le meilleur du cinéma immersif

La Société des Arts Technologiques (SAT) de Montréal présente la nouvelle édition du SAT Fest. Depuis sa première édition en 2012, le SAT Fest est devenu un rendez-vous incontournable du cinéma immersif, offrant une grande place à l’expérimentation et la créativité artistique. Avec ses sélections éclectiques de courts métrages spécialement conçus pour les dômes, le SAT Fest a nourri l’imagination de milliers de spectateurs et mis en lumière l’univers et la vision créative de plus d’une centaine d’artistes, visuels et sonores, locaux et internationaux.

Pour fêter les 10 ans de la Satosphère, son iconique dôme immersif à 360 degrés, la Société des arts technologiques réinvente le SAT Fest afin de vous offrir une nouvelle formule avec une programmation enrichie. Lors de cette édition exceptionnelle, plus de 40 courts métrages immersifs sélectionnés suite à un appel à participation international seront présentés. Plusieurs invité·e·s se joindront à l’événement pour l’occasion. Un jury constitué d’artistes et de spécialistes de l’immersion décernera plusieurs prix pour les meilleurs films. Un prix du public sera également remis, qui vous permettra de voter pour vos films préférés.

Avec son dôme de 13 métres de hauteur, ses 8 projecteurs vidéo et ses 157 haut-parleurs, la Satosphère place le public au cœur de l’expérience audiovisuelle. La SAT a inauguré la Satosphère en 2011. Premier théâtre immersif dédié à la création artistique et aux activités de visualisation, la Satosphère forme un écran de projection sphérique qui invite à l’exploration de nouveaux territoires conceptuels et sensoriels.

> du 08 au 12 mars, SAT, Montréal (Québec / Montréal)
> https://satfest.sat.qc.ca/

Cinéma & effets spéciaux

Maquettes, objets et costumes échappés de films cultes de science-fiction… On imagine l’émerveillement qui saisit les geeks et les enfants lorsqu’ils découvrent l’exposition Interstellaire au Centre des Arts d’Enghien-les-Bains. 2001 L’Odyssée de l’espace, Starship Troopers, Alien La Resurrection, Rencontres du troisième type, Independance Day, Mars Attack!… Au travers de tous ces artefacts, l’univers du space opera est enfin à portée de main du commun des mortels. Des vaisseaux, casques, combinaisons, armes et quelques compagnons de route des voyageurs intergalactiques sont là, devant nous, en « vrai »…

Mais on aurait tort de restreindre cette exposition à un public ciblé. Ces « reliques » sont de vraies pièces de musée : planifiée jusqu’au début avril, Interstellaire est présentée en collaboration avec le Musée du Cinéma de Lyon. Expert en la matière, le journaliste et documentariste, Alexandre Poncet, en est le co-commissaire avec le CDA. Au-delà de l’événement que constitue une telle « monstration », cette manifestation a aussi pour but de sensibiliser aux métiers de l’ombre du 7e art, dont le rôle est essentiel, en particulier dans les films de science-fiction du pré-numérique, pour que les mondes imaginaires des scénaristes passent dans le réel, soient crédibles (costumiers, prothésistes, concepteurs d’animatroniques, etc.).

Les combinaisons des cosmonautes de ces futurs antérieurs sont plus vraies que nature. On pourrait penser qu’elles ont vraiment été utilisées à l’âge d’or de la conquête spatiale, dans les années 60-70. Ces pièces rescapées de tournages sont de véritables œuvres d’art travaillées jusqu’en dans les moindres détails, pour des apparitions parfois très fugitives. Certaines peuvent même n’être que des objets d’études, pour préparer des plans ou des décors. Ce sont aussi les témoins de techniques aujourd’hui délaissées au profit du numérique. Patinés par le temps, ces objets sont le fruit de personnes comme Rob Legato ; superviseur d’effets spéciaux multi-primé qui a travaillé sur Apollo 13 et Avatar.

Interstellaire : cinéma & effets spéciaux. Exposition jusqu’au 8 avril, entrée libre, Centre des Arts, Enghien-les-Bains
Infos > https://www.cda95.fr/

Une expérience immersive et multisensorielle proposée par Molécule, musicien transdubalistique et chasseur de son, combinée avec les créations visuelles de Dirty Monitor. Un voyage à vivre sous le dôme de la SAT (Société des Arts Technologiques à Montréal) ou « résonnent » les craquements des glaciers, le souffle de la banquise et le silence de la nuit polaire captés par Molécule lors d’une expédition au Groenland, dans un village inuit. Immergé à 360°, pour le son, comme pour les visuels, cette odyssée sensorielle téléporte les auditeurs dans le Grand Nord une quarantaine de minutes.

