juillet / septembre 2016

> Édito :

De l’illusion comme mode d’appréhension de la réalité

En jouant sur les multiples sens du mot « virtuel », nous avons pensé un temps faire un édito dans lequel chacun pourrait se projeter, s’immerger, tourner autour des mots, s’approprier les lignes de codes… La solution nous est apparue dans sa fausse évidence, genre blague potache : pour faire un édito virtuel, il ne fallait pas faire d’édito du tout. La page blanche. Sans angoisse…

Un moment d’absence dont nous sommes bien vite revenus, d’autant que le virtuel est souvent synonyme de présence ; fut-ce une présence immatérielle. Et la nature à horreur du vide, comme chacun sait. Et puis, il n’y a pas une réalité virtuelle, mais des réalités virtuelles. Des réalités augmentées, diminuées, altérées, alternées, mixtes ou non mixtes (mais toujours friendly…). Et puis le virtuel s’oppose à l’actuel, disent les deleuziens (à « l’étant » diraient les heiddeggeriens). Et puis ne dites plus « virtuel », dites « espace numérique partagé »… Et puis… Et puis…

On vit actuellement une sorte d’inflation du virtuel, rythmé par la sortie régulière de nouveaux casques et interfaces. Sans que l’on sache si cette bulle plus spéculative que technique, même si les avancées sont incontestables, débouchera sur un flop du genre télévision 3D ou, au contraire, ouvrira une nouvelle ère pour l’entertainment. Car c’est bien dans — ou plutôt, pour — ce domaine (les jeux vidéos, le cinéma) que « la machine de vision » a été relancée par les multinationales sous l’œil attentif des militaires toujours avides d’innovations. Y aura-t-il de la VR à Noël se demande la ménagère… ? Oui répondent Sony et Microsoft. Mais ce sera peut-être la libido exacerbée des geeks qui permettra de mieux pénétrer le marché, un peu comme le X pour la vidéo naguère. À suivre… En attendant, ce qui nous intéresse ce n’est pas tant le high-tech, que l’imaginaire, l’esthétique et la philosophie du virtuel.

Les philosophes réfléchissent déjà depuis plus de vingt ans sur le sujet — Philippe Quéau, Le Virtuel : vertus et vertiges (1993) ; Howard Rheingold, La réalité virtuelle (1993), à qui nous empruntons le titre de cet édito ; Pierre Lévy, Qu’est-ce que le virtuel ? (1995) ; etc. Des décennies plus tôt, ce sont les auteurs de science-fiction qui ont ouvert les portes de cette nouvelle perception du réel. Un des précurseurs étant Daniel Galouye avec Simulacron 3 (1964). Suivra plus tard Philip K. Dick. Et ce n’est pas un hasard si l’on retrouve son « avatar robotique » dans un des premiers vrais films de fiction en VR (I, Philip de Pierre Zandrowicz (2015). Viendra ensuite un autre grand précurseur, Neal Stephenson (Le Samouraï Virtuel, 1991). C’est du côté de la SF que l’on trouvera la meilleure définition de la réalité virtuelle. Et une mise en perspective. Gérard Klein dans une préface dont il a le secret, rappelle que la VR s’inscrit dans le droit fil de la simulation du réel (la mimesis) ou de l’invention de mondes inactuels qui semblent toujours avoir occupé l’espèce humaine.

Pour autant, même si ce qui est éprouvé par l’observateur comme une réalité, visible, audible, éventuellement tangible, demeure virtuel en ce sens qu’il ne s’agit que du résultat d’une considérable masse de calculs définissant des points dans un espace vectoriel (toujours pour citer Gérard Klein), il suffit d’avoir mis une fois un casque pour comprendre que l’impact de la VR sera au moins aussi grand que celui d’Internet. Il suffit d’avoir été une fois de l’autre côté du miroir comme Alice pour mesurer ce qui se préfigure avec la réalité virtuelle ; même si les technologies actuelles sont encore bien rudimentaires pour prétendre redéfinir notre rapport au réel. En attendant les promesses d’une nouvelle aube numérique, des projets comme l’UVS (Université Virtuelle du Sénégal) reconduisent les attentes des fausses parousies technologiques du siècle dernier (radio puis télé éducative)…

