Arts, Musiques & Technologies

Porté par l’association Electroni[k], le festival Maintenant se décline en expositions, performances audiovisuelles, installations, conférences et DJ-sets. Parmi les temps forts, on signalera notamment Pantha Du Prince avec son projet « ritualistique » dédié aux arbres (Conférence Of Tree), Molecule qui proposera de vivre une expérience sonore « amplifiée » par des lampes neuro-stimulantes et stroboscopique (Pandora Live), Asuna et son orchestre polyphonique constitué d’une centaine de claviers-jouets, Nicolas Bazogue avec une création sonore générée et modulée via des interfaces cinétiques (Vis Insita), Playtronica et ses capteurs qui transforment des ananas en source de sons (16 Pineapples), Michela Pelusio et son étrange torsade lumineuse ou bien encore l’immense anneau suspendu dans le Musée des beaux-arts de Rennes par Vincent Leroy (Aurore Boréale), et l’installation sonore rétrofuturiste de panGenerator (Apparatum), basée sur des bandes magnétiques et composants optiques… Pour ce qui est du volet purement musical, on note notamment la présence de Errorsmith, AZF, OD Bongo, Lucas Paris, Sentimental Rave, re:ni, Crystalmess, Pura Pura… Les conférences proposeront pour l’essentiel des réflexions sur les Réalités augmentées, virtuelles et mixtes.

> du 4 au 13 octobre, Rennes

> https://www.maintenant-festival.fr/2019/

Réels & Virtuels 1985-2019

Le Centre des Arts d’Enghien propose une rétrospective de l’œuvre de Julio Le Parc. Pour la petite histoire, cet artiste argentin né en 1928 avait refusé, en jouant à pile ou face, d’être célébré de cette façon par le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris en 1972…

Précurseur de l’art cinétique et optique, membre fondateur du G.R.A.V. (Groupe de Recherche d’Art Visuel) au début des années 1960, avec ses peintures et mobiles, Julio Le Parc expérimente la lumière, la couleur et l’espace pour stimuler la participation sensorielle du spectateur.

Le nom de cette exposition — Réel & Virtuels — provient du titre d’un dessin réalisé en 1958 qui trahit explicitement la perception et les notions d’immersion, d’interaction et de réalités parallèles portées par l’artiste à une époque où les technologies numériques ne sont encore que des chimères. Désormais, le spectateur peut contempler et s’immerger dans ces œuvres via des casques VR.

> du 20 septembre au 27 décembre, Centre Des Arts, Enghien
> http://www.cda95.fr/fr/content/reels-virtuels-1958-2019

Les Revenants
Le rendez-vous annuel de la création au Fresnoy

Le Fresnoy présente en conclusion d’une année d’échanges, d’expériences, de recherche, plus de 50 oeuvres inédites dans les domaines de l’image, du son et de la création numérique, imaginées et réalisées par les jeunes artistes et les artistes professeurs invités. Un grand nombre d’oeuvres de Panorama 21 montre une tendance à revenir à des fondamentaux, quitte à le faire avec des technologies et moyens expérimentaux. Jean-Hubert Martin, Commissaire.

avec Éliane Aisso, Thiago Antonio, Ugo Arsac, Fanny Béguély, Chloé Belloc, Wang Bing, Blanca Camell Galí, Olivier Cheval, Fernando Colin Roque, Cindy Coutant, Thomas Depas, Felipe Esparza, Félicie d’Estienne d’Orves, fleuryfontaine, Faye Formisano, Virgile Fraisse, Simon Gaillot, Charles Gallay, Alice Goudon, Nicolas Gourault, Antoine Granier, Hai Wen Hsu, Nataliya Ilchuk, Patrick Jouin, Melisa Liebenthal, Guangli Liu, Félix Luque, Yosra Mojtahedi, Ov, Jonathan Paquet, Pierre Pauze, Mili Pecherer, Vincent Pouydesseau, Camila Rodríguez Triana, Marina Smorodinova, Olivier Sola, Alexandre Suire, Rony Tanios, Béla Tarr, Hadrien Téqui, Moïse Togo, Yan Tomaszewski, Thanasis Trouboukis, Alex Verhaest, Clément Vieille, Juan Pablo Villegas, Janaina Wagner, Yuyan Wang, Claire Williams, Yohei Yamakado, Annie Zadek.

