Interview du Professeur Joachim Sauter


Joachim Sauter est un artiste des médias et designer allemand. Dès le début de sa carrière, il se focalise sur les technologies numériques et expérimente la manière dont elles peuvent être utilisées pour exprimer du contenu, une forme ou une narration. En 1988, nourri par cette passion, il fonde ART+COM avec d’autres artistes, designers, scientifiques et technologues de l’Université des Arts de Berlin et les hackers du Chaos Computer Club.

ART+COM, River Is…, Yeongsan, Corée du Sud, 2012. Photo: © ART+COM

ART+COM été fondé comme une organisation à but non lucratif pour explorer de nouveaux médias potentiels appliqués aux domaines de l’art, du design, de la science et de la technologie. Allant d’installations artistiques à des projets de design axés sur les innovations technologiques et des inventions, les travaux d’ART+COM se déclinent sur différents types de supports (objets et installations auto-actifs, réactifs et interactifs, environnements et architectures ayant recours aux médias). En 1991, Joachim Sauter est nommé professeur d’Art et de Design des Nouveaux Médias à l’Universität der Künste de Berlin, UdK (Université des Arts de Berlin) et depuis 2001 il est professeur associé à UCLA, à Los Angeles.

Marco Mancuso: ART+COM est un groupe interdisciplinaire de professionnels venus des arts des médias, du design, de la science et des milieux du hacking, ayant pour objectif d’explorer les possibilités des technologies numériques appliquées à la création, l’expression, la communication et la recherche contemporaine. Une telle attitude est assez claire et cohérente pour l’ensemble vos projets : l’esthétique n’est pas un simple outil voué à la satisfaction visuelle, mais c’est un principe menant à une œuvre intégrée à la fois comme un élément de design et comme un territoire de recherche technologique. Alors, comment une nouvelle commande née à ART+COM, dans une telle structure fluide, une telle attitude hybride face à la création, est elle attrayante (et offre-t-elle un quelconque potentiel) pour les industries qui recherchent et investissent dans la technologie, l’informatique et la science ?

Joachim Sauter: Il est vrai qu’ART+COM est « hybride » et interdisciplinaire en ce que tous nos projets sont développés par de petites équipes qui comprennent des designers, des ingénieurs et des programmeurs. Dans le contexte de cette étroite collaboration, la pensée créative peut dépasser les limites d’une discipline donnée. Ce type de créativité libre est prisé par nos partenaires dans les milieux de la recherche, de l’industrie et de l’université. On est loin des travaux classiques de recherche et de design appliqués à la technologie. Au fond, c’est assez simple : les entreprises et instituts de recherche qui nous approchent pour collaborer sur un projet de recherche le font parce qu’ils sont incapables de le mener tous seuls. Ils ont besoin d’une intervention extérieure pour repousser leurs propres limites et développer leur imagination. Le luminaire Manta Rhei en est un bon exemple.

ART+COM et Selux, Manta Rhei, 2012. Photo: Nils Krüger / © ART+COM

MM: Ce projet Manta Rhei date de 2012 et résulte d’une collaboration entre le studio ART+COM et l’entreprise Selux, qui fabrique des luminaires utilisant la technologie OLED. Je serais curieux de savoir comment un projet collaboratif entre un studio et un partenaire technologique peut voir le jour sans intermédiaire. Vous ont-ils contactés directement ou vice-versa ? Et comment la demande initiale et le projet ont-ils évolué ?
JS: Dans ce cas particulier, cette entreprise avait tout juste commencé à utiliser les OLED et était la recherche d’un nouveau type de luminaire qui puisse mettre en valeur les qualités de cette technologie d’éclairage innovant. L’objectif de Selux était de développer un luminaire hors du commun — un prototype susceptible de démontrer le potentiel de la technologie OLED pour la décoration intérieure et capable de susciter l’attention des médias. Le luminaire cinétique Manta Rhei a atteint cet objectif lors de sa présentation au salon Light + Building de Francfort, en avril 2012.

MM: Sur le plan technique, comment avez-vous travaillé avec leurs technologies et en quoi, selon vous, votre travail leur a été utile en termes de Recherche et Développement au regard de cette technologie spécifique ? En quoi la création de Manta Rhei a-t-elle résulté d’une collaboration cohérente entre votre studio et leur département technique ?
JS: Nous avons travaillé en étroite collaboration avec Selux, mais sur des « blocs de travail » distincts: ART+COM a dessiné le dispositif, y compris son comportement et sa mécatronique, tandis que Selux s’est chargé du contrôle de la lumière. Nous avons ensuite intégré le tout au logiciel. Les membres d’ART+COM ont de grandes compétences technologiques, ainsi nous sommes capables de parler le même langage que les ingénieurs de SELUX et le processus s’est avéré fluide et bénéfique pour les deux parties en matière de transfert des connaissances.

ART+COM et Selux, Manta Rhei, 2012. Photo: Nils Krüger / © ART+COM

MM: Au cours des 25 dernières années, vous avez participé à de nombreux projets différents, allant de projets indépendants à des commandes plus institutionnelles (de la part d’entreprises ?), du privé au public, de l’art à la communication. Comment le processus de recherche et de création change-t-il en fonction de la relation avec un investisseur privé ? Comment l’artiste/le designer peut-il rester libre d’exprimer son travail, sa créativité et son message ? Comment la recherche peut-elle rester en phase avec l’idée de départ sans interférence de la part de l’investisseur ?
JS: Le terme « interférence » suggère déjà dans une mauvaise direction. Chez ART+COM nous sommes partisans du débat et de la culture de la controverse constructive. Dans tous les domaines, qu’il s’agisse d’art, de recherche ou de communication, nous nous efforçons d’instaurer un dialogue avec les personnes avec et pour lesquelles nous travaillons. Les projets qui émergent de ces conversations résultent d’un processus d’inspiration qui porte clairement notre signature et notre esprit. Ceci étant, les conversations ont évolué au cours des 25 dernières années, car la technologie fait à présent partie intégrante du travail de design. Cette évolution a non seulement simplifié la communication au sein de l’équipe ART+COM, mais aussi avec nos partenaires de recherche en matière de technologie.

MM:Avec Selux, vous envisagez de développer toute une gamme de luminaires cinétiques reprenant le concept de ce design. Pourriez-vous nous donner davantage de précisions à ce sujet ? Là encore, quelle est la différence entre répondre à la commande d’un investisseur industriel et travailler avec lui, c’est-à-dire développer des projets et des recherches ensemble ? Concrètement, qu’est-ce qu’ART + COM apporte à Selux et vice-versa ?
JS: En effet, nous prévoyons de développer plusieurs luminaires cinétiques dont le design s’inspire de modèles de comportement animaux, ou plus généralement des modèles de mouvement dans la nature. Le luminaire actuel s’est évidemment inspiré d’une raie manta. D’autres ébauches rappellent les mouvements orchestrés d’un vol d’oiseaux, ou associent la forme d’un serpent à la lueur des lucioles. Pour répondre à la deuxième partie de votre question, s’agissant de partenaires de recherche, nous collaborons sur le plan technologique, alors que pour nos clients nous collaborons sur des aspects qui ne sont pas du ressort de la technologie. Par exemple, pour les musées, nous travaillons d’ordinaire en étroite collaboration avec les scientifiques du musée qui nous fournissent le contenu des installations. Ils sont experts dans leur discipline tout comme nous le sommes dans la nôtre, ce qui permet aux deux parties de travailler sur un pied d’égalité.