> du 8 au 26 février, séances à 17h00, 18h30 et 20h00, Société des Arts Technologiques (SAT), Montréal (Québec / Canada)
> https://sat.qc.ca/

Rencontres & Workshops

NØ est un collectif à géométrie variable emmené par Benjamin Gaulon, artiste, chercheur et éducateur, épaulé pour cette série de rencontres et workshops à la Gaîté Lyrique par Dasha Ilina, artiste numérique, et Pauline Briand, journaliste et autrice.

Avec le NØ LAB, leur objectif est de créer une programmation accessible au grand public qui aborde certaines des grandes questions actuelles liées au numérique, comme la surveillance, le monopole des GAFAM, son empreinte écologique, sa matérialité, l’impact des algorithmes sur nos représentations, mais aussi son pouvoir créateur et libérateur. L’approche choisie est à la fois ludique et subversive. L’idée est ici de démystifier la technique et les technologies pour les rendre plus faciles à appréhender et, par là même, à discuter.

Les rencontres du cycle réunissent des universitaires, des artistes, des activistes, et des spécialistes qui s’appuient sur leur expérience, leur recherche, leur activité professionnelle, et leur créativité pour se saisir de ces sujets avec pour objectifs de montrer leur actualité, leurs ramifications politiques, écologiques et culturelles, et la capacité que chacun et chacune peut avoir à s’en emparer.

Certaines de ces thématiques sont déclinées dans le cadre de six ateliers ouverts à une quinzaine de personnes. Ils permettent d’expérimenter autour de ces sujets avec des artistes posant un regard critique sur la place du numérique dans nos vies pour proposer des moyens de se le réapproprier. Les personnes intervenantes sont invitées à faire un pas de côté pour développer une certaine réflexivité sur leurs pratiques du numérique grâce à l’humour, l’émotion et l’expérimentation, pour faire respirer les imaginaires, cultiver l’autonomie et le sens du collectif, et se réapproprier ces relations.

> du 20 janvier au 23 juin 2022, Gaîté Lyrique, Paris.
> https://gaite-lyrique.net/cycle/no-lab

L’instant décisif

Cette exposition qui s’inscrit dans le cadre de Némo, la Biennale internationale des arts numériques de la Région Île-de-France, est produite par le CentQuatre en partenariat avec Elektra (Montréal). Comme son titre l’indique, cet évènement questionne le moment clef où nous opérons des prises de décisions. Numérisation et robotisation obligent, cette « expérience cruciale » est aujourd’hui souvent déléguée aux algorithmes qui pilotent nos machines. Nous vivons donc un « instant décisif » dans l’histoire humaine au regard des choix qui s’offrent à nous pour un développement responsable de l’intelligence artificielle.

Alain Thibault, Dominique Moulon et Catherine Bédard ont sélectionné des œuvres issues de processus décisionnels extirpés de l’invisible pour nous projeter dans un futur immédiat qui nous appartient encore pour un moment… Des installations vidéos et dispositifs robotiques conçus par Baron Lanteigne, Aram Bartholl, Adam Basanta, Véronique Béland, France Cadet, Naomi Cook, Pascal Dombis, Jean Dubois, Marie-Ève Levasseur, Rafael Lozano-Hemmer, Sabrina Ratté, David Spriggs, Maija Tammi, Varvara & Mar

> du 10 décembre 2021 au 15 avril 2022, Centre culturel canadien, Paris
> https://canada-culture.org/event/decision-making/

Mille Plateaux


NonPlusUltraBlack
est installation sonore avec les contributions de John-Robin Bold & Andy Cowling, DMSTFCTN, Lain Iwakura, Thomas Köner, Frédéric Neyrat, Realism Working Group, Achim Szepanski, Simona Zamboli
Dans la lignée des productions de Mille Plateaux et de ses labels satellites (Force Inc., Position Chrome, Communism Records) valorisant les « clicks & cuts » et la culture du glitch, avec ce dispositif présenté à l’espace Synnika à Francfort, l’accent est mis sur le concept d’ultranoir : anonyme, sombre, caché, crypté, opaque, secret