Mais bientôt nous pourrons vraiment prendre nos désirs pour la réalité. D’ailleurs, on peut déjà manifester dans le virtuel sans risquer de perdre un œil dans le cortège de tête… Demain, après-demain, nous pourrons voler comme un oiseau (simulateur Birdly, université de Zürich). Nous pourrons combiner empathie (Facebook) et ubiquité (Oculus)… Nous pourrons mieux vivre le réel en l’expérimentant dans le virtuel. Nous pourrons vivre d’autres réalités dans l’irréalité. Nous pourrons aussi transgresser sans risque. Un député britannique conservateur, forcément conservateur, mais joueur frénétique de World Of Warcraft proposait de punir les cybercriminels qui s’amusent à voler des armures, et autres artefacts du jeu, avec autant de sévérité que dans la vie réelle… Que dire des actes plus délictueux ? Quelle morale dans le virtuel ? Quelle éthique si Nicomaque n’est plus qu’un avatar ?

À bientôt dans le virtuel…

Laurent Diouf — Rédacteur en chef

> Sommaire :
Univers immersifs / Environnement augmentés / Expérience cyberesthétiques / Mondes parallèles / Présence immatérielles / Imaginaires chimériques…

> Les contributeurs de ce numéro :
Adrien Cornelissen, Audrey Bauer, David Morin Ulmann, Dominique Moulon, Guillaume Bourgois, Jean Paul Fourmentraux, Laura Mannelli, Laurent Catala, Laurent Diouf, Maxence Grugier, Nicolas Barrial, Sarah Taurinya, Thomas Michaud…

> Remerciements :
MCD remercie les rédacteurs de ce numéro réalisé en partenariat et avec le soutien de l’Institut français.

mars / mai 2016

> Édito :

La carpe et le lapin…

La première réaction qui nous vient a l’évocation d’un rapprochement entre l’art et la science est celle de l’étonnement. Il y a ainsi des catégories qui semblent figées, assignées à une place immuable. Une assignation à résidence — la raison « pure » d’un côté, la raison « esthétique » de l’autre — qui empêche toutes passerelles et tout échange. A priori, c’est un mariage improbable, si ce n’est contradictoire. La carpe et le lapin, donc…

Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. Avant d’être mis en opposition, l’art et la science se sont parfois confondus. Le symbole absolu de l’artiste « sapiens » restant Leonard de Vinci. La Renaissance apparaît sur ce plan très éclairée. Paradoxalement, ce sont les Lumières qui ont (re)plongé la conjonction art / science dans l’obscurité. En devenant « moderne », la science s’écarte de l’art, tout comme la philosophie finit par s’affranchir du religieux.

Il faudra attendre le XXe siècle pour voir à nouveau un rapprochement entre art et science, mais selon des modalités différentes. Plus de génie universel comme au XVe siècle, mais des artistes qui se tournent vers l’optique, la mécanique, l’acoustique… En ce début XXIe siècle, l’informatique, le numérique, nourrissent les œuvres des plasticiens. Question de contexte.

Entre recherche et ingénierie, l’art « enrichi » par la technoscience opère ainsi une sorte de retour à la tekhné. Mais cette « nouvelle alliance » art / science ne saurait pour autant se limiter à des questions pratiques, de techniques et de supports, ou de mise en scène des nouvelles technologies.

Les multiples ateliers et rencontres « art / science » consacrent finalement moins les œuvres en elles-mêmes que les collaborations pour elles-mêmes. Il y a là, un enrichissement mutuel qui ouvre d’autres horizons, pour l’artiste comme pour le scientifique; comme l’indiquent les contributions rassemblées par Annick Bureaud, rédactrice invitée pour notre dossier thématique.

Ce rapprochement entre art et science ouvre les frontières de l’imagination pour la recherche scientifique et artistique. De cet entrecroisement naissent, par exemple, des chorégraphies hybrides, des innovations scénographiques, des installations astronomiques, des utopies biologiques et des créations chimériques : le poisson rougeoyant de Brandon Ballengée, Ti-tânes, et le fameux civet vert fluo d’Eduardo Kac, Alba (une lapine, en fait, ce qui assure une équité, terme que l’on préfèrera à diversité). La carpe et le lapin. Ad lib.