ART+COM, Mobility, World Expo Shangai, 2010. Mobility fait partie d’une exposition permanente à l’Ars Electronic Center à Linz, en Autriche. Photo: © ART+COM

MM: Quelles technologies et/ou recherches pourraient s’avérer fonctionnelles pour un nouveau genre d’expression créative dans les domaines de l’art des médias, du design et de la science ?
JS: Je dirais qu’actuellement les deux domaines qui nous intéressent le plus sont la robotique et l’optique informatique. Nous avons une connaissance pratique de la mécatronique, puisque toutes nos installations cinétiques nécessitent le mouvement précis et chorégraphié d’objets physiques dans l’espace. La robotique va encore plus loin et engendre davantage de complexité, tant au niveau matériel que logiciel. En raison de cette complexité, la robotique n’a pas encore été entièrement explorée comme moyen d’expression et de communication. Notre intérêt dans l’optique découle aussi de nos premières explorations de cette science à travers des œuvres comme River is… basée sur les caustiques, la façon dont la lumière se réfracte sur l’eau, ou Mobility où l’on fait référence à un moyen presque oublié de communication à longue distance qui utilise des miroirs et la lumière du soleil. Grâce à l’association du design informatique et des phénomènes optiques, les surfaces et les objets peuvent être transformés en outils de narration qui racontent des histoires ou transmettent des messages.

MM: En tant que professeur et pédagogue, pensez-vous que les nouvelles chaines de production culturelles (investisseur — agence — milieu universitaire — professionnel — artiste) sont en train de changer la manière dont les œuvres technologiques et scientifiques sont produites, si on les compare aux chaines traditionnelles (institution — financement — milieu universitaire — artiste) ? Comment les institutions peuvent-elles travailler dans ce nouveau système culturel ? Comment les commissaires d’exposition et les producteurs peuvent-ils superviser la production et la diffusion de projets artistiques si l’on prend également en compte la possibilité d’utiliser de nouveaux espaces publics comme les nouveaux aéroports, les immeubles commerciaux, les places publiques, etc. ?
JS: Le fait que les entreprises passent aujourd’hui commande pour des œuvres d’art élargit certainement l’éventail de l’art contemporain. Les musées et les collectionneurs suivent à la lettre le canon des beaux-arts tel qu’il est dicté par la critique et le marché habituel. Nos installations artistiques se développent cependant dans l’interstice entre l’art et le design et ne peuvent être aisément associées à une seule de ces pratiques. En vérité, cela ne semble pas poser de problème à nos clients. Ainsi, alors que le secteur privé fait preuve d’une grande ouverture au sujet de l’art basé sur la technologie, les institutions artistiques hésitent encore à cautionner ce genre de travail. Dans ce contexte, les commissaires engagés jouent un rôle important. Leur crédibilité en tant que spécialistes de l’art et leur voix sont pris en compte dans les commandes publiques et permettront, à la longue, de venir à bout des catégories obsolètes.

ART+COM, River Is…, Yeongsan, Corée du Sud, 2012. Photo: © ART+COM

MM: En conclusion, j’aimerais avoir votre avis sur la manière dont la scène internationale des évènements liés aux médias est en train d’évoluer. Se démarquant du format classique de grandes manifestations comme Ars Electronica ou transmediale, une nouvelle typologie de rencontres autour des arts des médias est en train d’émerger, au sein de laquelle les supports numériques sont également considérés comme des instruments permettant à des professionnels d’effectuer un travail commercial (à la frontière) entre l’art, le design, la communication et la créativité. Je veux parler d’évènements comme Offf ou Future Everything ou encore, plus récemment, Resonate qui ne sont pas si éloignés que ça d’évènements purement marketing comme les Ted Conferences, Momo Amsterdam, Seed Design entre autres …

JS: Cela fait maintenant un bon moment qu’Ars Electronica et transmediale existent, et ces manifestations ont été cruciales pour le développement de la pratique artistique liée aux nouveaux médias. Cependant, il est naturel qu’une différentiation naisse du progrès et de la prolifération technologique. Ces nouveaux festivals et conférences visent des nouveaux publics très ciblés, comme la scène du design par ordinateur, et traitent d’aspects précis des nouveaux médias. La raison de leur immense succès est qu’il y a toujours, de toute évidence, un grand engouement pour l’échange personnel, qui ne passe pas par un clavier ou un écran, mais aussi parce que de telles occasions donnent aux participants le sentiment gratifiant d’appartenir à une communauté à part.

interview par Marco Mancuso (DigiCult)
publié dans MCD #74, « Art / Industrie », juin / août 2014

des chercheurs mettent en récit la mobilisation maker

Depuis le début de la crise sanitaire, de nombreux citoyens se sont mobilisés, organisés aussi bien sur le terrain qu’en ligne et ont agi collectivement pour fabriquer du matériel de protection en réponse à l’urgence ou organiser les réseaux de solidarité.

Le collectif, initialement dénommé « Covid-Initiatives », qui s’est constitué dès mars pour recenser ces initiatives de la société civile, dans leur hétérogénéité et leur distribution sur le territoire, sur son site. Le but, dans un premier temps, a été d’aider ceux qui font, ces citoyens qui fabriquent et contribuent d’une manière ou d’une autre, ces « makers » – artisans, ingénieurs, bricoleurs, faiseurs de tous bords – qui agissent dans l’urgence, en centralisant l’information pour rendre visibles et lisibles ces initiatives foisonnantes.

Depuis quelques semaines, les membres du collectif, en voie de constitution d’une association, renommée « Solidaires pour Faire », ont jugé nécessaire de rendre visible les réalités de cette mobilisation, au-delà des chiffres sur les matériels produits et des discours tout faits qui applaudissent les bénévoles « en première ligne ».

Cette nécessité s’est traduite dans une action de mise en récits de l’expérience vécue de ceux que nous proposons de regrouper sous le terme de « citoyens fabricants ». L’écriture de ces expériences se fait à travers deux modalités. D’une part, des entretiens téléphoniques avec des personnes identifiées par les membres de l’association et leurs partenaires sont menés, dans lesquels ils racontent de manière très concrète les nombreux enjeux et difficultés rencontrées durant leur mobilisation.

D’autre part, dans un souci d’inclusivité, les personnes qui souhaitent témoigner sont invitées à le faire, soit en se signalant auprès des membres de l’équipe, soit en écrivant eux-mêmes leur récit. Les récits sont relus par les interviewés afin de retranscrire une parole brute, réelle, sur leur expérience. Ils sont ensuite diffusés sur les réseaux sociaux : Twitter (@Solidaires _ faire) et Facebook (@Solidairespourfaire).

