que ce soit au niveau des œuvres, mais aussi au niveau des structures de diffusion et de production, sera au centre de ces débats. Le fait que la notion d’éco-conception, traditionnellement appliquée dans un contexte industriel, s’invite dans ce débat est révélateur d’une vision nouvelle, d’une autre « manière de faire ». Désormais, pour les démarches artistiques aussi il faut identifier les impacts environnementaux générés par les différentes étapes de création, de production, de diffusion et de conservation d’une œuvre, puis mettre en place des actions permettant de les diminuer, sans perdre de vue l’intention artistique initiale. Et dans le domaine des arts numériques, cette démarche croise à la fois des problématiques communes à d’autres domaines artistiques (choix de conception et de matériaux par exemple), mais aussi des enjeux plus particuliers, notamment au niveau des technologies numériques utilisées ou de modes de production, de diffusion et de conservation souvent spécifiques.

Dans ce contexte, la démarche low-tech est sans doute pionnière. Portée par de nombreux artistes s’inscrivant dans une approche critique des technologies numériques, souhaitant réduire l’impact environnemental et social de leurs projets, ou explorant les enjeux artistiques et esthétiques d’objets électroniques de première génération, moins complexes, et mêlant récupération, bricolage et recyclage. Cette démarche low-tech s’inscrit dans le contexte d’une prise de conscience sur l’impact environnemental et social des technologies numériques et semble pouvoir être une réponse possible aux problématiques qu’elles soulèvent. On notera toutefois que dans les pays de l’Hémisphère Sud, le low-tech est une réalité tangible depuis des décennies, non par choix ou prise de conscience tardive, mais simplement par nécessité…

Enfin, un workshop sur 3 jours, du mercredi 16 au vendredi 18 novembre, animé par les artistes Selma Lepart et Nathalie Guimbretière, sera consacré au low-tech et à la soft robotic. Ouvert à tous et singulièrement aux makers, designers, technicien(ne)s et artistes, cet atelier a pour objectif d’ouvrir de nouveaux champs exploratoires. Dans ce cadre, les participant(e)s seront amené(e)s à découvrir la robotique créative, à expérimenter et à créer des objets et des dispositifs à partir d’éléments souples et déformables (comme des éléments pneumatiques, de pliage mobile, etc.), mais aussi à partir de matériaux responsifs (par exemple les métaux à mémoire de forme).

Cycle thématique : enjeux environnementaux des arts numériques
Du 9 novembre au 8 décembre, Stereolux, Nantes
> https://www.stereolux.org/

Médium, infra-médium, média, intermédia, transmédia, multimédia, cross-média, post-média… Ces multiples glissements sémantiques recouvrent moins une réalité plurielle qu’une pluralité conceptuelle. Tentative d’éclaircissement avec l’ouvrage collectif Art, Medium, Media dirigé par Pascal Krajewski, au travers d’une douzaine de contributions signées notamment par Lev Manovich ou John Barber, et dont la plupart ont précédemment publié dans la revue en ligne l’Appareil.

Si les termes « médium » et « média » nous ramènent inexorablement aux thèses de McLuhan, il convient néanmoins de s’en éloigner un peu pour appréhender la portée de ces termes appliqués à l’art à l’ère du numérique. Comme le souligne Pascal Krajewski dans son texte introductif, si l’informatique a accouché de la notion de multimédia, c’est peut-être qu’elle est moins un nouveau médium qu’un « infra-médium », sur lequel les autres peuvent se greffer et apparaître presque tels qu’en eux-mêmes. Toute l’ambiguïté vient de ce que l’on projette dans cette terminologie : l’irruption des nouvelles technologies dans l’art a produit l’avènement d’un « art des nouveaux média(s) », à l’appellation aussi discutable qu’étonnante. Sont concernés a priori les arts usant de l’électronique (puis de l’informatique), d’Internet et des interfaces interactives, pour produire des œuvres d’un nouveau genre. S’il s’agit vraiment de l’art d’un seul nouveau médium — celui du numérique — pourquoi le qualifier d’un pluriel nébuleux (« les nouveaux médias ») ?