> du 21 septembre au 29 décembre, Le Fresnoy, Tourcoing
> https://www.lefresnoy.net/panorama21/

cultures électroniques & arts numériques

Expositions, lives, performances sonores et visuelles : durant 10 jours, du jeudi 12 au dimanche 22 septembre, le festival Scopitone investit une nouvelle friche promise à la démolition, l’ancien MiN (Marché d’intérêt National, équivalent de Rungis) sur l’île de Nantes. Pour cette 18ème édition, c’est donc une programmation augmentée, doublée, qui offre une diversité de scènes, d’événements et de rendez-vous.

Des tables rondes et conférences permettront de poursuivre des réflexions autour du futur, des technologies et des arts numériques. Les Rendez-vous du Labo proposent également des ateliers, masterclass et workshop autour des Nouvelles interactions entre humains, nature et technologie ; la Conservation de l’art numérique ; l’Approche écoconsciente de l’art numérique ; la Sonification du geste avec Max8

Parmi les expositions et installations, on citera notamment les géants lumineux d’Amanda Parer (Fantastic Planet) ; le poisson-rouge qui pilote depuis son aquarium un fauteuil motorisé, un artefact conçut par le collectif Dardex aka Quentin Destieu & Sylvain Huguet (Machine 2 Fish v2) ; le ballet de vapeurs blanches mis en scène par Sebastien Wolf & Michael Kugler (Brume) ; les fumées s’échappant d’une structure monumentale conçue par Guillaume Cousin (Le Silence des Particules).

Pour le volet performances AV et musiques électroniques, on retrouve en ouverture Étienne de Crécy avec un nouveau dispositif scénique (Space Echo). À l’affiche également, mais pas seulement, le collectif Transforma pour un set audio-visuel qui revisite l’histoire des manufactures sur une composition signée de Sascha Ring (Manufactory), Maxime Dangles en plongée dans les grands fonds (Sonars), Ryoichi Kurokawa (subassemblies), Julien Bayle (Structure.Live), Andreas Lutz (Binary Supremacy)…

Sans oublier Molecule pour une version imagée en 360° de son album « groenlandais » (-22.7°C live 360), Alex Augier (p(O)st), Pierce Warnecke & Clément Édouard (Sédiments), Kompromat (Vitalic + Rebeka Warrior, ex-Sexy Sushi)… Plus inattendue, Chloé alliée au collectif Scale s’éloigne des codes du clubbing techno pour explorer des territoires plus ambient-electronica… En bout de piste, dans une pièce noire, Fabien Aléa Nicol & Anne-James Chaton combineront fragments de textes philosophiques et pulsations stroboscopiques (Distanding Waves).

Scopitone 2019
> du jeudi 12 au dimanche 22 septembre, Nantes
> https://www.stereolux.org/scopitone

Out Of The Box
The Midlife Crisis of the Digital Revolution

Art, technologie et société forment toujours la matrice d’Ars Electronica. Ce festival pionnier fête sa 40ème édition et propose une programmation vertigineuse — conférences, lectures, workshops, expositions, projections, performances…
Les prix Golden Nica 2019 (remis le 5 septembre lors de la cérémonie d’ouvertuve) couronnent cette année Kalina Bertin, Sandra Rodriguez, Nicolas S. Roy et Fred Cassia, pour la catégorie « Computer Animation », Paul Vanouse pour la catégorie « Artificial Intelligence & Life Art », Peter Kutin pour la catégorie « Digital Musics & Sound Art » et Alex Lazarov pour la catégorie « Create Your World »…

avec Aza Raskin, Tom Kubli & ZHAW / Sevn Hirsch, Ralf Baecker, Marko Peljhan & Matthew Biederman, Michael Candy, Helena Nikonole, Azumi Maekawa & Shunji Yamanaka, Dmity Morozov, So Kanno, Saša Spačal, Maja Smrekar, AnotherFarm, Špela Petrič, Scott Eaton, Andy Gracie, Y2K, Projet EVA, Memo Atken, Vladan Joler, Nye Thompson, Caroline Sinders, Charlotte Jarvis, Quimera Rosa, Margherita Pevere, Disnovation.org, Paolo Cirio, Ulf Langheinrich, Franz Fischnaller, Christian Fennesz & Lillevan, Ryoichi Kurokawa, Alex Braga, Thomas Gorbach, Werner Jauk, Antye Greie-Ripartti & Vladislav Delay, Julius von Bismarck