Laurent Diouf — Rédacteur en chef

> Sommaire :
Expériences artistiques / Fictions scientifiques / Chorégraphies hybrides / Innovations scénographiques, Installations astronomiques, Utopies biologiques / Créations chimériques…

> Les contributeurs de ce numéro :
Adrien Cornelissen, Anne Quentin, Annick Bureaud, Christian de Lutz, Clarisse Bardiot, Dominique Moulon, Ewen Chardronnet, Jareh Das, Jean Marc Chomaz, Gaspard Bébié-Valérian, Laurent Catala, Laurent Diouf, Manuela de Barros, Marianne Cloutier, Marcus Neustetter, Maxence Grugier, Meredith Tromble, Mónica Bello, Paul Prudence, Pier Luigi Capucci, Regine Rapp, Valérie Pihet…

> Remerciements :
MCD remercie particulièrement Annick Bureaud, Rédactrice en chef invitée (dossier thématique), ainsi que tous les rédacteurs qui ont contribué à ce numéro réalisé avec le soutien du Ministère de la Culture et de la Communication.

quand les objets prennent vie
décembre 2015/ janvier 2016

> Hors-Série réalisé pour l’exposition internationale d’art contemporain numérique au Cent-Quatre Paris, avec Arcadi Île-de-France, dans le cadre de Némo, Biennale internationale des arts numérique

> Édito :

Prosopopées : Figure de style et substantif féminin / Figure rhétorique qui consiste à faire s’exprimer un protagoniste absent, ou dénué de parole (un mort, un animal, une chose personnifiée, une abstraction).

Forte de son intitulé – qui ne vaut que pour l’impensé qu’elle révèle en creux ou qu’elle assume en plein – l’exposition Prosopopées anime et fait parler « les protagonistes absents » : la technologie reconnaît sa filiation avec la « magie » ; les « choses » se rebellent et s’animent ; et nous voilà nous, anciennement « maîtres et possesseurs de la nature », portés par ce joyeux chamboulement, invités à admettre poétiquement notre angle mort : un animisme new-age et un besoin irréductible d’enchanter l’inanimé.

Science-fiction et poésie, robotique et poïétique, objets ré-enchantés et machines dérangeantes…
Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie, Arthur Clarke (1)
Effectivement : le téléphone – encore inconscient par la force des choses de son devenir Smartphone – n’a jamais fait que prolonger et réaliser le fantasme occultiste de la télépathie.

Et que dire maintenant des drones et de l’étrangeté de leurs « images de nulle part » ?
Les spiritistes n’auraient pas été pris au dépourvu, nous si.
« Méfions-nous dans notre suffisance numérique de ne pas être pré-surréalistes » nous chuchote Prosopopées…

Prosopopées nous présente des objets qui ont une drôle de « présence ». Tantôt moqueuse, tantôt inquiétante — mais étrangement refuznik à l’ordre de la matérialité inanimée.
Par un étrange « retour numérique du refoulé », les objets connectés se déconnectent, la lumière devient synesthésique, les séismes perturbent les datas, les machines agissent les humains et les robots nous regardent de haut….
Une rébellion poétique, symbolique et salutaire contre le sujet cartésien, déjà mort mais jamais achevé, qui a cru trop vite réduire les choses au silence…

Guillaume Renoud-Grappin — Directeur Les Ekluz / MCD

(1) Troisième loi d’Arthur C. Clarke in Manuella de Barros, Magie et technologie (Éditions Supernova, 2015).

> Sommaire :
Art numérique / Objets déconnectés / Robots hostiles / Art cinétique / Art & Science…

> Les contributeurs de ce numéro :
Adrien Cornelissen, Dominique Moulon, Laurent Catala, Laurent Diouf, Maxence Grugier…

> Remerciements :
L’équipe de MCD remercie le CentQuatre-Paris et Arcadi Île-de-France de leur confiance.

> Téléchargez gratuitement ce hors-série, cliquez ici

décembre 2015 / février 2016

 
> Édito :

Photos de famille

Petite pause dans notre longue série de dossiers thématiques avec cette collection de portraits d’artistes, de commissaires d’expositions, de directeurs de festivals et de galeries, de critiques d’art et de théoriciens des médias…

Un numéro à la fois singulier et pluriel, qui nous permet de revenir sur les multiples processus de création à l’ère du numérique.

Un panorama pour prendre du recul sur l’actualité et remettre en perspectives des pratiques, des interrogations et des passions liées aux nouvelles formes d’art de notre début de siècle mouvementé.