Pour John Barber cette « polysémie » résulte d’une multiplicité d’objets ou d’actes désignés qui varie, en plus, selon la source, le vecteur ou l’émetteur : un médium est un canal de production/transmission de contenu culturel et d’information. Au pluriel, nous pourrions parler de « médiums », mais on emploiera plus couramment le terme « média ». Ce passage au pluriel donne une tout autre ampleur à l’objet en question […] Pour les universitaires et les critiques culturels, le terme « médium », toujours pris comme substantif, pourrait encore signifier une prothèse, un appendice, une extension du sensorium humain comme dans la célèbre citation du théoricien de la communication Canadien Marshall McLuhan : « le médium est le massage [message] ». Il voulait signifier par là que la technologie façonne la sensibilité humaine. Pour les artistes, le nom « médium » peut aussi bien désigner un volume à la surface duquel ils peuvent concevoir, créer et critiquer l’autonomie et la pureté de l’art, que le matériau ou la forme d’une expression artistique. Si un artiste utilise plusieurs médiums en même temps, les oeuvres d’art qui en résultent sont dites « multimédia ».

Si, comme le souligne Pascal Krajewski, cette terminologie trouve son point de départ avec Clement Greenberg qui a popularisé l’idée de « médium » dans le champ de la critique d’art et plus globalement de l’esthétique en 1940, à ce modernisme auquel était appliqué cette formulation a succédé ensuite l’usage d’un « volapük » pétri de néologismes et d’anglicismes dont use et abuse le microcosme du monde numérique (artistes, journalistes, curateurs…). Sans parler, pour les francophones, de l’écueil d’une traduction littérale : une difficulté supplémentaire tient à l’importance et à la spécificité de la terminologie anglo-saxonne. Car l’anglais ne connaît que le couple medium/media (singulier/pluriel), pour évoquer tout ce qui touche à la transmission d’un contenu – de sorte que la télévision est un médium pour le locuteur anglais, tandis qu’elle est un média pour le locuteur français. L’emprise de l’anglo-saxon étant particulièrement prégnante dans les industries culturelles comme dans le numérique, l’incompatibilité terminologique entre notre approche et la leur sera particulièrement épineuse…

Pour élargir ce point de vue, certains intervenants remontent aux temps pré-numériques pour développer leurs analyses : Giuseppe Di Liberti esquisse une préhistoire du médium chez Diderot et Danielle Lories invoque Kant. Tandis que d’autres contributeurs s’appuient sur des pratiques plus contemporaines et diverses, et pas forcément hig-tech : le dessin pour Lucien Massaert, la BD pour Pascal Krajewski, le dessin animé pour Jean-Baptiste Massuet, la radio pour John Barber… Ou bien encore les fictions, Strange Days, la réalité virtuelle, les jeux vidéo et, plus surprenant, les collages audiovisuels des Residents ou d’EBN (Emergency Broadcast Network) pour Jay David Bolter et Richard Grusin qui développent la notion de remédiation : toute médiation est remédiation parce que chaque acte de médiation dépend d’autres actes de médiation. Continuellement, les média se commentent, se reproduisent, se remplacent entre eux, et ce processus est inhérent aux média.

Pour Lev Manovich, cette problématique s’enracine dans le « surgissement » de la technologisation de la culture. Dans le dernier tiers du XXe siècle, divers développements culturels et technologiques ont conjointement vidé de son sens l’un des concepts clés de l’art moderne – celui de médium. […] Une autre mutation du concept de médium est survenue lorsque de nouvelles formes culturelles fondées sur les technologies récentes ont progressivement pris place à côté de l’ancienne typologie des médiums artistiques. La bascule étant complète dès lors que les critères d’unicité et/ou de rareté, point aveugle d’une œuvre d’art, se sont retrouvés enchâssés dans un contexte technique autorisant la reproductibilité à l’infini. Lorsque les artistes commencèrent à utiliser les technologies des médias de masse pour faire de l’art, l’économie du système artistique leur prescrivait de créer des éditions limitées, mais en utilisant à présent des technologies conçues pour la reproduction de masse, et ce de façon tout à fait contradictoire (ainsi, en visitant un musée d’art contemporain, vous pouvez trouver des objets conceptuellement paradoxaux tels qu’une « cassette vidéo, éditée à 6 exemplaires » ou un « DVD, édité à 3 exemplaires »). Peu à peu, ces lignes de partage sociologiques entre les différents mécanismes de distribution, renforçant les autres fractures sociologiques déjà mentionnées, devinrent des critères prépondérants pour distinguer différents médiums, plus que les anciennes distinctions construites sur le matériau utilisé ou sur les conditions de réception. En bref, la sociologie et l’économie prirent le pas sur l’esthétique.