> du 05 au 09 septembre, Linz (Autriche)
> https://ars.electronica.art/outofthebox/en
> https://ars.electronica.art/prix/en/winners/
> https://ars.electronica.art/aeblog/en/

Laia Cabrera & Isabelle Duverger

L’interaction et l’immersivité au service de l’illusion d’optique. On pourrait résumer ainsi Illusion, l’installation conçue par Laia Cabrera et Isabelle Duverger, cinéastes et artistes plasticiennes. Combinant différentes techniques (mapping, miroir, réalité augmentée, vidéo, musique, animation), leur dispositif est une expérience limite, entre voyage sensoriel et labyrinthe numérique, où le public est invité à se perdre et à jouer « activement » dans un maelstrom de formes, de couleurs et de sons.

Illusion est une œuvre « multiple » (immersive, interactive, etc.). Comment est né ce projet ? Sur quels principes repose-t-il ?
Ce projet est né d’une recherche que nous menons depuis quelques années sur l’illusion de la notion du temps. Parce que notre travail est très visuel, nous avons cherché le langage le plus approprié pour proposer une pièce qui permettrait de jouer avec cette notion. L’art immersif est pour nous le moyen d’arracher le public à la réalité en l’invitant à se retrouver dans un espace complètement transformé. L’utilisation de miroirs au sol et au plafond est un autre moyen que nous utilisons ici pour transformer, renverser la perspective pour le public.

Pourquoi ce choix de l’interactivité ?
La technologie évolue beaucoup et nous nous intéressons aux possibilités qu’elle nous propose, sans se laisser limiter par elle. L’intention est de faire participer le spectateur afin qu’il ne soit plus seulement spectateur, mais acteur de notre histoire. Et l’interactivité est un élément essentiel afin de donner le contrôle au public, mais également de lui permettre de s’investir dans la pièce, d’en altérer le sens et de générer du contenu visuel et sonore. En d’autres termes, cela permet d’explorer de nouvelles dramaturgies et narrations multimédias. Pour cela nous avons collaboré avec le designer en interactivité Aniol Saurina Masó. L’essence de notre travail en tant qu’artistes est de raconter des histoires en créant de nouveaux langages pour le public. Et la réactivité de la pièce, de par cette interactivité, permet aux tout petits comme aux plus grands d’y participer. Toutes ces possibilités qui s’ouvrent au public sont en soi une récompense.

Le son et la musique renforcent le sentiment d’immersion. Quelques phrases sur cet aspect…
Nous travaillons toujours le son, autant que possible. Cela renforce l’univers visuel et transmet une émotion que les visuels seuls ne peuvent communiquer. Nous sommes musiciennes et nous essayons autant que possible de travailler avec des compositeurs et musiciens qui comprennent le langage visuel. Avec nous sur ce projet, Nana Simopoulos est une compositrice de musique de film renommée qui peut faire du jazz ou de la musique du monde, mais aussi créer des univers sonores. Mary Ann McSweeney, contrebassiste de jazz, a également participé à l’enregistrement de certaines sections de la musique, apportant ainsi son talent d’improvisation à notre pièce.

Quelques mots également sur vos projets en cours…
Nous avons participé à la création d’une plateforme interactive de 22 m de long, Coolture Impact, à Times Square à New York, durant ces deux dernières années. C’est la première de ce genre dédié à l’art, et la plus grande de son genre. Elle a été inaugurée avec notre pièce The Now en octobre dernier. Elle permet maintenant à d’autres artistes qui utilisent également l’interactivité d’y présenter leurs pièces. Nous y retournerons à la mi-juin pour présenter une nouvelle pièce. Nous sommes également en train de développer une pièce sur la recherche de la conscience qui sera développée pour être projetée dans un dôme.

Laurent Diouf

Illusion, installation interactive de Laia Cabrera & Isabelle Duverger, du 1er juin au 1er novembre, galerie Flutter, South La Brea / Los Angeles (USA)

> https://flutterexperience.com/
> https://www.laiacabreraco.com/illusion

Radiant : un univers phosphorescent

Des faisceaux laser blancs qui tournent et laissent des traces qui s’estompent lentement sur un panneau vert phosphorescent : Radiant, la nouvelle installation de HC Gilje sera visible à Stereolux jusqu’au 23 juin. Cet artiste d’origine norvégienne actuellement basé à Berlin, connu pour ses vidéos expérimentales (Cityscapes), installations lumineuses et lives A/V (notamment avec le collectif 242.pilots) livre ici un dispositif hypnotique à interprétation multiple.