Une 80e édition pour le souvenir, avec quelques articles inédits et beaucoup d’archives exhumées des limbes du web qui (re)deviennent ainsi pérennes sur papier…

Laurent Diouf — Rédacteur en chef

> Sommaire :
Artistes / Commissaires d’expositions / Directeurs de festivals / Critiques d’art / Théoriciens des médias / Directeurs de galeries…

> Les contributeurs de ce numéro :
Dominique Moulon, Laurent Catala, Laurent Diouf, Maxence Grugier…

septembre / novembre 2015

> Édito :

Le rayon vert

Réchauffement climatique, disparition des espèces animales, épuisement des ressources naturelles… Le changement, c’est maintenant… L’apocalypse, aussi. Les scénarios qui se profilent sont dignes des meilleurs romans de science-fiction. Nous vivons une dystopie au quotidien, guettant l’indice de qualité de l’air, la montée des eaux, la fin du pétrole…

Les mauvais augures du mouvement écologiste des années 70s sont désormais une réalité en marche. Et la montée en puissance du green business, avatar opportuniste de la loi du marché, n’inverse pas la tendance. Pire, certains aspects de la gestion du recyclage, par exemple, sont loin d’être « équitables » et reconduisent les inégalités sociales; révèlant un « racisme environnemental » pour reprendre la formule de Razmig Keucheyan.

Difficile d’être optimiste au vu des catastrophes qui s’annoncent. Rien ne semble freiner cette « grande accélération ». Dans l’absolu, cette fin des temps de l’énergie fossile sera plus radicale qu’un holocauste nucléaire. Et pourtant, l’atome n’était pas mal dans le genre, générant paradoxalement des victimes qui n’étaient pas encore nées au moment de l’explosion des bombes ou des centrales… De fait, on comprend mieux le sens du mot « écocide »…

À ce barbarisme désignant le « suicide écologique » de l’humanité actuellement en cours fait écho le néologisme « anthropocène » qui désigne l’impact de l’activité humaine rapportée à l’échelle géologique. Une notion partagée par Ewen Chardronnet, rédacteur invité de notre dossier thématique, qui nous propose de « nouveaux récits du climat ». De nouvelles hypothèses, un regard différent où se mêlent des interrogations sur des « prototypes de science ouverte », sur la « tangibilité des désastres », sur des pratiques artistiques engagées et autres perspectives décentrées pour pallier la « sixième extinction ».

Des pistes — on n’ose pas dire des solutions, tant les pesanteurs politiques, techniques et psychologiques restent malheureusement sur-plombantes — où l’on espère que la science, et l’art comme facteur de prise de conscience, pourront contrer L’Empire qui mène « le troupeau aveugle » de l’humanité à sa perte. Pour mémoire, 43 ans avant la Cop21, le Club de Rome pointait déjà les limites de la croissance, la dégradation d’environnement lié à l’industrialisation et la surconsommation. Néanmoins, il reste une lueur d’espoir, verte évidemment, sur cet « horizon négatif ».

Laurent Diouf — Rédacteur en chef

> Sommaire :
Anthropocène / Transition écologique / Imaginaire & Biodiversité / Technologies & Géopolitique / Design & Hacktivisme / Art dystopique / Nouvelles alliances /

> Les contributeurs de ce numéro :
Adrien Cornelissen, Alexandra Daisy Ginsberg, Benjamin Hochart, Bureau d’Études, Christophe Bonneuil, Clémence Seurat, Denisa Kera, Dominique Moulon, Donna Haraway, Ewen Chardronnet, Jean-Marc Chomaz, Jean-Paul Fourmentraux, John Jordan, Julien Bellanger, Laurent Buffet, Laurent Catala, Laurent Diouf, Marko Peljhan, Maxence Grugier, McKenzie Wark, Michèle Martel, Rasa Smite & Raitis Smits.

> Remerciements :
MCD remercie particulièrement Ewen Chardronnet, Rédacteur en chef invité (dossier thématique), ainsi que tous les rédacteurs qui ont contribué à ce numéro.

juin / août 2015

> Édito :

Objet Volant Non Identifiable

L’année du drone… Survols concertés des centrales nucléaires françaises. Projets improbables de livraison à domicile. Jouets pour adultes redécouvrant les joies de la radio-commande. Prise de vues contrevenant aux « 10 commandements du drone » récemment édictés par la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile). Guerre invisible et assassinats pas toujours ciblés aux confins du Moyen-Orient… 2015 restera marquée ces « drôles » d’engins qui vrombissent au-dessus de nos têtes. Une menace qui est loin d’être fantôme et contre laquelle il faudra peut-être se résoudre à porter les vêtements anti-détection créés par Adam Harvey pour y échapper.

