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Itinérance créative avec Cristina Hoffmann

Synonyme de rêverie ou de folie, de mouvement hydraulique ou d’errance animale, « divagation » est un mot riche de sens.  Appliqué à la démarche artistique actuelle de Cristina Hoffmann, ce terme renvoie à un projet nomade qui sort du cadre, des cadres habituels de la création, de l’interaction et de l’exposition.

« Le Département de la divagation », auquel MCD est associé en tant que partenaire, marque le début d’un nouveau cycle dans le cheminement de Cristina Hoffmann, artiste pluridisciplinaire, ingénieure de formation et designer dans une vie antérieure. C’est bien un « cycle » comme on peut en parler à propos de certaines œuvres protéiformes de science-fiction, tant ce projet se présente sous de nombreuses facettes, toujours en mouvement et en cours d’élaboration.

Les points d’entrée dans ce projet labyrinthique, rhizomatique, sont le dessin et l’écriture. Des tracés quasi quotidiens, presque rituels, influencés par le lieu, le moment, les réactions du public, l’état d’esprit de l’artiste. Ce sont aussi les premières pierres d’une base de données qui doit nourrir un dispositif d’Intelligence Artificielle. En enregistrant les traits de ses dessins sous forme vectorielle et non pas simplement les pixels désincarnés, couplés à des phrases poétiques, Cristina Hoffmann met en place un protocole de création future, ou plutôt de co-création future, dans laquelle l’IA est un assistant (et non pas un artiste 2.0).

Le Département de la divagation se déploie en une arborescence sur laquelle se distribuent différentes sections de ce projet où se mêlent constamment recherche et création, expérimentation et participation. Ainsi, la « section des divagations mystérieuses », moins cryptique que ne le laisse supposer son intitulé, permet de rassembler diverses créations (dessins, écriture, etc.), que celles-ci soient réalisées en solitaire ou en interaction avec un public, et d’établir un protocole d’action concerté.

Celle des « divagations partagées » se rapporte aux moments et aux lieux où l’artiste développe sa création sous le regard et au contact du public. Un public qui, en retour, est invité à explorer ce travail de façon collective et participative. Dans la « section des divagations articulées », ce sont les métamorphoses des productions « brutes », issues des autres sections, qui sont mises en avant en vue d’aboutir à des pièces finies (i.e. aptes à être installées, montrées, performées, vendues, etc.).

Les « divagations artificielles » se rapportent à des collaborations avec des ingénieurs et chercheurs pour une approche plus technique, afin de comprendre le mécanisme de certains dispositifs et technologies, d’en tester les limites, de jouer de leurs dysfonctionnements, etc. La « section des divagations elliptiques », plus introspective, renvoie à des lectures et des analyses du travail d’artiste — ici centré sur la synergie image / pensée — en complicité avec la philosophe Manuela de Barros (Université Paris 8). Pas de conférence au sens strict, mais l’essai d’une autre forme de présentation et de dialogue, plus proche de la performance.

Pas d’atelier non plus, mais un « laboratoire d’expérimentation collective ». En clair, il ne s’agit pas pour Cristina Hoffmann de se transformer en animatrice ou médiatrice, mais de donner accès son univers, à son processus de création (étape en général occultée), directement et horizontalement, sans hiérarchie et avec bienveillance. Ces rencontres ouvertes avec le public trouvent donc leur acmé dans le « Laboratoire de divagation » qui permet de faire co-exister plusieurs sections, notamment « partagées » et « articulées », et aussi d’expérimenter sur les possibilités et formes d’exposition. Ici, c’est donc le principe de création qui fait œuvre et qui est exposé.

Le projet de Cristina Hoffmann est enchâssé dans « le grand jeu » d’exploration du territoire placé sous l’égide de la Maison des Pratiques Artistiques Amateurs du 11ème arrondissement de Paris, qui a lieu jusqu’en septembre prochain. Il s’offre en parallèle à d’autres artistes (Benoît Labourdette, cinéaste ; Louise Emö, autrice et metteuse en scène ; Cyril Leclerc, artiste son et lumière ; Willy Pierre-Joseph, artiste du mouvement) et entre en résonnance avec la thématique de l’édition 2021 de cette initiative : Connexion, ou comment penser cette question de l’influence réciproque entre le numérique et les interactions humaines.

