Les Portes Du Possible

Art et science-fiction… C’est un sujet que l’on avait prévu d’aborder dans la revue papier de MCD… C’est le thème de l’exposition Les Portes Du Possible qui se déroule jusqu’au 10 avril au Centre Pompidou – Metz. Un événement qui rassemble des artistes plasticiens, des écrivains, des architectes et des cinéastes autour de 180 œuvres. Une exposition qui se prolonge avec des ateliers, lectures, danses, installations, conférences performées, projections…

À l’heure des blockbusters et des séries, cette manifestation replace les livres comme centre de gravité de la science-fiction. Le parcours d’expo est divisé en 5 chapitres qui portent le nom d’un roman emblématique : Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley, Neuromancien du père du cyberpunk William Gibson, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick (mieux connu sous le titre Blade Runner), Soleil Vert d’Harry Harrison. Le cinquième volet fait appel à un livre moins connu, La parabole du semeur d’Octavia Butler, qui renvoie au courant de l’afrofuturisme.

Si ces ouvrages ont tous été écrits il y a plusieurs décennies, leurs thématiques restent d’actualité et sont l’occasion d’interroger les problématiques auxquelles nous sommes (toujours ou nouvellement) confrontées, de porter un regard critique sur notre quotidien et notre futur proche. En développant les possibilités du présent, en élaborant des récits à partir d’hypothèses scientifiques ou en concevant des modes de vie et des réalités inouïs, la science-fiction est un genre qui met l’homme face à l’altérité radicale. Elle propose une émancipation des discours politiques dominants, elle incarne la différence, l’utopie politique, le renouvellement profond de notre perception. De ce fait, elle est depuis toujours un terreau propice aux mouvements contestataires.

La fiction spéculative nous irrite, nous fait progresser en nous épouvantant, ébranle les remparts de nos habitudes et ceux de notre conscience. Si elle agit à partir des marges, les thèmes qu’elle aborde sont au cœur des problématiques sociétales actuelles qui nous concernent tous : la fragmentation sociale, l’ultra-capitalisme, les nouvelles formes de panoptisme et de totalitarisme, l’aliénation, le trans-/post-humanisme, la suppression des limites des genres, le colonialisme ou, bien entendu, le désastre écologique et l’obsolescence de l’Homme.

L’exposition, en ne se focalisant pas sur le prisme dystopique dominant, s’appliquera à œuvrer dans le sens d’une revitalisation et d’une réappropriation volontaire du futur. En d’autres termes, ici pas de fusées interstellaires ni d’extraterrestres, mais des ambiances, des situations et des paysages évocateurs d’un à venir incertain ou prometteur au travers de nombreuses vidéos, photos, sculptures, peintures, chorégraphies (The divine cypher d’Ana Pi), conférences (Jean-Michel Frodon, Alain Damasio, Héloïse Brézillon et Norbert Merjagnan), performances (Corps Hybride de Sabrina Calvo et Koji), et d’installations. En particulier Transchrones, une machine hybride conçue par Thomas Teurlai et Alain Damasio qui repose sur le mouvement rotatif de deux cylindres holographiques sonorisés qui génèrent des fictions visuelles et auditives…

Exposition Les Portes Du Possible : art et science-fiction
> jusqu’au 10 avril, Centre Pompidou – Metz
> https://www.centrepompidou-metz.fr/

Imaginaires pour une société post-croissance

Le « Grand Jeu » de la post-croissance est expliqué par le collectif Disnovation.org au travers d’une exposition jusqu’au 21 janvier à l’Espace Multimédia Gantner. Déjà présenté dans le cadre d’autres manifestations et festivals, Post Growth met en scène la critique du productivisme, les aberrations et les dégâts écologiques, climatiques, énergétiques et sociologiques, causés par le développement inconséquent de la « techno-science ». Sur ce plan, Disnovation s’affirme comme un lointain héritier des universitaires — de Jacques Ellul à Alain Gras, en passant par Jürgen Habermas, Gilbert Simondon ou Bernard Charbonneau — qui ont remis en cause le culte de la technique et pointé les conséquences écologiques de la production et de la consommation effrénées.