Le paradoxe du drone… Pour certains talibans, les Américains se déshonorent en ne leur envoyant pas de vrais combattants, en chair et en os. Une critique qui rejoint celles de certains « vétérans » de l’armée américaine qui se sont indignés que les opérateurs qui pilotent confortablement et à très très bonne distance (10000 km) le bien nommé drone Predator puissent être, eux aussi, décorés pour leurs faits d’armes comme s’ils étaient présents physiquement sur le théâtre des opérations… Dieu que la guerre était jolie avant l’arrivée des robots… Cette anecdote est riche en (r)enseignements sur la nature et la réalité de cette nouvelle façon de faire la guerre, de pratiquer une « chasse à l’homme » en toute impunité et avec ubiquité.

L’art du drone… Comment de tels engins de mort peuvent-ils devenir objets d’art ? La réponse tient peut-être en une scène du film Interstellar. Une séquence que l’on peut considérer comme un petit apologue audio-visuel. Celle où le drone indien est apprivoisé comme un oiseau, pour le ramener sur terre… et lui donner « un usage socialement responsable ». On pourrait ajouter, un « usage artistiquement compatible »… Et à la suite de Grégoire Chamayou, invoquer Walter Benjamin pour qui la technique, aujourd’hui asservie à des fins mortifères, peut retrouver ses potentialités émancipatrices en renouant avec l’aspiration ludique et esthétique qui l’anime secrètement (p., 116, Théorie du drone, La Fabrique, 2013).

Girls drone… Changer d‘intention envers les drones en démilitarisant notre regard. Remettre de l’art dans la guerre, de l’humain à l’écran, du désir dans la machine, de l’animal sur la photographie… C’est exactement ce que nous invite à faire Agnès de Cayeux et Marie Lechner; rédactrices invitées à qui MCD a proposé d’explorer cette thématique. En observant les usages du drone dans une perspective historique, sociologique et artistique, elles nous en proposent une lecture plus ouverte, moins « virile ». Rappelons que l’acronyme des militaires pour désigner les drones à long rayon d’action n’est autre que MALE (i.e. Moyenne Altitude, Longue Endurance)…

Drone d’histoire… Nous reprenons également de la hauteur, de la distance, du champ. Dans ce numéro comme dans les suivants, hors dossier thématique, nous focalisons de nouveau notre regard sur l’actualité de l’art numérique, de la culture digitale et des musiques électroniques. Portraits, comptes-rendus d’événements, analyses transversales, chroniques… Autant de retours d’expérience et de lignes de front qui enrichissent cette nouvelle formule de MCD. Bon (sur)vol…

Laurent Diouf — Rédacteur en chef

> Sommaire :
Dramaturgie aérienne / Survol artistique / Surveillance scopique / Oiseau bionique / Fantômes aéronautiques / Guerre asymétrique

> Les contributeurs de ce numéro :
Adrien Cornelissen, Anne Zeitz, Carine Claude, Chris Marker, Dominique Moulon, Dorothée Smith, Gaspard Bébié-Valérian, Guillaume Bourgois, Hortense Gauthier, Jean-Philippe Renoult, Julie Valéro, Laurent Catala, Laurent Diouf, Maëlla-Mickaëlle Maréchal, Marie Lechner, Maxence Grugier, Philippe di Folco, Rocco, Sarah Taurinya, Svea Bräunert…

> Remerciements :
MCD remercie particulièrement Agnès de Cayeux & Marie Lechner, Rédactrices en chef invitées (dossier thématique) ainsi que tous les rédacteurs qui ont contribué à ce numéro.

MCD remercie également le Ministère de la Culture et de la Communication pour son soutien à cette publication et en particulier Jean-Christophe Théobalt, Chargé de mission numérique.

hors-série / avril 2015

> Éditorial :

Cette publication doit son origine à l’équipe de Siana venant à la rencontre de MCD pendant l’ouverture de la Digital Week pour nous faire part du souhait de fêter leurs 10 ans.

Dix ans de programmation artistique, de réflexion thématique et de partage des savoirs et des pratiques émergentes de la culture numérique! Une décennie à explorer l’imaginaire des technologies… Et au fil de ses 10 ans, Siana a donné naissance à une jolie chimère qui embrasse la culture numérique en mouvement, en croisant les temps de réflexion critique, de création artistique et d’action d’éducation populaire.