Cette exposition est une première…
En effet, c’est ma première exposition personnelle en France; même si j’ai présenté avant une autre installation, In Transit X, à Marseille en 2017 dans le cadre du festival Chroniques. Auparavant, j’ai aussi fait quelques projections dans différents lieux en France, notamment à la Cinémathèque et au Centre Pompidou suite à mon contact avec l’éditeur vidéo Lowave qui a réalisé mon DVD Cityscapes en 2005.

Quelles vos sources d’inspiration pour Radiant et la manière dont les différents éléments s’articulent ?
J’ai commencé par réfléchir sur l’idée d’extinction, de croissance et de déclin; ainsi que sur la manière dont les plantes se nourrissent de la lumière. Et bien sûr, sur le laser dont la lumière est plus intense que les rayons du soleil et les pigments phosphorescents, ces matières naturelles qui capturent la lumière et la restituent lentement sous forme de lueur verte (à l’époque de Galilée, on appelait ça des éponges solaires). Radiant s’articule aussi autour de la question du temps et de la vitesse avec les éclairs intenses du laser qui contrastent avec la lente dissolution de leurs traces sur la matière phosphorescente. Il se passe des choses intéressantes dans cette superposition de traces, dans ces dessins où l’on peut voir les empreintes de multiples passages mêlées à d’autres, plus récents. Cela matérialise aussi différentes échelles de temps, de durées selon la terminologie de Bergson, qui coexistent à la surface du panneau.

Comment cet aspect de l’installation sera perçu ?
Pour le public, je pense que cela fonctionnera aussi de multiples façons, à différentes échelles (macro et micro). On peut aussi bien se projeter à l’échelle de l’univers ou subatomique.

Dans leur conception, vos installations sont imaginées comme des « conversations dans et avec l’espace ». Est-ce que Radiant fonctionne sur le même principe ?
Habituellement, je commence avec l’exploration de l’endroit où je vais concevoir une installation. Je prends le temps de l’explorer, je viens avec tout mon matériel, je teste et j’improvise systématiquement en cherchant à amplifier et transformer l’endroit. Pour Radiant, c’est différent. À l’inverse, j’ai fabriqué un grand panneau carré pour le light painting avant, sans vraiment penser à l’espace dans lequel il allait prendre place. Ce panneau pour Stéréolux fait 3,6 mètres de côtés. Mais de toute façon, une installation est transformée par le lieu dans lequel elle est présentée, et inversement elle a le pouvoir de transformer l’espace dans lequel elle est proposée. Évidemment cela diffère selon qu’elle est présentée dans environnement assez brut, comme au Kraftwerk durant le festival Berlin Atonal, ou dans un espace plus sophistiqué, comme un mur circulaire de projection lors d’une manifestation artistique en Norvège. Sinon, le faisceau laser blanc étant assez intense, les ombres qui en résultent et le rendu dans l’espace sont relativement similaires à celles de mes autres installations lumineuses.

Pour l’inauguration de l’exposition, la présentation de Radiant sera suivie d’une performance : comment s’articulera-t-elle par rapport à cette installation ?
La base matérielle de l’installation et de la performance est plus ou moins la même, c’est la structure qui diffère. La performance doit générer une expérience intense, captivante pour le public, tandis que l’installation est plus méditative. Radiant a été conçu au départ comme une installation qui est à la fois un espace et un état à expérimenter. Et je l’ai toujours pensé comme une boucle temporelle à cause de la superposition des traits de lumière qui créent constamment de nouvelles images. Le temps d’une performance live n’étant pas circulaire, cela change radicalement l’expérience que l’on en fait. D’autant qu’un live set est plus une expérience commune, publique, tandis qu’une installation s’éprouve plutôt seul ou avec peu de personnes. Et bien sûr, le live set implique une bande-son créée en temps réel. Pour Radiant, j’utilise le son mécanique que produisent les miroirs laser. Le son est amplifié et diffusé sur des haut-parleurs, mais aussi enregistré et réinterprété pour créer nouveaux sons (simultanément aux visuels). En fait, pour cette performance à Stéréolux, ce sera la première fois où j’utiliserai ce processus sonore. Pratiquement toutes mes autres lives A/V sont différents puisque ce sont des collaborations et improvisations avec d’autres musiciens ou artistes visuels, alors que Radiant Live est une performance très contrôlée, avec une structure fixe et un espace donné pour développer des variations.

