Art contemporain, nouveaux medias

Enseignant et journaliste, notre collaborateur DOMINIQUE MOULON publie une somme sur ce que l’on nomme aussi de l’autre côté de l’Atlantique les « arts médiatiques ». C’est-à-dire des œuvres « transdisciplinaires », « multi-media », qui mobilisent en partie ou totalité des éléments « empruntés » à l’informatique, aux nouvelles technologies de communication, à la robotique ou aux bio-technologies. Sur ce plan, le « bio-art par certains aspects avec son cortège de greffes chimériques, de culture de tissus humains et autres manipulations génétiques sur les animaux, pourrait être considéré comme relevant des pires avanies historiques sans ce « blanc-seing » artistique…

Mais c’est sur le corps dans son intégrité, sa nudité ou sa mobilité, sans artifice, que s’ouvre cet ouvrage. Le corps de l’artiste et/ou celui du public selon le dispositif et les interactions misent en place. Replaçant chaque protocole dans une perspective historique, Dominique Moulon cartographie ces pratiques artistiques émergentes au travers des travaux de Nicolas Clauss, Electronic Shadow, Granular Synthesis, Ryoji Ikeda, Eduardo Kac, Lab[au], Locus Sonus, Antoine Schmitt, RYbN, Stelarc et Tez; pour ne citer que quelques-uns des artistes qui traversent cette étude exhaustive.

Correspondances son / image, transfigurations de bases de données, environnements immersifs, univers virtuels, installations qui redessinent la ville ou font apparaître de nouveaux paysages et relations sociales… Au fil des pages, on mesure aussi l’accélération du temps, des mentalités, des technologies et des « possibles » que l’art contemporain et les nouveaux médias ne font, finalement, que révéler lentement comme une vieille photo argentique…

Dominique Moulon, Art contemporain nouveaux medias (Nouvelles Éditions Scala / collection Sentiers d’Art, 2011). Infos: ne.scala@free.fr
Site: www.nouveauxmedias.netwww.moulon.net

LA POSSIBILITÉ D’UN LIVRE

Surtout ne manquez pas les prochains « concerts à la maison » de PIERRE HENRY. Quiconque a une fois assisté à ces représentations domestiques est ressorti époustouflé par la magie de l’endroit. Nichée dans le 12ème arrondissement de Paris entre deux immeubles sans âme, sa maison des sons se signale par une petite plaque sur laquelle est inscrit Son/Ré, du nom du studio que Pierre Henry s’est installé à domicile.

Lors de ces représentations exceptionnelles, un public restreint est donc convié à investir ce laboratoire vivant; au sens strict puisque ce n’est pas seulement un lieu de travail mais aussi un lieu de vie. L’auditeur est invité à choisir une pièce (chambre, bureau, bibliothèque, mansarde, etc.), puis à changer d’espace et/ou d’étage lors d’un « entracte » avant de s’attarder, si le maître est en forme, et de partager quelques impressions entre d’esthètes, tandis que les derniers échos d’une B.O. imaginaire constellées de bruits et de nappes ricochent encore contre les murs. Le tout dans un décor qui « résonne » de toute une vie consacrée à la musique.

Outre les machines sur lesquelles Pierre Henry distille des sonorités électroacoustiques, bruitistes et électroniques, les livres et les kilomètres de bandes magnétiques qui s’entassent dans des boîtes oranges ou grises, on découvre les tableaux / collages / assemblages conçus avec de vieux transistors à lampes, des résistances, des enceintes, des vumètres et autres éléments électriques ou mécaniques disparates. Tout un « bric-à-brac » qui participe pleinement à une œuvre singulière que l’on ne saurait réduire à la fameuse Messe pour un temps présent (co-écrite avec Michel Colombier), à l’Apocalypse de Jean et la Symphonie pour un homme seul (en collaboration avec Pierre Schaeffer).

Un univers magnifiquement photographiée dans des tons chauds, ocres, par Geir Egil Bergjord dans un « beau livre » où Pierre Henry revient, dans une postface en 10 points, sur son rapport au son, à la construction de son « terrier » et ses peintures concrètes qui sculptent le temps de cette maison à l’ambiance fantasmagorique. Un CD contenant 4 morceaux inédits — dont deux hommages à Maurice Béjart et Olivier Messiaen — complète cet ouvrage remarquable.

Geir Egil Bergjord, La maison de sons de Pierre Henry (Fage Éditions)
Infos: www.fage-editions.c.la/