L’originalité et la couleur particulière de cette aventure reposent sur son désir fondateur, né autour d’une école d’ingénieurs et de managers en TIC, de construire un espace d’échanges et de production entre artistes, chercheurs et ingénieurs. De susciter des rencontres entre des logiques et des intuitions parfois contraires, souvent opposées, et qui ont pourtant tant à échanger. D’attirer l’attention du public sur les nouveaux espaces de mobilités et de glocalités ouverts par les arts numériques et alternatifs; pour reprendre le questionnement posé lors de la biennale Siana 2007.

Cette invitation au décloisonnement des savoirs et des savoirs-faire — peu commune et loin des procès croisés en sorcellerie et en légitimité qui ont longtemps présidé aux relations entre les différentes disciplines — est l’expression de l’articulation singulière que Siana a tissée entre l’artistique et la recherche. Un lien poussé jusqu’à la création de plusieurs UV et UEL (Unité d’Enseignement Libre) Arts et Culture Numériques au sein de la Faculté d’Évry et des grandes écoles d’ingénieurs, ainsi qu’un programme d’Éducation Populaire Numérique. Lien qui fait aujourd’hui encore l’originalité du festival dans le paysage français des événements liés à cette culture du numérique.

Au regard de ce parcours, les affinités d’intention entre MCD et Siana sont par ailleurs évidentes : une sensibilité commune de la première heure — empathique, mais critique — aux cultures numériques émergentes, ainsi qu’une même confiance placée dans les artistes pour l’invention de nouveaux langages et leurs capacités à provoquer des décloisonnements inédits… Graffiti Research Lab France, Samuel Bianchini, Jean-Jacques Birgé, Gregory Chatonsky, Ez3kiel, Fred Forest, Art Zoyd, Tomek Jarolim, AntiVJ, Murcof, Christophe Bruno, Jacques Perconte, Nicolas Rasamimanana, Olivier Ratsi, Antoine Schmitt, Adelin Schweitzer, Valère Terrier, Flavien Théry, Haythem Zakaria, Ezra… Et bien d’autres. Beaucoup d’autres…

La liste des artistes invités au fil des années à Évry témoigne de la diversité des pratiques et des supports. Des intentions aussi. De la création surtout. Et bien sûr de la qualité et de la justesse des choix opérés par l’équipe du festival année après année. Choix renouvelés au travers de cette édition anniversaire qui met en jeu la relation homme-machine, l’image numérique et l’urbanisme, le langage musical et celui du corps, la vidéo et les horizons matriciels… Un programme qui réitère évidemment l’exigence fondatrice du festival: questionner sans relâche les représentations et le sens des nouvelles technologies.

Par ce numéro réalisé en collaboration entre nos deux équipes, MCD est heureux de fêter les 10 ans de Siana !

Guillaume Renoud-Grappin – Directeur associé / MCD – Les Ekluz
Laurent Diouf – Rédacteur en chef / MCD

 

mars / mai 2015

> Édito :

Puisqu’il paraît que la politique est un art, intéressons-nous à la politique de l’art.

Ou plutôt aux rapports troubles entre l’art et la politique, le politique, les politiques… En d’autres termes, aux intentions et implications des artistes dans le champ social. Une implication qui se fait parfois au plus près de la vie quotidienne, avec une abnégation d’établi, ou au contraire, en se situant au-delà des radars, dans les limbes de réflexions abstraites; ou bien encore en maniant protestation symbolique et détournement ludique, en combinant des expériences esthétiques à des logiques technologiques, en mêlant histoire personnelle et collective…

En ce début de siècle numérique, où les seules idéologies qui perdurent sont mortifères, comment ne pas re-poser le questionnement sur l’art engagé. Difficile cependant de ne pas mesurer cette interrogation à l’aune des flamboyantes années 70s porteuses d’un militantisme échevelé où tout semblait encore possible, puis aux années 80s, fossoyeuses des utopies collectives au « profit » d’un individualisme et d’un matérialisme de plomb. Pour autant, après ce « grand cauchemar », on a vu se profiler « un nouvel art de militer », avec des modalités d’actions plus directes, plus ludiques et plus artistiques.