Quelques mots sur vos autres projets…
J’ai récemment créé une installation lumineuse dans un cadre spécifique, en l’occurrence quatre pièces interconnectées à l’intérieur d’une galerie. Cette création s’intitule Red White Black et consiste en deux rangées de LEDS qui suivent les contours des pièces et des portes. L’une émet des pulsations de lumières blanches dans une direction, l’autre de la lumière rouge en direction opposée. C’est très simple, mais cela crée une dynamique dans le lieu, un jeu d’ouverture et de fermeture, de révélation et de dissimulation, l’espace s’étend, se contracte, se tord et s’effondre. Probablement une de mes créations favorites ! Sinon, une pièce très différente, mais qui a été la plus montrée ces dernières années : Barents (mare incognitum). Une installation vidéo avec des vues de la mer de Barent qui tournent lentement. Cela a été filmé à la frontière de la Norvège et de la Russie avec une caméra que j’ai bricolée et pointé vers le Pôle Nord. C’est un de mes nombreux travaux liés à mon engagement dans la série de projets Dark Ecology initiés par Hilde Mehti et Sonic Acts dans la zone frontalière russo-norvégienne. Mon film Rift provient également de cette initiative. Il combine ma passion pour le réalisateur expérimental Len Lye et ma préoccupation envers la longue durée de vie du plastique. Il faisait partie du programme Vertical Cinema qui proposait des films expérimentaux en 35mm projetés verticalement. Speiling est le dernier de cette série de réalisations. Une forme organique colorée est projetée sur un parterre réfléchissant, créant ainsi un espace dynamique lumineux. Actuellement, je travaille sur deux projets assez différents : une installation dans une cavité stalactique d’une vieille forteresse qui sera présentée en août et une série d’installations, prévues pour l’année prochaine dans un espace « normal », où je me donne comme chalenge de travailler à la fois avec la lumière, le son et le mouvement.

propos recueillis par Laurent Diouf

Photos: D.R.

HC Gilje, Radiant, installation du 02 au 23 juin 2019, Stereolux, Nantes.
https://www.stereolux.org/agenda/hc-gilje-radiant
http://hcgilje.com/

TIME MACHINE : la tentation de Venise

Pia MYrvoLD est de retour à Venise dans le cadre du Off de la Biennale qui, d’édition en édition, s’affirme comme place forte d’un marché de l’art où la création numérique et les nouveaux médias ont désormais pleinement droit de cité. Son exposition TIME MACHINE s’inscrit dans le cadre de Take Care Of Your Garden une série de manifestations initiées par le GAD (Giudecca Art District).

Pia MYrvoLD, Performance Time Machine. Photo: D.R.

Près de 8 ans après avoir été une des première à avoir présenté une œuvre multimédia à la biennale de Venise (cf. Flow – work in motion), Pia MYrvoLD propose une nouvelle version de ses installations luminueuses baptisées #LightHackSculptures. Chaque sculpture, conçue en partie avec des matériaux de récupération, est unique et trouve sa forme définitive selon la configuration du lieu où elle est installée.

Imposants, ces totems enchevêtrés et luminescents prendront place dans les murs de la Fabbrica H3 di SerenDPT. L’ossature de ces sculptures est simple, une échelle ou un élément d’échafaudage. C’est la base d’un assemblage sur lequel se greffe un entrelac de cables et quelques réflecteurs, des parapluies photo, parfois des écrans qui affichent des stris pixélisés et surtout des boîtiers de couleurs vives. La lumière jailli de nombreuses sources (spots, fibres, etc.), transformant ces installations en phare pour aliens…

L’espace, la lumière et, bien sûr, le temps. Intitulée TIME MACHINE, cette exposition ne fait pas référence à une machine à voyager dans le temps, mais plutôt à une machine à produire le temps. Un temps digital, découpé, multiplié, sériel. Mais aussi espace « hors temps », en opposition à l’injonction temporelle permanente auquelle nous soumet notre société numérisée. Les #LightHackSculptures de Pia MYrvoLD se perçoivent sous plusieurs dimensions et sont une invitation à reconsidérer notre rapport aux multiples gadgets chronophages qui nous entourent. Deux performances accompagneront cette exposition.