Ces deux modalités de mise en récits sont rendues possibles grâce à l’outil do•doc, conçu et développé par l’Atelier des chercheurs. Embarqué dans l’aventure par l’association Tiers-Lieux Edu, l’Atelier a déployé une instance dédiée à la création de récits de citoyens fabricants et un site qui recense ces récits. Le lancement de ces espaces numériques a donné lieu a un webinaire, qui explique le fonctionnement de l’outil et discute des manières de mettre en récits à travers ce « média ouvert et citoyen ».

Disponibles sous licence Creative Commons et participants d’une logique d’observatoire des situations et des pratiques de fabrication distribuée pendant et après la crise du COVID-19, ces témoignages précieux permettent ainsi à la communauté organisée dans l’urgence de constituer une mémoire, d’analyser les enjeux soulevés par la crise et de faire émerger des problématiques partagées, dans la perspective de construire un après.

publié en partenariat avec Makery.info

Capture d’écran des récits solidaires dans l’outil do*doc. Photo: D.R.

des capacités productives et coopératives révélées sur les territoires

En Bretagne, la mobilisation des makers et fablabs pour soutenir les personnels exposés au coronavirus a été forte et efficace : 2 500 couturières bénévoles se sont mobilisées et 600 maker.euse.s ont produit plus de 25 000 visières durant le confinement. Norbert Friant, référent régional Bretagne pour le Réseau Français des Fablabs pendant la crise sanitaire témoigne pour Makery de cette force collective et se projette sur les suites possibles.

Modèle d’organisation en « point de collecte » proposé par le TiLab et l’Edulab, fablab de l’Université de Rennes 2. D.R.

Pas de masques en réserve, canaux de commandes à l’arrêt, achat de produits majoritairement fabriqués en Chine… Si les institutions, le marché et les acteurs économiques n’étaient pas prêts face au besoin immédiat en protections individuelles, les maker.euse.s et leurs réseaux solidaires, ont rapidement réagi, à travers le monde, en mettant à disposition des plans en licence libre d’équipements validés par des autorités sanitaires permettant de répliquer des productions locales. Norbert Friant, cofondateur du LabFab et responsable du Service Numérique de Rennes Ville et Métropole, apporte un éclairage sur les réponses apportées localement par les maker.euse.s en Bretagne… et saisit l’occasion pour adresser un grand remerciement à tous ceux qui se sont mobilisés.

La Bretagne, terre de fablabs

La Bretagne connaît depuis une dizaine d’années une émergence des acteurs de la fabrication numérique. Des événements tels que « Imagine Construit » dès 2010 à Rennes ou la première Maker Faire en France à Saint-Malo en 2013 ont nourri le territoire, fait éclore des initiatives de lieux (une trentaine de fablabs identifiés aujourd’hui) et permis de passer à l’action que l’on soit à Brest, Lannion, Concarneau, Auray, Fougères, Vitré ou ailleurs en Bretagne.

Pour autant, les maker.euse.s sont encore marginalisés par les acteurs traditionnels. L’image du “bidouilleur – geek” leur colle à la peau. La crise sanitaire met en évidence de nouvelles perspectives, de nouveaux modèles de coopération et de productions locales, à même de nourrir le mouvement des fab cities (ou fab régions – lire notre article sur la Fab City Brest et sur le Fab City Index, NDLR).

Tout d’abord, il faut souligner l’avantage d’agir sur une région où globalement les acteurs se connaissent et ont pour pratique naturelle la coopération. Là encore, des événements comme le Forum des Usages Coopératifs de Brest lancé en 2004, ont permis de faire se rencontrer tous les deux ans de nombreux acteurs, dont les Fablabs et maker.euse.s du Grand Ouest. En Juillet 2018, l’organisation d’une étape FAB14, à Auray, a également pu démontrer cette capacité coopérative locale.

Cartographie des fablabs réalisée par Guillaume Rouan. D.R.

Coordonner pour s’entraider

Dès le début de la crise sanitaire, une plateforme est mise en place pour recenser les actions, connecter les demandes et anticiper la suite avec des acteurs économiques. Concrètement, les fablabs et maker.euse.s ont commencé à produire des pièces en impression 3D juste avant le confinement mi-mars, grâce au retour d’expérience de maker.euse.s italiens.

Une coordination nationale s’organise pour documenter, certifier et partager les pratiques (plan 3D, validation, prototypes…) par le biais du Réseau Français des FabLabs (RFF) et de référents régionaux afin de faciliter la remontée d’informations. La Bretagne a bénéficié des expériences de Normandie ou d’Occitanie et pu partagé ses expériences avec les régions Grand Est et Île-de-France.

En Bretagne où les initiatives maker.euse.s ont fourmillé, il ne fallait surtout pas chercher à centraliser ou à envisager le montage d’une structure. La coordination consistait à partager les pratiques et s’entraider. Le LabFab (réseau de fablabs autour de Rennes) avec l’appui de Benoît Vallauri, coordinateur du TiLab (Laboratoire d’innovation publique) s’est mis en lien avec les différents acteurs : Brest, Lannion, Auray, Lorient, Saint-Brieuc :  « Cette réponse émergente à la crise COVID, aura agi comme un révélateur de certaines ressources enfouies, et bien implantées dans le tissu social des territoires bretons. »

Ce qui aura permis de mettre en évidence très vite deux problématiques communes aux maker.euse.s  : d’une part la gestion du stock de matériaux (filaments, tissus) pour les maker.euse.s, avec un risque de pénurie compte tenu de la demande brutale à l’échelle nationale et européenne ; d’autre part, le lien avec les acteurs économiques pour assurer le passage à une échelle de production largement supérieure.

La coordination s’est aussi attachée au retour d’expériences des utilisateurs pour une prise en compte par des « makers prototypeurs », puis des « valideurs » (avec certification en lien avec Bretagne Développement Innovation – on vous en parlait ici – Biotech Santé Bretagne et l’Agence Régionale de Santé) et enfin la production d’une documentation ouverte accessible à tous les « makers producteurs ». Car, les métiers exposés aux contacts de la population recherchaient des solutions adaptées.

Des modifications étaient parfois nécessaires sur les plans à imprimer en 3D. La valeur est dans les détails identifiés par les utilisateurs eux-mêmes. C’est ainsi que les pompiers de Rennes ont pu tester 6 modèles de visières et faire des retours aux makers qui ont adapté les supports. Le Commandant Knoepffler a alors décidé d’équiper l’ensemble des véhicules des trois centres de secours de Rennes (Villejean, Beauregard et Le Blosne), soit une soixantaine de visières.

Modèle d’organisation en « usinette » proposé par le TiLab et l’Edulab, fablab de l’Université de Rennes 2. D.R.

La démarche régionale en soutien aux makers.euse.s

La tension sur les matières (filament, tissu…) mise en exergue a nécessité un soutien à l’échelle régionale pour que les maker.euse.s puissent continuer à agir. En avril, une enveloppe régionale de 30 000€ est alors débloquée et fait l’objet d’une validation avec la Région conformément à un règlement co-rédigé par des makers.euses.