Le fruit de cette critique se matérialise par des installations et des interventions ; le collectif préfère le terme d’expérience laboratoire pour désigner notamment des situations et objets qui traduisent physiquement et symboliquement cette problématique de la post-croissance. Les œuvres proposées sont ainsi des éléments de réflexion et de décodage permettant d’appréhender ces questions au-delà du point de vue théorique, de mesurer concrètement l’ampleur de la catastrophe qui vient » (et qui dans certains cas est déjà là…).

Ainsi, le Bestiaire de l’Anthropocène, sorte d’atlas des espèces « hybrides » en 24 planches regroupant plantes, animaux et minéraux chimériques, et pourtant bien existants, corollaires de l’industrialisation sans frein : vaches à hublot, nouveaux virus, champignons radioactifs, matériaux résiduels (fordite), corps composites et autres artefacts inquiétants qui peuplent désormais notre monde. Disnovation.org a aussi développé une sorte de jeu de société avec des cartes « tactiques » (Post Growth Toolkit). Ces fiches permettent d’initier des discussions et débats autour de quelques notions clefs (énergie zombie, court-termisme, extractivisme, effet rebond, soleil ancestral, artificialisation globalisée, informatique effondriste, principe de la 7e génération…).

Dans le même ordre d’esprit, les Energy Slave Tokens concrétisent, sous forme de poids en bitume, le temps de travail humain rapporté à une quantité d’énergie fossible équivalente (1 heure, 1 jour, 1 semaine, 1 mois). Sachant que, pour son fonctionnement et sa vie quotidienne, l’Européen moyen emploie l’équivalent de 400 à 500 « esclaves énergétiques » par jour… Visibilité encore avec The Farm, soit du blé cultivé « indoor » sur un mètre carré. Ce dispositif permet d’exprimer la partie obscure de l’économie, de quantifier les charges et les coûts « invisibles » ou non pris en compte par rapport à l’éco-système où s’insère une production donnée.

Post-Growth : imaginaires pour une société post-croissance, exposition par le Collectif Disnovation.org (Maria Roszkowska, Nicolas Maigret, Baruch Gottlieb, Jérôme Saint-Clair) avec Clémence Seurat, Julien Maudet, Nicolas Nova, Pauline Briand…

> jusqu’au 21 janvier, Espace Multimédia Gantner, Bourogne (Territoire de Belfort)
> https://www.espacemultimediagantner.cg90.net/fr/

de la Biennale des Imaginaires Numériques

Émanation des associations Seconde Nature et Zinc, la Biennale des Imaginaires Numériques se déroule jusqu’au 22 janvier sur Aix-en-Provence, Marseille et Avignon. Cette troisième édition, lancée le 10 novembre dernier, est axée autour de la thématique de la nuit. Une thématique déclinée au travers de nombreuses installations, expositions, performances, concerts… Un moment d’échange est également réservé aux acteurs culturels lors de Rencontres Professionnelles du 18 au 22 janvier.

Ce rendez-vous, gratuit sur inscription, propose des tables rondes pour débattre des questions qui traversent actuellement l’art numérique, en particulier à propos des NFT. Une remise du prix de la Fondation Vasarely x Chroniques. Un focus sur le MIAN (Marché International de l’Art Numérique) avec la présence d’artistes, producteurs et programmateurs des pays invités lors des 3 éditions de la Biennale (Québec, Taiwan, Belgique).

Ces rencontres professionnelles seront aussi l’occasion de découvrir le programme européen Digital Inter/Section (DI/S) qui propose des modèles de développement pour des institutions culturelles du secteur des arts et cultures numériques. Ce projet vise à diversifier les sources de revenus et les modèles commerciaux de ces organisations tout en promouvant un développement économique durable, éthique et inclusif..

Rencontres Professionnelles de la Biennale des Imaginaires Numériques
> tables rondes, expositions et performances avec Ombeline Rosset, Pierre Pauze, Lucie-Eléonore Riveron, Justine Emard, Pierce Warnecke, Ana Bedenko, Mario Kudnosky, Klio Krajewska, Nicolas Wierinck, Wen-Chi Su
> du 18 au 22 janvier, Aix-en-Provence, Marseille, Avignon
> https://chroniques.org/