Pia MYrvoLD, Performance Time Machine. Photo: D.R.

La première, Extended Reality, renouvelle le questionnement sur la réalité virtuelle que Pia MYrvoLD a déjà beaucoup explorer au travers d’œuvres interactives sur écran et en 3D (Art Avatar, Métamorphoses du Virtuel, Transforming Venus). Naviguant autour de l’installation, une danseuse vêtue d’une combinaison aux motifs ésotériques — et au visage caché par un masque aux ramifications lumineuses (élément que l’on retrouve sur les sculptures) — se déplace avec des mouvements incertains, comme si elle évoluait dans un univers virtuel ou dans les limbes de visions générées par notre troisième œil… L’idée étant aussi de réintroduire de l’humain et la magie dans la boucle. De réenchanter le monde.

La deuxième performance, The Sumerians on Holiday, nous entraîne encore plus loin. Dans le passé de Pia MYvorLD d’une part, puisqu’elle renoue ici avec ses premières interventions dans le monde de la mode, à l’orée des années 90s, en concevant des vêtements hybrides qui font appel aux nouvelles technologies au-delà de leur conception. Dans le passé de l’humanité d’autre part, puisque ce mélange de technologies futuristes et de savoirs anciens cristallisés dans ces vêtements hybrides fait écho à la civilisation sumérienne, matrice de l’écriture. Aux mythes que cette civilisation disparue suscite, dont les derniers signes énigmatiques peuvent être réinterprétés à l’aune de la théorie des anciens astronautes…

Laurent Diouf

Pia MYrvoLD, TIME MACHINE, du 7 au 30 mai 2019, Fabbrica H3 di SerenDPT (ex Chiesa SS Cosma e Damiano), Vaparetto: Palanca Guiedecca, Venise.

Pour son édition 2019, le festival itinérant Sonic Protest (Paris/Banlieue/Province) reprend son chemin prosélyte de divulgateur de musiques étonnantes, avec cette année encore à l’affiche parisienne quelques pointures comme Dylan Carlson (Earth), Lydia Lunch / Marc Hurtado, France et Shit & Shine, mais aussi quelques artistes/projets moins connus comme Schtum ou Anna Zaradny.

Blenno Die Wurstbrücke. Photo: D.R.

Printemps social ou printemps viral, Sonic Protest reprend imperturbablement son chemin de pèlerin chaque année avec un parcours itinérant toujours prêt à emprunter bien des chemins de traverse musicaux. Festival sans œillères, Sonic Protest reste fidèle à ses antiennes : les deux journées/soirées des Rencontres internationales autour des pratiques brutes de la musique investiront les Chapiteaux Turbulents du 17ème derrière les formations-clés Les Harry’s et Reynols ; les musiques improvisées trouveront accueil au Théâtre de Vanves avec le batteur Han Bennink ou le guitariste Jean-François Pauvros (en compagnie de la musicienne et écrivaine autiste Babouillec) ; les musiques électroniques impromptues aux consonances low-tech, hypnotiques, post-punk hybride et circuit bending s’inviteront dans quelques lieux propices comme La Station Gare des Mines (avec notamment Peür et Humbros) ou L’Échangeur de Bagnolet (Société Étrange).

Le théâtre de l’Est parisien sera d’ailleurs le terrain de jeu de nombreuses propositions piochant au carrefour du noise/rock (Lemones, The Coolies), des musiques traditionnelles (les Statonells, Lahcen Akil & les Chaâbi Brothers), mais aussi du folk/blues/punk avec l’étrange cow-boy texan Jandek aux faux-airs de Michael Gira. Le site sera d’ailleurs rejoint cette année dans cette prise de position musicale et géographique aux marges (de Paris), par sa voisine-sentinelle du Cirque Electrique, qui accueillera entre autres lors de la soirée de clôture Dylan Carlson de Earth en mode solo, les anciennes égéries no wave new yorkaises UT ou le manipulateur bruitiste Blenno Die Wurstbrücke.