Trois postes de dépenses sont définis afin de flécher au mieux cette aide : une commande massive de PLA (filament pour Imprimante 3D) pour reconstituer les stocks des maker.euse.s et des fablabs, un soutien aux collectifs de couturier.e.s à l’achat des tissus pour la confection de masques et blouses solidaires et enfin une participation aux frais de déplacement des personnes ayant effectués la logistique durant cet épisode de crise.

La région a été découpée en trois secteurs géographiques, avec pour chaque secteur, un acteur reconnu par la communauté des maker.euse.s et fablabs chargé de l’usage de la portion de l’enveloppe régionale attribuée. Cette subvention, exceptionnelle, mais relativement modeste face aux productions massives, assure au moins une reconnaissance officielle des actions conduites par les maker.euse.s et symbolique pour maintenir leurs initiatives.

Assemblage de visières au Fablab du Pays de Lorient. Photo : © Florian Mausy

Et après ?

De nombreux articles ont été publiés par la presse locale et nationale valorisant les capacités productives sur les territoires des couturier.e.s et mak.er.euse.s volontaires. Ces compétences, non délocalisables, se structurent aujourd’hui en coopérative afin de répondre à des nouveaux besoins, comme la commercialisation de masques en articulation avec les acteurs économiques.

Le cadre réglementaire va certainement évoluer, comme en témoigne la note de la Direction générale du travail sur le “travail” bénévole des maker.euse.s, ne reconnaissant pas l’économie du don, et l’opposant à l’économie classique. Des hybridations sont pourtant envisageables. Même si ce sujet n’est pas nouveau, la crise actuelle met en lumière la complémentarité entre les capacités productives industrielles importantes et les petites productions, agiles, permises localement par fabrication numérique. Les productions des maker.euse.s ont, en plus des personnels soignants, fourni des petites structures (cabinets infirmiers, cabinets de médicaux, commerçant.e.s, …), souvent en milieu rural, n’ayant pas toujours les contacts pour s’en procurer facilement.

Cependant, à ce stade de préfiguration et de sortie de confinement, le modèle le plus immédiat reste encore le passage à la commercialisation. C’est notamment le cas de la coopérative des couturières masquées en Île-et-Vilaine, qui leur permet de se regrouper et de vivre de leur travail ou encore de l’Usine Invisible dans le Morbihan. Ces entreprises commercialisent aujourd’hui des modèles de masques réutilisables grands publics.

Pour viser plus loin, au moins trois approches très concrètes sont envisageables en mobilisant les makers.euses.s : 1/ identifier les défis à résoudre sur les territoires en provoquant davantage de rencontres avec les collectivités ; 2/ encourager des modèles axés sur la coopération locale, l’échange de compétences ou l’optimisation en renforçant les collaborations avec des acteurs économiques ; 3/ associer à des opérations d’aménagement (requalification d’un quartier, d’un village ou d’une friche industrielle) le potentiel des makers.euses.s dès les premières étapes avec les décideurs locaux, les architectes et les usagers. L’hybridation de la maîtrise d’ouvrage avec le prototypage d’usages convolerait les contraintes que savent se fixer les makers.euses.s : environnement, lien social, proximité, apprentissage collectif, partage et préservation des ressources…

En Bretagne, ce travail de cultivateurs mené depuis 10 ans par les pionniers fondateurs des Fablabs a donc produit un écosystème de makers.euses.s. Ils sont généralement efficaces, mais discrets et la crise les a révélés. Cette production distribuée a mis en lumière et en application les principes de la Fab City, mouvement international dans lequel en Bretagne, les Métropoles de Brest et Rennes sont inscrites. Les fablabs et makers.euses.s doivent maintenant être encouragés à s’emparer de projets collectifs, et y participer réellement par le Faire ensemble.

Norbert Friant
publié en partenariat avec Makery.info

quantifier les communautés pour analyser une pandémie

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Si l’Initiative OpenCovid19 de JOGL est née d’une crise, les collaborations multidisciplinaires qui se tissent entre ses membres autour d’un nombre croissant de projets prouvent que cette plateforme ouverte en ligne est beaucoup plus qu’une mobilisation éclair. Que nous racontent les chiffres ?

Avatars des membres du Slack pour l’Initiative OpenCovid19 regroupés par canaux dans TeamChatViz. Photo: © JOGL

Marc Santolini, un des cofondateurs de Just One Giant Lab (JOGL) avec le pionnier français de la biologie communautaire Thomas Landrain et le bioinformaticien Léo Blondel, a passé les deux dernières années au Centre de Recherche Interdisciplinaire (CRI) à étudier comment les communautés s’organisent et collaborent en utilisant la science des réseaux et des approches basées sur les données dans le but de développer des outils qui facilitent l’intelligence collective.

Dans le cadre de l’Initiative OpenCovid19, il dirige l’équipe Metastudy pour examiner de près l’activité de cette communauté ouverte depuis son lancement en mars 2020. En même temps, l’équipe développe un système de recommandation algorithmique pour optimiser les correspondances entre les besoins des projets et les compétences ou les ressources des contributeurs du réseau.

« L’idée c’est que derrière JOGL il y a un réseau d’acteurs, explique Marc Santolini. Ces acteurs sont liés à des projets qu’ils suivent, à des personnes avec qui ils interagissent, à des compétences, à des besoins, et bien d’autres objets qui sont sur la plateforme. C’est un réseau d’acteurs que nous appelons un réseau d’information hétérogène. L’algorithme prédit des connexions potentielles dans ce réseau hétérogène.

En d’autres termes, nous pouvons prédire un lien d’une personne à une autre personne qui n’existe pas encore, mais basé sur le réseau, nous pouvons dire que très probablement il devrait exister. Nous pouvons le faire en nous appuyant sur la structure du réseau, mais aussi sur certains méta-chemins du réseau que nous voulons mettre en avant. Par exemple, nous pouvons faire de la correspondance entre des besoins qui existent sur la plateforme et des gens qui pourraient répondre à ces besoins, ou entre des projets similaires. »

Fonctionnant en prototypage itératif, l’équipe a déjà appliqué cette méthodologie pour mieux connaître l’espace de travail Slack OpenCovid19, où l’outil d’analyse TeamChatViz indiquait que les nouveaux membres étaient souvent bloqués à l’entrée du réseau. À présent, les nouveaux membres sont automatiquement inscrits à des canaux où ils sont susceptibles de faire des rencontres intéressantes, de personnes qu’ils n’auraient peut-être pas connues autrement.

Marc Santolini et Bastian Greshake Tzovaras, codirecteurs de la communauté Open Humans pour l’auto-recherche sur les données de santé personnelles, ont récemment reçu une subvention Nesta sur l’intelligence collective pour animer ces groupes de recherche menée par les patients (les personnes suivent et analysent leurs propres symptômes, les diabétiques construisant leur propre matériel…). JOGL aidera ces personnes à mieux s’organiser en communautés d’auto-recherche plus spécialisées en développant un système dédié de recommandations et en testant leur impact relatif en les comparant à des recommandations randomisées.