De fait, Cristina Hoffmann est « inter-connectée » à plusieurs lieux et publics (dont les seniors grâce au partenariat avec MCD). Outre la MPAA Breguet, Cristina Hoffmann, artiste en résidence de création depuis 2019 au Centre des arts d’Enghien-les-Bains achève actuellement un temps de travail après 1 mois de résidence, lequel sera renouvelé pour une nouvelle période de 3 semaines en mai/juin. Elle investira alors les espaces d’exposition pour y présenter l’avancement de ses recherches actuelles, mais aussi un ensemble d’installations issues de précédentes réflexions, mêlant la question de la perception et de la lumière. Un « Séminaire de la divagation », organisé sur 3 jours avec des étudiants de Paris-Nanterre / École Universitaire de Recherche ArTeC étant au programme. Une série de « Laboratoires de la divagation » aura lieu au Palais de la Femme, puis à la Gaîté Lyrique et à la Maison des Métallos. D’autres rendez-vous, certains en ligne, se succèderont jusqu’à la rentrée.

Infos
> http://cristinahoffmann.com/
> https://www.instagram.com/cristina.hoffmann/
> https://www.mpaa.fr/faire-jouer-territoire
> https://www.cda95.fr/fr/cristina-hoffmann

Le Département de la Divagation, en partenariat avec le Centre des arts d’Enghien-les-Bains, l’Eur ArTeC, l’Université Paris 8, l’Université Paris Nanterre, La Maison des Pratiques Artistiques Amateurs, Le Palais de la Femme, La Maison des Métallos, le festival MIX UP, l’association MCD, le SAMUSOCIAL, le Centre social le Picoulet, le Centre Social Autremonde, le Centre Social Solidarité Roquette, la Mairie de Paris, la Mairie du 10ème et du 11ème, et la Mairie d’Enghien-les-Bains.

Médium, infra-médium, média, intermédia, transmédia, multimédia, cross-média, post-média… Ces multiples glissements sémantiques recouvrent moins une réalité plurielle qu’une pluralité conceptuelle. Tentative d’éclaircissement avec l’ouvrage collectif Art, Medium, Media dirigé par Pascal Krajewski, au travers d’une douzaine de contributions signées notamment par Lev Manovich ou John Barber, et dont la plupart ont précédemment publié dans la revue en ligne l’Appareil.

Si les termes « médium » et « média » nous ramènent inexorablement aux thèses de McLuhan, il convient néanmoins de s’en éloigner un peu pour appréhender la portée de ces termes appliqués à l’art à l’ère du numérique. Comme le souligne Pascal Krajewski dans son texte introductif, si l’informatique a accouché de la notion de multimédia, c’est peut-être qu’elle est moins un nouveau médium qu’un « infra-médium », sur lequel les autres peuvent se greffer et apparaître presque tels qu’en eux-mêmes. Toute l’ambiguïté vient de ce que l’on projette dans cette terminologie : l’irruption des nouvelles technologies dans l’art a produit l’avènement d’un « art des nouveaux média(s) », à l’appellation aussi discutable qu’étonnante. Sont concernés a priori les arts usant de l’électronique (puis de l’informatique), d’Internet et des interfaces interactives, pour produire des œuvres d’un nouveau genre. S’il s’agit vraiment de l’art d’un seul nouveau médium — celui du numérique — pourquoi le qualifier d’un pluriel nébuleux (« les nouveaux médias ») ?

Pour John Barber cette « polysémie » résulte d’une multiplicité d’objets ou d’actes désignés qui varie, en plus, selon la source, le vecteur ou l’émetteur : un médium est un canal de production/transmission de contenu culturel et d’information. Au pluriel, nous pourrions parler de « médiums », mais on emploiera plus couramment le terme « média ». Ce passage au pluriel donne une tout autre ampleur à l’objet en question […] Pour les universitaires et les critiques culturels, le terme « médium », toujours pris comme substantif, pourrait encore signifier une prothèse, un appendice, une extension du sensorium humain comme dans la célèbre citation du théoricien de la communication Canadien Marshall McLuhan : « le médium est le massage [message] ». Il voulait signifier par là que la technologie façonne la sensibilité humaine. Pour les artistes, le nom « médium » peut aussi bien désigner un volume à la surface duquel ils peuvent concevoir, créer et critiquer l’autonomie et la pureté de l’art, que le matériau ou la forme d’une expression artistique. Si un artiste utilise plusieurs médiums en même temps, les oeuvres d’art qui en résultent sont dites « multimédia ».