Anna Zaradny. Photo: © Grzegorz Mart

Au rayon des curiosités, le concert des iconoclastes Shit & Shine, et de leur mélange de rock psyché et de weird beats dans le cadre (supposément) cosy du Mona Bismarck American Center risque de laisser quelques trous dans le parquet, d’autant plus que c’est le jeune duo de guitares électriques en mode résonances vibratoires Schtum qui ouvrira le bal. Au rayon des incontournables, l’Église Saint-Merry sera bien entendu à nouveau convoquée pour porter sur ses fonds baptismaux quelques-unes des prestations angulaires de cette édition 2019. Outre la première Française de la pièce pour orgue Occam XXV, écrite par Éliane Radigue pour Frédéric Blondy de l’Onceim — orchestre expérimental habitué des lieux avec le festival Crack —, la transe électrique et chamanique du trio France, et la réunion vitupérante de Lydia Lunch et Marc Hurtado (ex-Étants Donnés) pour une relecture des morceaux de Suicide et Alan Vega, c’est le concert de la compositrice électronique polonaise Anna Zaradny, qui y sera particulièrement attendu, avec une interprétation forcément redimensionnée en termes de diffusion de sa pièce majeure Go Go Theurgy.

Laurent Catala

Sonic Protest, du 22 mars au 6 avril, Paris, Banlieue, Ailleurs…
> http://www.sonicprotest.com

Lorsque l’on évoque l’hybridation entre la science du vivant et l’art à l’ère du numérique, il ressort immédiatement un nom : Eduardo Kac. Avec ses manipulations transgéniques « empruntées » à l’INRA qui rendent un lapin vert fluorescent, il est devenu le symbole du bio-art; sans que l’on mentionne par ailleurs les interrogations et controverses liées à une telle collusion… Eduardo Kac figure, bien évidemment, dans le tableau mis en exergue de l’exposition La Fabrique Du Vivant, présentée au Centre Pompidou.

Une sorte de galerie de l’évolution de la création artistique liée aux biotechnologies qui, dans un panoramique vertigineux, relie Mary Shelley (Frankenstein) et les biohackeurs qui proposent désormais des kits de modification génétique. Cet historique affiché rappelle aussi l’existence de précurseurs, telle Marta de Menezes qui réalise en 1999 une œuvre basée sur des manipulations morphogénétiques sur les ailes d’un papillon vivant. Ces balises remettent en perspective les pièces, récentes pour la plupart, présentées par les commissaires de l’exposition, Marie-Ange Brayer et Olivier Zeitoun.

À rebours de ce que l’on pourrait supposer, les dizaines de créations rassemblées pour cette exposition ne reposent pas toutes à 100% sur des protocoles high-tech. Certaines ne font que s’inspirer du design, des structures et de la texture du vivant. À l’image des AguaHoja Artifacts de Neri Oxman & The Mediated Matter Group accrochés à un mur comme des trophées. Avec leurs nervures, ces échantillons de matériaux biodégradables « forgés » par imprimante 3D ressemblent à des mues de serpents…

La plupart des pièces, cependant, font appel à des composants, des procédés ou des propriétés issus du monde organique, végétal ou animal. L’utilisation de biomatériaux permettant de jouer sur la lumière, la couleur… de concevoir des objets capables d’évoluer (!) et de répondre à l’exigence écologique de notre époque… d’ouvrir d’autres champs à l’innovation… Émanant d’artistes et de travaux de laboratoires, l’exposition s’articule sur 4 volets : Modéliser le vivant, Programmer le vivant, Ingénierie de la nature et Nouvelles matérialités.

Parmi les réalisations, citons notamment la lampe bioluminescente du designer Joris Laarman qui intègre des cellules de lucioles et est, de fait, un objet « semi-vivant » (Half Life Lamp). Dans un registre voisin, des algues sont à la source du fonctionnement de la lampe biocomposite d’Alexandre Echasseriau (Akadama) et de l’installation bioluminescente de Daan Roosegaarde (Glowing Nature). Prisonnières dans des boîtes de Petri où leurs propriétés (bioréceptivité, biophotovoltaïque, bioremédiation) sont misent en valeur, ce sont encore des algues qui sont utilisées par Bio-ID alias Marcos Cruz & Brenda Parker (Robotically extruded algae-laden hydrogel).