Nous utilisons l’obscurité pour désigner l’extérieur. Et l’extérieur a plusieurs noms : Le bouleversement, le contingent, le vide, le silence, l’inattendu, l’aléatoire, l’effondrement, la catastrophe. Très imprégnés de la pensée de Deleuze, sans se départir d’une vision socio-politique sans concession (NON), Achim Szepanski et ses acolytes refusent la consécration comme la muséification et continuent de défricher de nouveaux territoires, continuent de construire de nouvelles « non-musiques » à l’abri, à l’écart, dans le noir donc : les concepts d’invisibilité s’opposent aux guerres des apparences.

> du 21 novembre au 15 janvier, Synnika, Francfort (Allemagne).
> https://synnika.space/events/nonplusultrablack

5e Biennale Internationale d’Art Numérique

Reportée comme de nombreuses manifestations pour cause de crise sanitaire, la Biennale Internationale d’Art Numérique (BIAN) organisée par Elektra se déroule finalement cet hiver à l’Arsenal, centre d’art contemporain à Montréal.

Après une précédente édition dédiée à l’art fait par les machines pour les machines (Automata), cette cinquième version intitulée Metamorphosis est consacrée au changement et aux transformations individuelles et sociétales.

Cette thématique fait référence au Livre des transformations, le Classique des Changements (I Ching) ; en « pariant » sur le fait que le changement constant que nous observons aujourd’hui nous permet d’élargir notre compréhension de la relation entre humanité, nature et technologie.

Initiée par DooEun Choi et Alain Thibault (Elektra), les commissaires de cette exposition, l’illustration de ce pari pascalien s’incarne au travers des oeuvres de Refik Anadol, Michel de Broin, Cadie Desbiens-Desmeules, Justine Emard, Exonemo, Daniel Iregui, Herman Kolgen, Ryoichi Kurokawa, Ahreum Lee, Lu Yang, Louis-Philippe Rondeau, Oli Sorenson, David Spriggs, Samuel St-Aubin, Bill Vorn

> du 19 novembre 2021 au 16 janvier 2022, Arsenal, Montréal (Québec / Canada)
> https://www.elektramontreal.ca/biennale2021

Le titre de cette double exposition consacrant l’artiste Boris Labbé est emprunté à Henri Michaux. Animation, installation vidéo, scénographie, mapping… Les œuvres présentées à l’Espace culturel départemental – 21 bis Mirabeau (jusqu’au 20 février 2022) et au Musée des Tapisseries à Aix-en-Provence (à partir du 3 décembre 2021 jusqu’au 6 mars 2022) constituent une véritable monographie.

Cette célébration est proposée à l’initiative de Seconde Nature et Zinc, sous la bannière de Chroniques, la biennale des Imaginaires Numériques dont la troisième édition se tiendra du 10 novembre 2022 au 23 janvier 2023 autour de la thématique de la nuit. Boris Labbé était au programme de l’édition 2020 de Chroniques avec La Chute; un film précédemment sélectionné dans le cadre de la Semaine de la Critique du festival de Cannes 2018.

Né en 1987 à Lannemezan (Hautes-Pyrénées), Boris Labbé est passé par l’École des Beaux-arts de Tarbes (ESACT) puis par l’École d’animation d’Angoulême. On ne sera donc pas surpris de retrouver ces deux fillière (dessin traditionnel et cinéma d’animation) dans son travail. Une hybridation que l’on voit à l’œuvre dans les vidéos et installations présentées dans cet « infini turbulent », qui témoignent d’une bonne décennie de pratique et d’expérimentations alliant techniques numériques, images animées et références plus classique à la peinture et au dessin.

C’est le cas notamment pour Il(s) tourne(nt) en rond (2010) et Kyrielle (2011). Deux œuvres d’animation présentées au 21 bis Mirabeau qui sont imprégnées de la peinture des primitifs flamands et des codes des classiques du cinéma d’animation expérimental : l’envahissement de l’espace par les personnages, la métamorphose, une narration en boucle.

Pour son exposition à l’espace culturel départemental – 21, bis Mirabeau, Boris Labbé propose un parcours qui présente deux de ses premières œuvres d’animation, Il(s) tourne(nt) en rond (2010) et Kyrielle (2011). Ces œuvres de “jeunesse” révèlent les thématiques et obsessions de l’auteur, développées par la suite : le goût pour la peinture des primitifs flamands, mais également une filiation à peine dissimulée avec des classiques du cinéma d’animation expérimental, l’envahissement de l’espace par les personnages, la métamorphose, une narration en boucle.