Si, comme le souligne Pascal Krajewski, cette terminologie trouve son point de départ avec Clement Greenberg qui a popularisé l’idée de « médium » dans le champ de la critique d’art et plus globalement de l’esthétique en 1940, à ce modernisme auquel était appliqué cette formulation a succédé ensuite l’usage d’un « volapük » pétri de néologismes et d’anglicismes dont use et abuse le microcosme du monde numérique (artistes, journalistes, curateurs…). Sans parler, pour les francophones, de l’écueil d’une traduction littérale : une difficulté supplémentaire tient à l’importance et à la spécificité de la terminologie anglo-saxonne. Car l’anglais ne connaît que le couple medium/media (singulier/pluriel), pour évoquer tout ce qui touche à la transmission d’un contenu – de sorte que la télévision est un médium pour le locuteur anglais, tandis qu’elle est un média pour le locuteur français. L’emprise de l’anglo-saxon étant particulièrement prégnante dans les industries culturelles comme dans le numérique, l’incompatibilité terminologique entre notre approche et la leur sera particulièrement épineuse…

Pour élargir ce point de vue, certains intervenants remontent aux temps pré-numériques pour développer leurs analyses : Giuseppe Di Liberti esquisse une préhistoire du médium chez Diderot et Danielle Lories invoque Kant. Tandis que d’autres contributeurs s’appuient sur des pratiques plus contemporaines et diverses, et pas forcément hig-tech : le dessin pour Lucien Massaert, la BD pour Pascal Krajewski, le dessin animé pour Jean-Baptiste Massuet, la radio pour John Barber… Ou bien encore les fictions, Strange Days, la réalité virtuelle, les jeux vidéo et, plus surprenant, les collages audiovisuels des Residents ou d’EBN (Emergency Broadcast Network) pour Jay David Bolter et Richard Grusin qui développent la notion de remédiation : toute médiation est remédiation parce que chaque acte de médiation dépend d’autres actes de médiation. Continuellement, les média se commentent, se reproduisent, se remplacent entre eux, et ce processus est inhérent aux média.

Pour Lev Manovich, cette problématique s’enracine dans le « surgissement » de la technologisation de la culture. Dans le dernier tiers du XXe siècle, divers développements culturels et technologiques ont conjointement vidé de son sens l’un des concepts clés de l’art moderne – celui de médium. […] Une autre mutation du concept de médium est survenue lorsque de nouvelles formes culturelles fondées sur les technologies récentes ont progressivement pris place à côté de l’ancienne typologie des médiums artistiques. La bascule étant complète dès lors que les critères d’unicité et/ou de rareté, point aveugle d’une œuvre d’art, se sont retrouvés enchâssés dans un contexte technique autorisant la reproductibilité à l’infini. Lorsque les artistes commencèrent à utiliser les technologies des médias de masse pour faire de l’art, l’économie du système artistique leur prescrivait de créer des éditions limitées, mais en utilisant à présent des technologies conçues pour la reproduction de masse, et ce de façon tout à fait contradictoire (ainsi, en visitant un musée d’art contemporain, vous pouvez trouver des objets conceptuellement paradoxaux tels qu’une « cassette vidéo, éditée à 6 exemplaires » ou un « DVD, édité à 3 exemplaires »). Peu à peu, ces lignes de partage sociologiques entre les différents mécanismes de distribution, renforçant les autres fractures sociologiques déjà mentionnées, devinrent des critères prépondérants pour distinguer différents médiums, plus que les anciennes distinctions construites sur le matériau utilisé ou sur les conditions de réception. En bref, la sociologie et l’économie prirent le pas sur l’esthétique.

Pour Lev Manovich, ce ne sont là que quelques exemples des limites du concept traditionnel de médium dans notre culture post-numérique (ou post-Internet). Et pourtant, malgré l’insuffisance évidente de la notion de médium pour décrire les réalités culturelle et artistique contemporaines, celle-ci persiste. Pour contrer cette inertie conceptuelle, il souhaite jeter les bases d’un nouveau système théorique apte à remplacer le vieux discours des médiums en proposant une description plus adéquate de la culture postnumérique, post-Internet. La solution pour sortir de cette impasse sémantique c’est, peut-être, de remplacer la notion de médium par de nouveaux concepts issus de l’informatique et de la culture d’Internet. Ces concepts pouvant être utilisés à la fois littéralement (dans le cas effectif de la communication par ordinateur), mais aussi métaphoriquement, dans un sens élargi (dans le cadre de la culture pré-informatique).

Laurent Diouf

Art, Médium, Média, sous la direction de Pascal Krajewski (L’Harmattan / coll. Esthétiques, 2018)

> http://www.editions-harmattan.fr/

festival des arts multimédia

Le coup d’envoi de l’édition 2017 de Gamerz a été donné vendredi 3 novembre, avec l’inauguration de l’exposition phare du festival à la Fondation Vasarely. La thématique pour cette 13ème édition est axée autour de la part sombre, et parfois occulte, des nouvelles technologies. L’exposition se donnant pour objectif de mettre en avant des créations artistiques actuelles, dans lesquelles les artistes questionnent nos différents modes d’interactions avec les machines à travers le spectre de l’ésotérisme. Parmi les pièces proposées, nombreuses sont celles qui empruntent les codes d’un certain animisme-digital.