Visualisation des liens entre des projets JOGL en avril 2020. Photo: © JOGL

La puissance des pairs

Cohérente avec cette approche horizontale, la sélection des projets OpenCovid19 pour les micro-bourses de JOGL est déterminée par les évaluations d’autres membres (peer reviews) du réseau OpenCovid19. Ce processus participatif a été conçu par Chris Graham et Elliot Lawton, sur la base de l’architecture originale du programme JOGL Co-Immune. Ce dernier a également servi de base pour la communauté jumelle d’OpenCovid19, Helpful Engineering.

« Dans le monde universitaire, le financement des bourses est lent, l’évaluation par les pairs est lente, et honnêtement, toute la science est lente, à moins de concentrer ses efforts sur un champ très réduit. Mais tout cela peut être accéléré par la collaboration et l’augmentation du nombre de personnes afin de répartir les responsabilités de certains individus, avance Chris Graham. Chez JOGL, le système ouvert des bourses et l’analyse des réflexions collectives sur les projets qui en découle nous permettent de soutenir financièrement et de manière éthique une liste de projets fantastiques qui conviennent à la fois à la science et à la communauté. »

« Je crois à la science ouverte et au partage collectif des idées, poursuit-il. Nous rêvons tous qu’à l’avenir, les scientifiques utiliseront le Web pour collaborer et atteindre leurs objectifs de manière plus efficace, en brisant toutes les barrières hiérarchiques traditionnelles pour aller directement à la source, qu’il s’agisse de financement, de partage d’idées ou d’évaluation par les pairs. »

Pendant que JOGL collabore avec Kap Code pour créer une base de données ouverte sur le Covid-19, Kaggle a déjà lancé son COVID-19 Open Research Dataset (CORD-19), un ensemble de plus de 63.000 articles universitaires libres d’accès sur le Covid-19, le Sars-CoV-2 et d’autres coronavirus, suivi par « un appel aux experts du monde en intelligence artificielle pour développer des outils d’analyse de texte et de données qui puissent aider la communauté médicale à trouver des réponses aux questions scientifiques les plus pressantes ».

Au CRI, Marc Santolini (avec un de ses associés postdoctorant dont le sujet de recherche est « l’émergence et la disparition des champs de recherche ») compte explorer à fond les dynamiques entre chercheurs dans le contexte Covid-19, par exemple en analysant leurs comportements en terme de citations de leurs pairs et des projets réalisés, afin de les comparer avec les relations collaboratives sur le réseau de JOGL.

« Les gens ont-ils été plus collaboratifs ou au contraire plus compétitifs que d’habitude ? se demande Marc. Peut-on tracer un comparatif entre la communauté qu’on a réussi à faire émerger, qui a réussi à collaborer et à mener à bien des projets, et les collaborations et réussites du monde universitaire traditionnel ? En résumé, nous voulons analyser les différences entre les approches institutionnelles et non-institutionnelles dans ce sprint de la recherche sur le Covid. Quelles sont les forces particulières des communautés ouvertes ? »

Résultats du deuxième tour des micro-bourses de JOGL. Photo: © JOGL

Des prédictions à partir de données participatives

En plus de ces projets métascientifiques axés sur les données au sein de la communauté JOGL elle-même, de nombreux projets sur la plateforme se concentrent sur la recherche et le développement de méthodes de collecte de données, d’analyses, de modèles et de simulations pour décrire et prédire la pandémie de Covid-19.

Un des projets en intelligence artificielle les plus ambitieux sur JOGL (ainsi que sur la plateforme spécialisée CoronaWhy) est le Computational Epidemiology Modeling Toolkit (#epimodelingtoolkit) de John Urbanik, un ensemble d’outils ouverts qui permettent aux épidémiologistes d’échanger des données et de créer des modèles de l’évolution du Covid-19 dans des situations précises. Le projet est similaire à des efforts parallèles de la part des contributeurs au défi de prédiction Covid-19 de Kaggle ou de l’équipe universitaire derrière le site EpidemicForecasting.org.

Deux autres projets de l’Initiative OpenCovid19, tous deux lauréats de micro-bourses de JOGL, font face à la pandémie en utilisant des données désidentifiées provenant de sources participatives et communautaires. Leurs approches open source se distinguent des applications institutionnelles plus hiérarchiques.

Quantified Flu est un projet en cours porté par le chercheur au CRI Bastian Greshake Tzovaras et Mad Price Ball qui dirigent tous deux la communauté Open Humans. Il a pour but de rassembler, visualiser et analyser les données brutes récupérées par des appareils personnels de santé (Fitbit, Oura Ring, Google Fit, Apple Watch). Les participants ont accès en priorité à ces données pour essayer de comprendre leurs propres symptômes ; ils peuvent également choisir de les partager avec la communauté Open Humans ou même les chercheurs universitaires.

Du côté institutionnel, l’appli mobile COVID Symptom Study, approuvée par les gouvernements d’Écosse et du Pays de Galles et lancée par un épidémiologiste du King’s College London et sa société Zoe, invite des millions de citoyens au Royaume-Uni et aux États-Unis à surveiller leurs symptômes en temps réel, pour éventuellement aider les universitaires à prédire la probabilité d’une infection de Covid-19.

CoughCheck App est un projet IA pour développer une application mobile qui analyse le son de votre toux pour déterminer sa prédiction algorithmique. Suite à son lancement à grand succès sur JOGL en mars, CoughCheck App compte actuellement 47 membres et 27 abonnés, et le porteur du projet Hernán Morales Durand collabore avec Open Humans pour récolter et stocker des échantillons sonores et autres données sur la santé des participants. En parallèle institutionnel, le COVID-19 Sounds App développé par l’université de Cambridge sollicite des gens du monde entier à contribuer les sons de leurs toux, souffle et voix pour avancer leur recherche universitaire.

Des simulations de la courbe invisible

Une des forces inhérentes à JOGL en tant que plateforme mondiale, ouverte et collaborative est sa capacité de prolonger ses tentacules au-delà du biohacking, au-delà du monde universitaire, au-delà des réseaux sociaux pour pénétrer dans le chaos désordonné des communautés du monde réel. Ces communautés défavorisées et exceptionnellement denses des bidonvilles, des dortoirs de travailleurs migrants ou des camps de réfugiés surpeuplés nous rappellent que la distanciation sociale est un luxe. Si ces populations sont parmi les plus à risque en cas d’épidémie, elles sont souvent négligées par les prédictions officielles.

Il y a quelques mois, Billy Zhao, cofondateur de la communauté AI for Good London, a rassemblé une équipe internationale et multidisciplinaire de collaborateurs de l’Angleterre à l’Éthiopie pour étudier et modéliser la propagation possible de Covid-19 dans le camp de réfugiés Moria en Grèce. En avril, l’équipe est primée dans le hackathon Hack from Home pour la démonstration de faisabilité de leur projet AI for Good Simulator. Toujours à la recherche de collaborateurs issus d’une communauté plus vaste, le projet de simulateur a depuis rejoint l’Initiative OpenCovid19 de JOGL.