Même si « nos amis » ne désespèrent pas, finalement, aujourd’hui, la seule révolution en acte c’est la « révolution électronique ». Pour le reste, pour tout le reste, nous sommes passés de l’offensive à la défensive. Nous défendons des acquis, des droits, des zones… Certes, la politique est toujours une guerre, sociale, en l’occurrence, mais le combat se fait de moins en moins frontalement. C’est une guerre en mouvement, une guerre des flux. Le théâtre des opérations s’est déplacé, prolongé, dans le virtuel, entre simulacre et réalité parfois. À l’image de notre monde technicisé. La politique — polis (cité) et technê (science) — n’a jamais si bien porté son nom.

La « constellation » des analyses et portraits proposés dans ce numéro témoigne de cette « transfiguration du politique ». Et l’on constate qu’à la fameuse question de la deuxième moitié du 20ème siècle — comment faire de la poésie après les mille soleils d’Hiroshima et la nuit des camps ? — se superposent désormais des questions d’ordre tactique — comment exister et créer dans un monde numérisé ? —, s’élaborent des stratégies de résistance face au Léviathan électronique qui étend sa surveillance, son « hyper-contrôle », sur l’ensemble de la société. De ce point de vue, l’artiste n’est vraiment qu’un citoyen comme un autre…

Laurent Diouf — Rédacteur en chef

> Sommaire :
Politique de l’art / Révolution électronique / Militance poétique / Activisme artistique / Stratégies esthétiques / Hypercontrôle numérique / Crise économique / Résistance critique

> Les contributeurs de ce numéro :
Ariel Kyrou, Bernard Stiegler, Christophe Bruno, Colette Tron, Emmanuel Guez, Jean-Paul Fourmentraux, Jean-Yves Leloup, Laurent Catala, Laurent Diouf, Marie Gayet, Marie Lechner, Maxence Grugier, Serge Hofman, Stephen Kovats…

 

 

décembre 2014 / février 2015

> Éditorial :

Les Faux-Monnayeurs
Notre rapport à l’argent reste complexe, pour ne pas dire plus… En tout cas de ce côté de l’Atlantique où nous conservons une sorte de pudeur aristocratique quand il s’agit de parler de nos revenus; que l’on soit salarié ou héritier (que le fantôme de Bourdieu sorte aussi de cet édito…).

Par contre, obéissant à la loi d’attraction / répulsion, l’argent est une puissante source de motivation et d’inspiration. Comme le sexe (au hasard), aucun tabou sur le plan de sa représentation et ré-interprétation artistique. Et la crise — en admettant que ce soit bien une crise et non un élément structurel de notre modèle économique — semble aiguillonner l’imagination des artistes.

Comme nous le montre le panorama des initiatives rassemblées par Shu Lea Cheang (rédactrice en chef invitée sur ce numéro), avec les conseils avisés d’Annick Rivoire (poptronics.fr), l’argent n’échappe pas à « la grande transformation » induite par le numérique : dématérialisation, mise en réseau, transparence, ouverture, etc. L’exact opposé de la verticalité et opacité des structures financières qui n’en finissent pas de s’effondrer sous nos yeux…

À l’heure des transactions électroniques, de la célérité des flux monétaires et de l’ubiquité des plateformes bancaires, l’homme semble hors-boucle de cette machine infernale qui génère des krachs 2.0. En parallèle, on assiste donc à l’émergence des premières monnaies virtuelles. Sans que cela soit pour autant la naissance d’une contre-utopie financière à échelle humaine.

Comme le soulignent certains intervenants, on y retrouve, bien au contraire, cupidité, spéculation, exploitation… Avec des symboles qui nous renvoient presque à l’âge des cavernes : l’analogie entre les mines d’or et le « minage » des bitcoins est saisissant. Aucun doute, ces monnaies dites virtuelles ne seront pas l’occasion de renouer avec la nostalgie des origines : celle du troc et du don, l’anti-thèse absolue de l’argent.

Il est d’ailleurs assez troublant de constater à quel point les pièces de monnaies tout comme les « fauxbillets » émis par des collectifs artistiques ou politiques ressemblent esthétiquement aux devises étatiques et reconduisent le grand jeu entre les libertariens et les libéraux… Ce qui est rassurant, c’est de savoir que les frères de la côte et les travailleurs de la nuit s’occupent régulièrement de leurs tirelires cryptées…

Reste que les alternatives monétaires proposées par les artistes et activistes traduisent des rêves d’affranchissement économique, indiquent d’autres pistes possibles bien qu’incertaines, symbolisent le potentiel apporté par les nouvelles technologies, et obligent néanmoins à repenser des circuits de distribution. En ces temps de disette, matérielle et intellectuelle, c’est déjà beaucoup.