Parmi les œuvres exposées qui flirtent avec ce nouvel âge de l’ésotérisme, on retiendra notamment l’inventaire cartographique de Suzanne Treister qui retrace les nombreuses ramifications des différents mouvements et théories de la contre-culture; des anarcho-primitivismes au transhumanisme, de Thoreau à Adorno, du CLODO (Comité pour la liquidation ou la destruction des ordinateurs; actif sur Paris et Toulouse entre 1980 et 1983) à Unabomber. Intitulée Hexen 2.0, cette taxinomie illustrée par des arcanes du tarot au crayonné très riche pointe également les soubassements idéologiques, cryptiques et souvent délirants, du complexe militaro-industriel.

Suzanne Treister, Hexen 2.0. Photo: D.R.

Avec Alphaloop, retrouvant les utopies des 60s qui ont irriguées la Silicon Valley, Adelin Schweitzer « ré-enchante » l’usage du téléphone via une intervention immersive et déambulatoire où les participants munis de casque VR sont invités à se laisser guider par un shaman moderne et à appréhender le réel transfiguré comme sous l’effet de psychotropes… Présentée sous forme d’une restitution vidéo organisée à la manière d’un totem, avec encens, pentagrammes vidéographiques et devices obsolètes en offrandes, cette installation nous donnait aussi un aperçu de la première performance de ce type réalisée quelques semaines plus tôt.

Adelin Schweitzer, Alphaloop. Photo: D.R.

Inversement, avec Sketches towards an Earth Computer, Martin Howse propose, au sens strict, une œuvre en prise sur le terrain. Son installation est en fait une sorte une carte-mère de quelque mètres carrés qui utilise à la fois des éléments métalliques, électroniques et surtout organiques (terreau, champignons). Les réactions chimiques liées à ces composants, ainsi que les variations de lumières et d’humidité, génèrent des feedbacks qui opèrent comme un véritable code informatique « chtonien », évoluant au fil de ces paramètres.

Martin Howse , Sketches towards an Earth Computer. Photo: D.R.

Luce Moreau est également attachée à la terre, à la nature. Cette plasticienne travaille en « jouant » avec des insectes (des chenilles processionnaires qui tournent sans fin sur un anneau de Moebius). Et des abeilles auxquelles elle soumet des formes pour modeler les rayons de leurs ruches; reprenant par exemple l’ossature du fameux Phalanstère de Charles Fourier, qui se voit ainsi reproduit comme une maquette en cire d’abeille. Une démarche à mettre en perspective avec d’autres artistes et collectifs qui mettent également les abeilles a contribution en détournant leur construction à des fins artistiques comme le BULB (Brussels Urban Bee Laboratory), Ann Kristine Aanonsen, Sabino Guiso, Ren Ri, Stanislaw Brach…

Luce Moreau, Les Palais. Photo: D.R.

À l’opposé, Émilien Leroy focalise sur les friches industrielles du Nord de la France. Collection et accumulation de vieilles boîtes à outils métalliques colorées et de masques de soudure aux allures africaines : ses installations à la Arman témoignent de la mémoire sociale et ouvrière de L’Usine des Dunes près de Dunkerque. On le retrouve plus tard lors de la soirée d’ouverture, sous le pseudo de Feromil, affublé d’un vieux masque à gaz qui lui donne des allures d’alien ou de liquidateur de Tchernobyl, pour un set « electro-magnétique » plein de larsens et de sonorités abrasives générées par un détecteur de métaux.

Feromil. Photo: D.R.

Glitch, electronic-noise et cyber-breakbeats étaient également au programme de cette soirée qui s’est ouverte sur Attack me please at 2.432 GHz, la symphonie audiovisuelle pour lignes de code, bugs et hautes fréquences de Benjamin Cadon (par ailleurs directeur artistique de Labomedia). À la suite, avec son Radioscape, Nicolas Montgermont a balayé les ondes radio de 3GHz to 30kHz. Chaque bande de fréquences étant visualisée et signalée selon leurs utilisations (Marine, Satellite, TV, FM, etc.). Il est à noter que ce voyage dans le spectre sonore a aussi été matérialisé sur disque vinyle. En conclusion, le trop rare duo Servovale (Gregory Pignot & Alia Daval) avait ressorti leurs machines pour une performance A/V aux contours géométriques et aux rythmiques cinglantes baignant dans une ambiance post-industrielle.