Avec ses milliers de tentes plantées sur une surface de moins d’un kilomètre carré, où habitent plus de 19.000 réfugiés venus de la Syrie et de l’Afghanistan, Moria est le plus grand camp de réfugiés en Europe. « Il y a des gens qui y habitent depuis des années dans des situations très tendues, raconte Billy. Ils se méfient des autorités, car ils étaient censés quitter l’île de Lesbos il y a longtemps, mais le gouvernement n’a pas tenu ses promesses.

Dans certains cas, les résidents du camp n’ont pas de téléphones portables, ce qui fait que c’est difficile de les contacter. On veut vraiment comprendre leurs attitudes envers les différentes interventions possibles, pouvoir estimer combien de personnes vont effectivement suivre les règles, savoir ce qu’on peut envisager dans le camp. Actuellement ils ne sont même pas sûrs qu’il y ait suffisamment de terrain ou de capacité pour installer des centres de quarantaine. »

Heureusement, parmi les membres au sein de l’équipe du AI for Good Simulator figure Alice Piterova, qui a beaucoup d’expérience avec les acteurs de l’humanitaire après avoir travaillé chez Techfugees, et Joel Hernandez, qui travaille avec une ONG sur place au camp Moria depuis plusieurs années. Billy a recruté une vingtaine de bénévoles sur les sites de Help with COVID et Data Science for Social Good, en espérant trouver d’autres sur JOGL. L’équipe est divisée en trois sous-groupes : la recherche sur les utilisateurs, la modélisation mathématique de l’épidémiologie et la visualisation des données pour le tableau de bord final. Ils sont également en contact régulier avec des épidémiologistes de la London School of Hygiene and Tropical Medicine.

Ensemble, ils travaillent sur la conception et le développement d’un modèle épidémiologique spécifique au camp Moria pour soutenir les ONG dans leurs actions de mobilisation et aider les autorités locales à rapidement implémenter des mesures efficaces. « Car au moment où l’on découvre le premier mort au sein du camp, le virus est probablement partout, il est peut-être déjà trop tard » prévient Billy.

Quant au AI for Good Simulator, Billy pense qu’il faut prendre le temps de recherche et de développement nécessaire pour bien contrôler son application sur le terrain. L’équipe compare actuellement trois modèles différents, dont un modèle basé sur la recherche universitaire d’une épidémie de choléra en 2014 dans le camp de réfugiés Daadab au Kenya.

« Ces trois différents modèles sont tous extraits d’une même réalité, mais parce qu’ils ont des hypothèses différentes, chacun raconte une histoire différente, explique Billy. Lorsque les trois modèles sont en accord, on voit tout de suite quelle serait probablement la meilleure intervention. Mais quand ils sont en désaccord, on peut les disséquer en disant cette hypothèse mène à ceci, cette autre hypothèse mène à cela, aussi il serait prudent d’y réfléchir un peu plus. »

« Maintenant nous sommes dans une première phase d’exploration, en contactant les différentes ONG pour essayer de comprendre leurs besoins, ce qu’ils font actuellement. Il y a également des groupes universitaires qui réfléchissent à comment utiliser des images de satellite haute-résolution pour identifier les points de congestion à l’intérieur du camp… Donc il y aura d’autres applications IA à faire dans le futur. »

Se projeter

Pendant que tous ces projets gagnent des membres sur JOGL, la plateforme collaborative continue à raffiner ses recommandations afin de créer des synergies pour un avenir durable au-delà du Covid-19.

« Après le feu de la crise vient le défi de pouvoir stabiliser ces projets de collaboration ouverte sur la durée, rappelle Marc Santolini. Des stratégies intelligentes sont essentielles pour orienter les nouveaux membres des communautés qui grandissent rapidement et où il est facile de se perdre. Aussi il est important de créer une architecture d’attention avec des systèmes de recommandations, mais il faut qu’elle tienne compte des besoins spécifiques associés aux différentes phases du cycle d’un projet : formation des équipes et des idées, implémentation, documentation. L’équipe de JOGL collabore actuellement avec des chercheurs en sciences sociales, des informaticiens, des chefs de projet et des spécialistes de l’expérience utilisateur pour aider à concevoir cette architecture. Paradoxalement, c’est l’intelligence collective qui est au cœur de son propre design. »

Cherise Fong
publié en partenariat avec Makery.info

Rejoindre l’Initiative OpenCovid19 de JOGL

Quantifying communities to analyze a pandemic

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If JOGL’s OpenCovid19 Initiative came out of a crisis, the multidisciplinary collaborations that are forming among its members around a growing number of projects prove that this open online platform is much more than a flash mob. What does the data say?

OpenCovid19 Initiative Slack users clustered by channel membership on TeamChatViz. Photo: © JOGL

Marc Santolini, one of the co-founders of Just One Giant Lab (JOGL) with bio-community leader Thomas Landrain and computational biologist Léo Blondel, has spent the past two years at the Center for Research and Interdisciplinarity (CRI) in Paris investigating collaborative learning and solving using network science and data-driven approaches, with the goal of developing tools to foster collective intelligence.

In the case of OpenCovid19 Initiative, he has been leading a Metastudy team to examine how this open community has been self-organizing during the past two months since its launch. At the same time, the team is developing an algorithmic recommendation system to optimize matches between project needs and contributor skills and resources.

“The idea is that behind JOGL there is a network of actors,” Marc explains. “These actors are connected to projects they follow, to people they interact with, to skills, needs and lots of other objects that are on the platform. This network of actors is called a heterogeneous information network. The algorithm predicts potential connections on this heterogeneous network. In other words, we can predict a connection between two people that doesn’t yet exist, but based on the structure of the network, we can say that it should very probably exist. We can also make recommendations based on certain meta-paths within the network that we want to push, for example, matchmaking skills with needs, or between similar projects.”

Prototyping on the go, the team has already applied this methodology to gain insight from the OpenCovid19 Slack workspace, where the TeamChatViz tool showed that new members were often bottlenecked shortly after onboarding. Now, new members are automatically joined to channels where they are most likely to make connections—with people they might not have met otherwise.

Visualization of linked JOGL projects in April 2020. Photo: © JOGL

Powered by peer review

Consistent with this lateral approach, JOGL’s micro-grants for OpenCovid19 projects are awarded based on peer reviews by fellow members of the OpenCovid19 community. This participatory process was co-designed by Chris Graham and Elliot Lawton, based on the original architecture of JOGL’s Co-Immune program. The latter was also used for OpenCovid19’s sibling community, Helpful Engineering.

“In academia, grant funding is slow, peer review is slow, and honestly, all science is slow unless you focus on a very small area—and this is all sped up by collaboration and by increasing the number of people to remove the burden on individuals,” says Chris Graham. “At JOGL, the open grant system, and an analysis of the collective thoughts on projects that this brings, has let us assign funding ethically to a list of fantastic projects that both science and community agree with, and it’s already helping us thrive.”

“I believe in open science and the sharing of ideas collectively,” he continues. “We all have a dream that in the future, scientists will be using the Web for collaboration and to achieve their goals more efficiently, breaking down many hierarchical barriers that exist traditionally and getting straight to the source—whether it be funding, sharing ideas or peer review.”