Laurent Diouf – Rédacteur en chef

> Sommaire :
AglioMania : une nouvelle monnaie d’échange
L’argent, l’art et le gibling
Révolution en cours à Lewes, la ville adoptive de Thomas Paine
L’argent n’a pas d’odeur
Quand les artistes banquiers changent l’argent en art
Usages mineurs de l’argent
L’art réécrit l’histoire de l’argent
L’Afro fait circuler l’espoir de l’Afrique
Activisme culturel en Espagne face à la crise
Notre-Dame-des-Landes : omnia sunt communia
Leçons de désobéissance fiscale avec Nuría Güell
L’art en tant que commerce / Le commerce en tant qu’art
Les banques du temps
Survivre à l’argent
Bureau dÉtudes
Olga Kisseleva
Économie solidaire de l’art
Albertine Meunier
L’argent du silicium
La banque en réseau, ou l’émergence des économies de plateforme
Bitcoin, la fin du tabou de l’argent
Le bitcoin, reflet de la communauté matérielle humaine d’Internet
Au delà du bitcoin
Une année en bitcoin
Pourquoi j’adhère au culte du dogecoin
Quantitative easing : collecte et redistribution
L’équation de la Monnaie du Monde (W)
(Un) Manifeste pour une alternative monétaire P2P
L’art zéro euro
Économie 0
Imaginez le futur de l’argent

> Remerciements :
MCD remercie tout particulièrement Shu Lea Cheang (rédactrice en chef invitée sur ce numéro), Annick Rivoire et tous les rédacteurs et traducteurs qui ont participé à l’élaboration de ce numéro.

> English Version / Version Anglaise

septembre / novembre 2014


> Édito :

Retour Vers Le Futur

Nos premiers ordinateurs sont désormais au musée. Et nous sommes effarés par les faibles capacités de ces machines, avec leurs écrans cathodiques noir et vert, qui ont symbolisé le futur immédiat dans les années 80/90. Comparées à nos smartphones à écrans tactiles, leurs possibilités techniques et créatrices nous semblent bien dérisoires. Il en sera de même pour tous les artefacts électroniques de ce début du XXIème siècle. Et après, également. C’est une histoire sans fin qui ne fait que commencer.

C’est pour cela qu’il est temps de regarder en arrière. De contempler ces machines reléguées dans les oubliettes du passé qui ont permis à des pionniers, mi-artistes mi-techniciens, de défricher de nouvelles formes d’expression, de création. De faire en sorte que leurs réalisations demeurent visibles, perceptibles, au-delà des contraintes techniques, malgré le fait que leur environnement technologique soit en voie de disparition.

Faire en sorte que cette mémoire encore un peu vive ne devienne pas une mémoire morte… C’est à ce travail de mémoire — mémoire technique et mémoire artistique — que nous convie Emmanuel Guez, rédacteur en chef invité avec l’École Supérieure d’Art d’Avignon, au travers de ce numéro.

Un travail d’archéologie car il s’agit bien de mettre au jour, en lumière, des protocoles Internet oubliés, de l’électronique ancienne, des vieux pixels aux couleurs incertaines, etc., à une époque où l’on ne cesse de mettre à jour, dans l’urgence renouvelée, des logiciels pour des appareils à l’obsolescence programmée. Un travail de conservation pour éviter que l’art numérique ne se « fossilise » comme la fameuse et énigmatique pile électrique de Bagdad…

Un travail de passeur pour éviter que nos machines et nos créations ne deviennent incompréhensibles aux générations à venir; à l’image récente de ces enfants et adolescents « 2.0 » complètement déroutés par l’utilisation d’un walkman ayant appartenu à leurs parents… Ce qui relative par ailleurs la portée du design appliqué et/ou des fonctions supposées intuitives. Mais c’est une autre histoire…

Laurent Diouf – Rédacteur en chef

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Archéologie / Recyclage / Vintage
Exposition / Médiation / Écosystème
Conservation / Préservation / Ingénierie

> Remerciements
MCD remercie tout particulièrement Emmanuel Guez et les étudiants de l’École Supérieure d’Art d’Avignon qui ont participé à la rédaction de ce numéro.