Pour Lev Manovich, ce ne sont là que quelques exemples des limites du concept traditionnel de médium dans notre culture post-numérique (ou post-Internet). Et pourtant, malgré l’insuffisance évidente de la notion de médium pour décrire les réalités culturelle et artistique contemporaines, celle-ci persiste. Pour contrer cette inertie conceptuelle, il souhaite jeter les bases d’un nouveau système théorique apte à remplacer le vieux discours des médiums en proposant une description plus adéquate de la culture postnumérique, post-Internet. La solution pour sortir de cette impasse sémantique c’est, peut-être, de remplacer la notion de médium par de nouveaux concepts issus de l’informatique et de la culture d’Internet. Ces concepts pouvant être utilisés à la fois littéralement (dans le cas effectif de la communication par ordinateur), mais aussi métaphoriquement, dans un sens élargi (dans le cadre de la culture pré-informatique).

Laurent Diouf

Art, Médium, Média, sous la direction de Pascal Krajewski (L’Harmattan / coll. Esthétiques, 2018)

> http://www.editions-harmattan.fr/

festival des arts numériques

La 14e édition du festival Gamerz investit la Fondation Vasarely, l’École supérieure d’art et la Bibliothèque Méjanes à Aix-en-Provence ainsi que la Galerie des Grands Bains-Douches à Marseille, du 8 novembre au 15 décembre prochain. En coordination avec Chroniques — biennale des imaginaires numériques, qui officie sur les mêmes terres et à la même période —, Gamerz propose des expositions, performances, DJ-sets, ateliers et conférences.

Cette année, l’exposition collective se déploie autour d’une thématique commune avec le festival DataBit.me : Digitale défiance. Les artistes Julien Clauss, Caroline Delieutraz, Harm van den Dorpel, ErikM et Géraud Soulhiol proposent, chacun à leur manière, une sorte de critique de la technologie, tels des lanceurs d’alerte. Un regard qui s’inscrit dans l’héritage de penseurs comme Ellul ou Virilio (récemment disparu), contre le mythe du progrès technique, de la glorification de la croissance, de l’innovation sans fin, du culte de la vitesse… Le numérique décuplant ces symptômes de la catastrophe qui vient. Les œuvres présentées illustrent cette problématique liée aux usages sociaux des nouvelles technologies, à la nécessité de reconsidérer l’imaginaire qui préside et accompagne la technique à l’ère du numérique et la culture du digital. Avec une focalisation sur l’image et le son. Et quelques expériences distilleries atypiques (Vincent A., Pat Lubin & Shoï Extrasystole, Alambic Sonore)

L’image, tout d’abord. Internet est le grand pourvoyeur d’images, fixes et animées, qui servent désormais de matériaux artistiques à part entière. Ainsi, Géraud Soulhiol utilise des clichés de Google Earth dont il projette des fragments, nous donnant l’impression de voir le monde par un trou de serrure avec sa série Le Hublot ou d’expérimenter des paysages morcelés (Territoires recomposés). Harm van den Dorpel fait également son marché sur Internet où il glane des photos de personnes franchement HS après des soirées que l’on imagine mémorables (du moins, pour les témoins qui les ont immortalisés). Assez éloigné de l’épure graphique et algorithmique dont il fait preuve habituellement, grâce à un petit protocole d’animation, il nous donne l’impression que ces corps gisants dans des postures improbables sont en séance de lévitation (Resurrections). Caroline Delieutraz déstructure également des images présentées sous la forme d’un puzzle en relief, en bois découpé, sur plusieurs strates, avec des pièces manquantes (Les Vagues); évoquant des tableaux d’un autre siècle (Sans Titre (La Tour de Babel)) ou des images satellites (Kamil Crater, basé sur l’étude d’une partie du désert égyptien via Google Earth par un scientifique italien qui a ainsi pu identifier un cratère creusé par une météorique).