Dans la galerie gothique du Musée des Tapisseries, Boris Labbé propose une recréation du travail de scénographie réalisé pour le chorégraphe Angelin Preljocaj en 2020 : Le Lac des Cygnes. L’installation vidéo, réagencée, retravaillée, re-sonorisée, ne garde du titre original que la première partie : Le Lac (2020). Les vidéos montrent les éléments primordiaux (l’eau, la fumée, les nuages, les oiseaux, la forêt, l’architecture, une usine…) qui sont en tension permanente les uns par rapport aux autres.

D’autres travaux et vidéos s’inspirent des danses et chants traditionnels des Aïnous, peuple oublié du Nord du Japon (la série Sirki, 2020), des mouvements et glissements de terrain à l’origine de la formation des montagnes (Orogenesis, 2016), d’un organisme qui ne trouve jamais sa forme finale, mais qui cherche toujours à se renouveler, faisant ainsi référence explicitement à Deleuze et Guattari (Rhizome, 2015). À visionner en méditant sur cette citation d’Henri Michaux  : On est entré dans une zone de chocs. Phénomène des foules, mais infimes, infiniment houleuses. Les yeux fermés, on a des visions intérieures.

Boris Labbé, L’Infini turbulent, exposition – monographie à Aix-en-Provence
> 21 bis Mirabeau – Espace culturel départemental, jusqu’au 20 février 2022
> Musée des Tapisseries, jusqu’au 6 mars 2022.
> Église de la Madeleine, mapping projeté sur la façade tous les jours de 18h à 21h, jusqu’au 24 décembre 2021

> https://www.borislabbe.com/
> https://chroniques.org/event/linfini-turbulent-boris-labbe/

Révéler l’invisible par les arts numériques, les sciences et les technologies

Ça y est, Némo, la biennale internationale des arts numériques, est lancée depuis quelques semaines. Les événements, rencontres, performances et expositions vont s’enchaîner jusqu’au début janvier 2022 dans toute l’Île-de-France. Le top départ de cette manifestation a eu lieu au 104, à Paris, le 9 octobre dernier, avec l’ouverture de l’exposition-phare de la biennale : Au-delà du réel. Sous-titrée, Révéler l’invisible par les arts numériques, les sciences et les technologies, cette exposition a vu son inauguration suivie de performances pour marquer l’événement.

Donatien Aubert, Les Jardins cynernétiques. Photo : D.R.

L’art n’a cessé de questionner le réel. Et au-delà, donc… L’ère du numérique renforce ce questionnement. C’est ce que réaffirment les œuvres présentées dans les « ateliers » bordant la Halle Aubervilliers du CentQuatre. Entre cabinet de curiosités et dispositifs high-tech, réparties autour de sept thématiques, ces créations mêlent principes scientifiques, regards sociologiques et audaces esthétiques. Combien d’anges peuvent danser sur une tête d’épingle ? ; Bureau d’expertise des phénomènes invisibles, La Terre en colère ; Natures dénaturées ; Vous n’êtes pas invisibles ; Forensic Architecture ; Traqueurs/traqués… Autant de portes d’entrée, au propre comme au figuré, vers des visions décentrées de notre réalité, vers l’envers du décor de notre monde hyper-technologique, vers la part d’ombre et d’invisibilité de notre société.

Au centre de la halle trône un étrange container qui fait penser à un « couloir du temps ». Œuvre nomade s’il en est — durant la biennale, elle sera déplacée et présentée aussi à l’ENS Saclay et sur l’Esplanade de la Défense —, Passengers de Guillaume Marmin déstabilise les spectateurs qui franchissent cette passerelle avec des jeux de lumières et de miroirs kaléidoscopiques. Non loin est planté Surveillance Speaker de Dries Depoorter. Une installation qui réagit à la voix et à l’image sur le principe des dispositifs de surveillance. Richard Vijgen a pour sa part choisi de rendre visible le spectre des ondes hertziennes avec une installation vidéo (Hertzian Landscapes) et celles émises par toutes les antennes relais, les routeurs WiFi, les satellites, etc. via une appli (Architecture of Radio).