While JOGL is currently collaborating with Kap Code to create an open database on Covid-19, Kaggle has already made available the COVID-19 Open Research Dataset (CORD-19), which includes more than 63,000 scholarly articles about Covid-19, Sars-CoV-2 and related coronaviruses—followed by “a call to action to the world’s artificial intelligence experts to develop text and data mining tools that can help the medical community develop answers to high priority scientific questions”.

At CRI, Marc Santolini (along with his lab postdoctoral associate whose research topic is on “the rise and fall of research fields” from disruption to decay) plans to fully investigate #CoronaResearchDynamics within CORD-19, for example in terms of peer citations and projects realized, in order to compare and contrast with collaborative relationships within JOGL.

“Were they more collaborative or more competitive?” Marc probes. “Can we visualize a comparison between the community of thousands that we managed to weave, who succeeded in collaborating and realizing projects, versus more traditional collaborations and accomplishments in the academic world? In short, we want to analyze the differences between institutional and non-institutional approaches during this sprint in Covid research. What are the particular strengths of open communities?”

Peer-reviewed results of JOGL micro-grants Round 2. © JOGL

Predicting from crowdsourced patterns

Beyond these data-driven metascience approaches on the JOGL community itself, many projects have emerged on the platform that focus on researching and developing data collection methods, analyses, models and simulations to describe and forecast the Covid-19 pandemic.

One of the most ambitious data analysis projects on JOGL (also on the data-oriented CoronaWhy platform) is data scientist John Urbanik’s Computational Epidemiology Modeling Toolkit (#epimodelingtoolkit): an open source toolkit and data exchange for epidemiologists to develop simulation models for the evolution of Covid-19 in specific situations. It’s similar to parallel efforts by contributors to Kaggle’s Covid-19 forecasting challenge, or the academic team behind EpidemicForecasting.org.

Two other OpenCovid19 Initiative projects, both awarded JOGL micro-grants, tackle pandemic problems using de-identified crowdsourced data on a community scale. Their open source approach contrasts with more top-down institutional applications.

Quantified Flu is an ongoing project led by Bastian Greshake Tzovaras and Mad Price Ball of Open Humans, to aggregate, visualize and analyze raw sensor data from wearable health devices (Fitbit, Oura Ring, Google Fit, Apple Watch), which symptom self-tracking members can also access and choose to share. On the institutional side, the government-endorsed COVID Symptom Study iOS/Android app, launched by a genetic epidemiologist at King’s College London and his company Zoe, currently invites millions of citizens in the UK and the U.S. to track their symptoms in real-time, allowing the gatekeeping academics to potentially predict the probability of Covid-19 infection.

CoughCheck is an AI project to develop a smartphone app that analyzes the sound of your cough to inform its algorithmic prediction. Following a highly successful launch on JOGL in March, the project now counts 47 members and 27 followers, while team leader Hernán Morales Durand is collaborating with Open Humans to collect and store audio samples and other community health data from participating self-researchers. In institutional parallel, the COVID-19 Sounds App developed by the University of Cambridge solicits people worldwide to volunteer the sounds of their cough, breathing and voice, either through a mobile app or directly on their website, to contribute to its own academic research.

Simulating the invisible curve

One of JOGL’s inherent strengths as a global, open and collaborative platform is its ability to extend its tentacles beyond biohacking, beyond academia, beyond digital social media and into the dirty, messy offline chaos of real-world communities. These exceptionally dense, marginalized communities of urban slums, migrant worker dormitories and overpopulated refugee camps remind us that social distancing is a luxury that not everyone can afford. While these populations are among the most vulnerable to a Covid outbreak, they are often unaccounted for or overlooked by official predictions.

A couple months ago, data scientist Billy Zhao, co-founder of the AI for Good London community, assembled an international, multidisciplinary team including collaborators from Italy to Ethiopia to focus specifically on studying and modeling the potential spread of Covid-19 in the Moria refugee camp in Greece. In April, the team entered (and won) the international Hack from Home hackathon with a proof of concept for their AI for Good Simulator. The project has since joined JOGL’s OpenCovid19 Initiative, as the team reaches out to an expanded global community.

With thousands of tents pitched in an area of less than one square kilometer that is grossly overcrowded with some 19,000 refugees from Syria and Afghanistan, Moria is the largest refugee camp in Europe. “Some people have been there for years, living in tense situations,” says Billy. “They have a deep distrust in authority, because they should have gotten off the island of Lesbos to go to the mainland ages ago, but the government failed them as a promise.

In some cases, there isn’t much community engagement where the camp residents don’t have mobile phones. So it’s hard to get in contact with them, as we really want to find out people’s attitudes towards different possible interventions, to estimate how many people are going to actually follow the rules, what things will be feasible. Right now they’re not even sure if there’s enough land or capacity for quarantine facilities.”

Fortunately, the AI for Good Simulator project’s core team includes Alice Piterova, who has a strong connection with humanitarian actors after working with Techfugees, and Joel Hernandez, an NGO worker who has been working on the ground in Moria for the past several years. So far, Billy has recruited about 20 volunteers through Help with COVID and Data Science for Social Good, with hopefully more soon to come through JOGL. The volunteers are divided into three sub-teams: user research, mathematical epidemiology modeling, and data visualization for the final dashboard. The team is also in regular contact with epidemiologists at the London School of Hygiene and Tropical Medicine.

Together, they are working to design and develop a site-specific epidemiological model to support NGOs in mobilizing actions and inform sound policies by local authorities in a timely manner. “Because once the first death shows up within the camp, the virus is probably everywhere, it might be already too late,” warns Billy.

For the AI for Good Simulator, he also believes that it’s worth taking the time and doing the research to get things right. The team is currently comparing three different models, including a compartment model and an agent-based model based on the academic study of a 2014 cholera outbreak in the Daadab refugee camp in Kenya.

“These three different models are all an extraction of the same reality, but because they have different assumptions, they each have a different makeup that tells you a different story,” says Billy. “So when the models agree from all these angles, you see that this is probably the best intervention we should go for. But when the models disagree, you can actually pick them apart and say, this assumption leads to this, this assumption leads to that, and maybe we need to think about it a little bit more.

“Right now we are still in this first phase of exploring, getting in touch with these different NGOs and trying to figure out their needs, what’s currently being done. There are also academic organizations that are thinking about using high-resolution satellite imagery to see where the congestion spots are within the camp… So there are more AI applications to be done down the road.”

As these projects gain followers on JOGL, the collaborative platform continues to refine its recommendations, matchmaking members and fostering synergies for a sustainable future beyond Covid-19.

“With the heat of the crisis now behind comes the challenge of stabilizing and sustaining such open collaborative projects in the longer term,” says Marc Santolini. “New members of communities that scaled up quickly can easily get lost, and smart onboarding strategies are key to sustaining such efforts. Creating an architecture of attention with recommender systems is key, but their design needs to take into account the specific needs associated with various phases of a project cycle: team building and ideation, implementation, documentation. The JOGL team is now collaborating with social scientists, computer scientists, project managers and user experience specialists to help design this architecture. Ironically, collective intelligence is at the core of its own design.”