Laurent Diouf

Gamerz, jusqu’au 12 novembre, Aix-en-Provence
> www.festival-gamerz.com

Kër Thiossane, villa pour l’art et le multimédia au Sénégal, se définit comme un espace culturel dédié à l’expérimentation artistique et sociale. En wolof, « kër » signifie la maison et « thiossane » la culture traditionnelle sénégalaise. Ce lieu de recherche, de résidence, de création et de formation encourage l’intégration du multimédia dans les pratiques artistiques et créatives traditionnelles, et soutient le croisement des disciplines.

Mosaïque alternative réalisée à Kër Thiossane. Par Mushana Ali et Kan-si, détail. 2012. Photo : © Antoine Louisgrand / Kër Thiossane.

Kër Thiossane a débuté ses activités à Dakar en 2002. En 2003, grâce au soutien de la fondation canadienne Daniel Langlois pour l’art, la science et les nouvelles technologies, l’association ouvre un espace public numérique afin d’offrir aux Sénégalais un lieu de partage et de réflexion autour de l’art et des technologies numériques, en proposant résidences, formations, rencontres et ateliers. Il s’agit du premier laboratoire pédagogique artistique et transdisciplinaire lié aux pratiques numériques et aux nouveaux outils de communication en Afrique de l’Ouest.

En 2008, est créée la première édition du festival Afropixel sur les logiciels libres liés aux pratiques citoyennes des pays du « Sud ». En 2012, la 3ème édition s’est déroulée autour des Biens Communs, abordés via l’angle des technologies numériques et de la création artistique en Afrique. Depuis ses débuts, Kër Thiossane développe les échanges et les collaborations avec des structures du continent africain et tisse aussi des liens avec d’autres continents, dans une perspective Sud-Sud.

Atelier Demodrama Faces réalisé avec l’Ambassade d’Espagne au Sénégal. 2011. Photo : © Kër Thiossane.

Ainsi sont mis en œuvre des projets internationaux de coopération, tels que Rose des Vents Numérique. Développé de 2010 à 2012, avec le soutien du fonds ACP Cultures de l’Union Européenne et de nombreux partenaires, ce projet a eu pour objectif de développer la coopération artistique numérique et partager des connaissances techniques, culturelles et artistiques, entre le Sénégal, le Mali, l’Afrique du Sud et les Caraïbes.

Mené en partenariat avec notamment le Collectif Yeta au Mali, Trinity Session en Afrique du Sud, l’OMDAC en Martinique, ou encore le CRAS (Centre de Ressources Art Sensitif, Mains d’Œuvres) en France, Rose des Vents Numérique s’est articulé autour de différentes actions phares : les festivals Afropixel (Dakar, mai 2010) et Pixelini (Bamako, octobre 2011); plusieurs formations autour des logiciels libres; six résidences croisées d’artistes d’Afrique et des Caraïbes; la participation au 8ème Forum des Arts Numériques de Martinique (OMDAC); et la création de Ci*Diguente.

Valise pédagogique développée à Kër Thiossane dans le cadre du projet Rose des Vents Numérique. 2010. Photo : © Kër Thiossane.

Car à l’issue de Rose des Vents Numérique, il était nécessaire de créer et entretenir un espace de partage et d’échanges entre les acteurs impliqués, afin de permettre à la dynamique de réseau mise en œuvre de perdurer et de s’élargir. Ainsi est née Ci*Diguente, en wolof « au milieu des choses », « dans un entre-deux », qui fait écho à cet espace de rencontre entre les continents, les disciplines et les savoirs. Cette plate-forme de ressources est principalement dédiée aux artistes et acteurs de l’art numérique en Afrique et Caraïbes, et est aussi ouverte à tous; les ressources sont librement disponibles dans le respect de la licence Creative Commons et chacun peut y proposer ses articles en créant son propre compte.

Marion Louisgrand, initiatrice de Kër Thiossane, ajoute: en Afrique, à l’exception de l’Afrique du Sud, la création numérique est un courant encore nouveau, où les manifestations et expositions qui y sont consacrées sont encore rares ; les structures et écoles susceptibles d’accompagner les artistes africains et capables d’accueillir des expositions sont peu nombreuses.

Si produire ou exposer les œuvres multimédias nécessite la mise en œuvre de moyens matériels pointus, et donc onéreux, Kër Thiossane et les acteurs de son réseau ont pris le parti de développer sur leurs territoires des projets privilégiant les « basses technologies », le « faites-le vous-même », mettant l’accent sur la relation entre création, recherche et espace public.

publié dans MCD #71, « Digitale Afrique », juin / août 2013

 

> www.ker-thiossane.org