Le son, ensuite, avec eRikM. Éminemment connu dans le circuit des musiques expérimentales, bruitistes et improvisées, il propose un objet sonore baptisé La Borne. Cet artefact qui ressemble un peu à une urne funéraire repose sur un dispositif constitué de 16 codes joués de manière aléatoire. Mêlant collage sonore et symbolisme du langage, cette réalisation est basée sur les éléments de code utilisé par les soldats amérindiens Choctaw pour l’Armée américaine à la fin de la Première Guerre mondiale. À noter que ce principe, rendant quasiment indéchiffrable le code pour d’autres nations (en premier lieu l’Allemagne), fut repris lors de la 2e Guerre mondiale et inspira le film de John Woo avec Nicolas Cage, Windtalkers, les messagers du vent.

Avec sa Salle de brouillage, Julien Clauss met en scène le spectre sonore radiophonique. Combinant une trentaine d’émetteurs/récepteurs bricolés, plaqués sur des plaques de cuivre et prolongés de câbles tirés au cordeau, calés sur des fréquences différentes (de 87 à 108 MHz), cette installation balaye la bande FM (bribes de conversation, interférences, bruits parasites, etc.), offrant une bande-son modulable, si l’on ose dire, puisque les visiteurs peuvent s’amuser à explorer ce chant des signes à l’aide de radio mises à disposition. Ce dispositif fera aussi l’objet d’une performance, Agrégation de porteuses dans l’Ultrakurzwellen. On retrouvera Julien Clauss dans le cadre d’un cycle de conférences intitulé L’Homme orbital; auquel participeront également France Cadet, Ewen Chardronnet, Colette Tron et Jean Cristofol qui interviendront sur les aspects théoriques et pratiques du numérique, en confrontant l’expérience de structures et événements ancrés dans la région PACA (Chroniques, Gamerz, ESAAix, Alphabetville).

L’autre grande expo, monographique cette fois, se déroulera à la Galerie des Grands Bains-Douches de la Plaine à Marseille. Sous la bannière Master/Slave — qui évoque pour notre part les temps héroïques des jumpers qui servaient à indexer les disques durs sous interface IDE & Co… — Quentin Destieu (artiste et directeur du festival) y présentera un large panorama de ses créations dans le cadre de son doctorat. Parmi les nombreuses pièces, signalons Maraboutage 3D, soit des poupées vaudou hérissées d’aiguilles à l’effigie de Bre Pettis. Un retour de bâton pour celui qui, après s’être arrogé les fruits du développement de l’imprimante 3D par la communauté open-source, les a brevetés et cadenassés pour en faire l’exploitation commerciale.

Dans un autre genre, À cœur ouvert donne à voir, à taille humaine, les entrailles du premier micro-processeur. Condensé technologique qui annonce la micro-informatique grand public, le Intel 4004 (c’est son nom d’origine) reposait sur une architecture de 4 bits, une fréquence de 740 kHz et était doté d’une mémoire morte de 256 octets… Mais sa principale caractéristique est d’avoir été dessiné entièrement à la main. Ensuite, contrainte de la miniaturisation oblige, les machines ont pris le relais pour le tracé des ramifications du système de transistors. C’est ce réseau des commutations que donne à voir À cœur ouvert.

Quentin Destieu se livre aussi à des opérations de détournement et recyclage de nos appareils électriques et électroniques, les transformant en outils primitifs après avoir fondu leurs composants et métaux (Refonte, Gold revolution, Opération pièces jaunes). Au rayon des artefacts improbables, il a conçu une Machine 2 Fish, petit robot motorisé sur roue qui transporte un aquarium selon un itinéraire qui varie au gré des mouvements d’un poisson rouge… Sans oublier La brosse à dents qui chante l’Internationale (profitons-en pour rappeler au passage qu’il existe aussi une Internationale Noire — i.e. anarchiste — que l’on entonne malheureusement moins fréquemment…).

Laurent Diouf

Gamerz 2018, 14e édition, du 08 novembre au 15 décembre, Aix-en-Provence + Marseille
> http://www.festival-gamerz.com/gamerz14/