Des algues et des semences servent aussi de traceurs à Allison Kudla pour dessiner via une bio-imprimante 3D un paysage basé sur un algorithme de croissance végétale appliqué au développement urbain (Capacity for (Urban Eden, Human Error)). Les champignons sont également très prisés pour les propriétés du mycélium qui permet, par exemple, de souder de petites briques et d’élaborer des structures complexes et imposantes comme celles conçues par l’architecte David Benjamin (studio The Living), ou de fabriquer des objets comme des chaises par sédimentation et impression 3D (Mycelium Chair du studio Klarenbeek & Dros).

Même principe pour le projet XenoDerma développé par l’équipe de l’Urban Morphogenesis Lab qui utilise la soie de toiles d’araignée contrainte dans des armatures géométriques. Cette mise à contribution « forcée » est aussi appliquée aux abeilles dans la série Made By Bee de Tomáš Gabzdil (Studio Libertiny). Comme d’autres artistes pratiquant l’api-sculpture (Ren Ri, Stanislaw Brach, Luce Moreau, etc.), Tomáš Gabzdil préforme le cadre de l’activité des abeilles qui se font designers à leur insu et conçoivent ainsi des formes et des objets en cire selon la matrice fournie; ici en l’occurrence des vases (The Honeycomb Vase).

Sonja Bäumel & Manuel Selg ont choisi de s’intéresser aux bactéries colportées par l’homme (Metabodies). C’est la croissance et le « langage » de ces bactéries, que chacun héberge sur sa peau, qui sont rendus visibles grâce à l’ajout de GFP; la fameuse protéine verte fluo qu’utilise aussi Eduardo Kac. Rappelons qu’il a aussi injecté de l’ADN extrait de son sang dans une fleur (Edunia). Dans le genre, Špela Petrič injecte des hormones extraites de son urine dans le tissu embryonnaire d’une plante qu’elle place ensuite dans des sortes de couveuses où l’on peut observer l’évolution de ces chimères (Ectogenesis: Plant-Human Monsters).

Mais la pièce la plus surprenante est peut-être celle d’Amy Karle au titre plus qu’évocateur : Regenerative Reliquary. Là aussi, on observe au travers d’une sorte de bocal le squelette 3D d’une main, reconstitué à partir de cellules souches déposées sur une armature en matière biodégradable. Dans l’absolu, même si le temps d’une exposition reste trop peu important pour en mesurer pleinement les variations, cette relique futuriste se développe et donne l’impression, à terme, d’une croissance millimétrée et maîtrisée…

La Fabrique Du Vivant marque le troisième volet de Mutations / Créations, manifestation annuelle du Laboratoire de la création et de l’innovation du Centre Pompidou — auquel se rattache aussi la monographie de l’artiste brésilienne Erika Verzutti — et se parcourt aux sons de l’installation du compositeur Jean-Luc Henry, Biotope. Par intervalle, surgissent comme des cris d’animaux dans une jungle imaginaire et d’autres bruits incertains… Un dispositif interactif réagissant en fonction des visiteurs de l’expo; fruit d’un partenariat avec l’Ircam, comme le forum Vertigo qui réunit des universitaires, scientifiques, artistes et ingénieurs.

Au menu de ces rencontres art / science qui auront lieu du 27 au 30 mars, une présentation de projets réalisés dans le cadre des STARTS Residencies, programme européen de résidences artistiques liées à l’innovation technologique, un colloque (Composer avec le vivant), des tables rondes et débats avec des universitaires, chercheurs, ingénieurs et artistes autour des problématiques du design en science, de la modélisation du vivant, des biomatériaux, du génie génétique… En bonus, des concerts associés le 28 mars siglés Ircam Live qui verront notamment Robin Rimbaud alias Scanner qui réinterprétera Mass Observation (à l’origine, un album techno-ambient / electronica expérimentale paru, après ses premières captures de conversations, en 1994 sur Ash International et récemment réédité en version extended).

Laurent Diouf
Photos: D.R.

> La Fabrique Du Vivant, exposition du 20 février au 15 avril, Galerie 4 – Centre Pompidou, Paris
> Forum Vertigo, colloque, débats et concerts, du 27 au 30 mars, Centre Pompidou, Paris
> https://www.centrepompidou.fr