Si vous voyez un câble traîner dans un coin sur lequel est imprimé une suite sans fin de mots, c’est l’œuvre de Jeroen Van Loon, Permanent Data. Une sorte de ready-made doublé d’un mashup scriptural : les bribes de textes correspondent à la transcription de la Bible « mixée » avec des commentaires de vidéos récupérés sur YouTube. Enfin, heure d’hiver aidant, si vous allez voir cette exposition à la nuit tombée, vous pourrez profiter de l’installation lumineuse évolutive de Justine Emard, Supraorganism. Un dispositif qui fonctionne à la manière d’un variateur, basé sur un programme de machine learning qui analyse des données captées sur un essaim d’abeilles en temps réel et génère des prédictions de comportements de la colonie. Ces prédictions pilotent l’illumination de la Halle Aubervilliers du CentQuatre.

Heather Dewey-Hagborg, Probably Chelsea. Photo : © Quentin Chevrier / Nemo.

Sur la trentaine d’œuvres exposées dans les sept ateliers de cette exposition maîtresse de la biennale Nemo, on signalera quelques propositions marquantes, comme les masques suspendus de Heather Dewey-Hagborg. Presque horrifique dans leur présentation qui rappelle les trophées de certaines atrocités guerrières, ces portraits-robots réalistes ont été établis avec des fragments d’ADN de Chelsea Manning (à l’origine des documents transmis à WikiLeaks lorsqu’ielle était encore analyste militaire sous le nom de Bradley Edward Manning). Autre choc visuel, The Substitute : le rhinocéros blanc, pixellisé et « reconstitué » sous nos yeux par Alexandra Daisy Ginsberg. À noter que le dernier représentant mâle de cette espèce est mort en mars 2018. Et si ce genre d’artefacts préfiguraient les zoos de demain…?

Impossible non plus de passer sous silence, les « radioscopies géologiques » de SemiconductorEarthworks, Where shapes come from et 20 Hz. Œuvres déjà éprouvées, mais toujours pertinentes pour les transformations de la matière qu’elles révèlent et matérialisent. De même pour les Jardins cybernétiques de Donatien Aubert qui transfigurent des plantes en les enchâssant dans un dispositif interactif nimbé d’une lumière rouge-violet. L’intention étant de donner à voir comment nos représentations mentales du vivant ont été transformées par la dissémination des technologies numériques dans l’environnement et comment celles-ci en retour, contribuent à le remodeler. Cet environnement qui se dégrade est recréé aussi par Paul Duncombe dans des aquariums où barbotent des végétaux soumis à différents taux de pollution ; radioactive comprise (Éden).

Avec NeoConsortium, on change de démarche et de style. En singeant la communication institutionnelle et d’entreprise, ce mystérieux collectif (?), « leader sur le marché des formes plastiques à grande ubiquité », doté d’un « haut-commissariat à l’enthousiasme politique », d’une « direction des archives dynamiques » et d’une « direction de l’emphase bidirectionnelle », n’est pas sans rappeler les interventions des Yes Men ou d’etoy.Corporation. Au CentQuatre, on découvre leur Moduloform Panoptique. Un module de forme géométrique recouvert de miroirs qui cachent des caméras observant les observateurs… Le « bureau de l’anticipation des désastres » attenant à cette installation nous permet de découvrir quelques autres pièces dédiées, notamment, « aux compagnies pétrolières et à leurs actionnaires » (In Memoriam Petroleum)…

NeoConsortium, Moduloform Panoptique. Photo : © Quentin Chevrier / Nemo

La mégapole de Stanza, construite avec des rebuts informatiques (cartes-mères, cartes graphiques, LEDs, etc.), nous fait penser aux maquettes de cités tentaculaires assemblées avec des piles par Kristof Kintera lors de la précédente biennale. À l’opposé, I Heard There Was A Secret Chord ou les vocalises interactives et collectives proposées par Daily tous les jours nous ont laissé de marbre. Peut-être le choix de casser sa voix sur « Allahlujah », pardon, « Hallelujah » de Leonard Cohen, y est pour beaucoup (ni dieu, ni maître « chanteur »…). Quant au choix des vidéos d’investigations de Forensic Architecture, on regrette que pas une seule ne concerne la France. Tiens donc… Pourtant, ce groupe de recherche multidisciplinaire basé à l’Université de Londres et piloté par l’architecte Eyal Weizman, qui utilise des techniques et des technologies architecturales pour enquêter sur les cas de violence d’État et de violations des droits de l’homme dans le monde, s’est notamment penché sur les morts emblématiques de Zineb Redouane et d’Adama Traoré

Stenza, The Nemesis Machine. Photo : © LD

Si Atotal, la nouvelle création du spectacle musical de Franck Vigroux et Antoine Schmitt est (très) attendue fin novembre, le jour de l’ouverture de cette exposition, quelques sets et performances sont venus titiller nos tympans. À commencer par le ballet de projecteurs synchronisés sur la musique électronique, mentale et expérimentale, de Maxime Houot (Collectif Coin). Dans un registre sonore assez voisin, mais avec un environnement visuel radicalement différent, Alexis Langevin-Tétrault & Guillaume Côté, avec Dave Gagnon pour la vidéo, ont « sévit » avec Falaises. Un live sévère, mais juste… Ryoichi Kurokawa a suivi avec Subassemblies aux visuels très indus ou post-atomiques (friches industrielles, bâtiment en ruines, etc.), baignant dans une ambiance grise, verte et bleutée. C’est Max Cooper qui a conclu la soirée d’ouverture avec Yearning for the infinite (du nom de son album paru sur son label Mesh en 2019). Un set qui a débuté sur des consonances plutôt ambient puis « broken electronica », comme on disait naguère, avant de dériver vers un son plus dancefloor ; dont avait presque perdu l’habitude depuis le début de la pandémie.

Laurent Diouf

Au-delà du réel : révéler l’invisible par les arts numériques, les sciences et les technologies. Exposition jusqu’au 2 janvier 2022 au CentQuatre, Paris.

> https://www.104.fr/
> https://www.biennalenemo.fr/

Sur-Prise du visible

Signe des temps, il y a de plus en plus d’initiatives artistiques pour dénoncer la vidéo-surveillance qui ne cesse d’étendre son réseau et son emprise sur notre quotidien. Une surveillance audio et visuelle à la sophistication exponentielle. En moins de vingt, nous sommes passés des caméras statistiques à la reconnaissance faciale, de l’analyse humaine à l’intelligence artificielle… C’est à cette thématique et problématique qu’est consacrée l’exposition Vidéosurveillance : sur-prise du visible au Lavoir Numérique, à Gentilly. Piloté par Laurent Carlier (le grand timonier du festival Vision’R), cet événement s’inscrit dans le cadre de Nemo (la biennale internationale des arts numériques de la région Île-de-France), à partir du 22 octobre jusqu’au début de l’année prochaine.

© Claire Courdavault

Comme le souligne Laurent Carlier dans sa note d’intention : Œil colonisateur logocentré de la politique de l’identité, avec sa soif d’extraction et d’exploitation de données transformées en marchandises, la vidéosurveillance sert aussi la conception capitaliste du corps essentiellement pris comme force de travail.  La surveillance de masse induit une chasse aux pensées dissidentes et aux modes de vie non-normés et non-rentables. L’acceptation de la capture des corps avec leurs transformations en profils sous-entend une soumission aux déterminismes idéologiques et technologiques.  C’est là le cœur des questions artistiques et éthiques du rapport entre contrôle et confiance, entre identité et altérité, entre innovation et actualisation, entre puissance et pouvoir.  Il y a donc des pratiques qui prennent la vidéo-surveillance par surprise !

© Antoine Mermet

Des pratiques qui multiplient les points de vue, détournements, formes d’expressions et dissonances face aux dispositifs de vidéosurveillance. Démonstration au travers de cette exposition collective rassemblant photographies, projections et installations réalisées par ACHAB, Antoine Mermet, Ceren Paydas, Christof Nüssli, Cynthia Charpentreau, Danielle Baskin, Pierre Cassou-Noguès / Stéphane Degoutin / Gwenola Wagon, Kurt Caviezel, Autodrône (Leïla Chaix), Liad Hussein Kantorowicz, Loopsider, La Quadrature du Net, Oxytocine (Julia Maura), Shinseungback Kimyonghun, Thaddé Comar, Franck Vigroux & Gregory Robin…

> du 22 octobre au 09 janvier, Le Lavoir Numérique, Gentilly
> https://lavoirnumerique.grandorlyseinebievre.fr

© Claire Courdavault