Cherise Fong
published in partnership with Makery.info

Join JOGL’s OpenCovid19 Initiative

ramp up their response

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In the UK, the Covid-19 crisis has mobilised citizens eager to join the common fight against the pandemic. DIY problem-solving makers and open-source engineers, in collaboration with clinical teams, are contributing their technical expertise to the collective response.

Professors Rebecca Shipley and Tim Baker of UCL Mechanical Engineering worked on an open source ventilator for Innovation Action. Photo: © UCL

Since March, and the beginning of the lockdown, the UK has seen myriad maker responses to the pandemic, more or less organised in networks. Among the dozens of initiatives, a few projects stand out: Innovation Action, a platform usually focused on assistive technologies for disabled people, donated its resources to serve the fight against Covid-19; Helpful Engineering UK, a delegation of the international network Helpful Engineering, mobilised some 3,500 people sharing models and contributing skills; SHIELD, a cooperative of associations, consolidated efforts by linking projects to complementary strengths through a national database of institutions, many lacking materials (around 250,000 pieces, or £1M (1.12M€) of equipment have been distributed through this platform).

Makerspaces are also taking action locally. In Cambridge, Makespace members develop open source projects, which they produce, document, share online and deliver throughout the city. In southwestern Cornwall, the art-science-nature lab Foam produces cloth masks that they deliver to care homes or community care groups—as an example of the “cottage industry”, where individuals produce and sew from their homes with provided materials, reminiscent of the domestic industry of the proto-industrial era. In total, 4000 masks have been sewn for Cornwall’s care homes.

“The interesting thing is that without any top-down governmental support, an alternative distribution network has appeared, seemingly very quickly,” explains Foam co-founder Dave Griffiths. “We e-mail our contact when we have a batch ready to go, they tell us the address of a care home or community care group who need them. It was alarming when the local hospital started asking for them.”

In the cottage industry, masks are sewn on centenary machines (such as this 1911 Singer):

 

Top priority: PPE

The UK is no exception when it comes to the dire shortage of personal protective equipment (PPE). Face shields are first in line, and often the first response of most local initiatives. “They were clearly in shortage and relatively easy to manufacture,” sums up Nigel Daly, head of Helpful Engineering’s UK delegation (HEUK).

Some 8,000 volunteers from 3DCrowd, a community of “3D printing warriors”, printed and delivered more than 65,000 single-use face shields to National Health Service (NHS) workers—“a kind of face-shield Amazon (but free)”—thanks to over £138,000 (154,000€) in donations. In Cambridge, Makespace produced more than 5,500 shields. Once the equipment was distributed to local healthcare workers, the community launched a call to deliver the 3,500 remaining units: “We were overwhelmed with responses from care homes, schools, hospices, funeral homes, people looking after their parents.”

At SHIELD, an umbrella organisation that includes Women in 3D printing, HEUK and Med Supply Drive UK, volunteers produce 1,200 to 1,500 goggles, face-shields and masks per day, and aim to produce 10,000 units daily. The organisation relies on their “3d printing farm” of some 70 3D printers at Makerversity, a makerspace/accelerator in Somerset House. “We iterated on the 3D printers,” explains Dominic Pimenta, cardiologist, co-founder of SHIELD and president of the nonprofit organisation Heroes, through which he raised more than £650,000 (724,000€), where £305,000 (340,000€) went toward PPE production. “It takes a lot of quality-control time and a lot of manual work. Next stage, we are going to try injection moulding.” It’s also a more efficient technique that “removes the need to clean the headband before going out”.

HEUK volunteers collaborated with the makerspace Building Bloqs, which gave them free access to laser cutters and mobilised its community. “We are proud to see how quickly we have been able, in two weeks, to mobilise our community, source materials, produce 5,000 face shields and publish the documentation,” comments Makespace member Julia Citron.

Introduction to SHIELD, late April 2020

 

Expert communities

During this health crisis, makerspaces have fully assumed their role as innovative rapid prototypers, who are also agile in finding funding and mobilising their volunteer communities, with highly sharpened skills and expertise.

Between SHIELD and HEUK, skills are complementary. “We are providing technical and manufacturing advice,” explains HEUK’s Nigel Daly, himself a manager of engineering projects. “SHIELD are helping us in terms of distribution, clinical feedback and funding.” In addition to having a close relationship with healthcare workers, SHIELD’s Dominic Pimenta has been able to test the prototypes directly through his work as a cardiologist.

In Cambridge, this high level of expertise has been key to an efficient response. Makespace created a database where each member was invited to list their skills, so that the team could then match specific makers to specific projects and needs. “One of our community members works for the mechanical engineering department of the local hospital,” says Julia Citron. “We made a spreadsheet with all the designs that people have seen online, a list of ventilators, masks, goggles, gloves. We shared it with the clinic through this person and asked which ones they needed in priority.” She says that another member, who is a software developer, “created a software to track the batches, so if someone came and later had symptoms of Covid-19, we knew which batches they touched and could put these boxes in quarantine.”

From DIY to mass production

Beyond their proven methods of action, volunteers also created links with local industries. Confronted with the shortage of plastic for face shields, Makespace was able to source materials through another one of their members, who is employed in the food-packaging industry. “Our role is not in mass manufacturing,” Citron emphasises. “Once the design is approved, the documentation is published and shared with local industries, which have production capacities of up to 10,000 units a day.”

SHIELD works closely with industries such as Rolls-Royce, which helped them cut face shields, as well as manufacturers of plastic and 3D printers. The organisation is currently trying to maintain a steady and sustainable production line, while securing government funding in order to scale up production.

Cardiologist and SHIELD founder, Dominic Pimenta, ready for his shift. Photo: © Dominic Pimenta

The certification conundrum

Acting on behalf of the greater good without self-interested profit isn’t easy, especially when it comes to equipment certification. HEUK’s Nigel Daly regrets that regulation standards, as defined by BSI, are extremely exacting: “The barriers in terms of cost and time for small-scale manufacturers are high. Our testing for the face shields takes 3 to 4 weeks and costs 1,000 pounds [almost 1200€].”

If some tests are common sense, such as making sure the visor covers enough of the face to be protective, some are “less sensible”, says Daly. “For example, you have to put your visor in an oven at 55 degrees for 60 minutes and test to see if it deforms. This scenario is not going to happen. Any visor would melt in these conditions.” This might be understandable for sterilising the equipment, but it is done chemically using 70% alcohol, Daly retorts.

“To get certification is incredibly difficult,” confirms Dominic Pimenta. “And rightly so.” SHIELD members developed a ventilator with a filter from a scuba mask. The model is currently being tested by BSI, at a cost of £18,000 (20,000€) to be footed by the organisation. “Once it is an approved product, we can donate it all over the world!” Pimenta rejoices.

One of the main hurdles is the CE marking, a lengthy and costly certification that is compulsory for local action, Daly explains. If an organisation wishes to give the equipment produced to central NHS procurement, the latter will be in charge of the certifications. “Most local charities want to meet local needs,” says Daly, especially since the central procurement service has been impacted by confusion and dysfunction. Notably, the government assured that there was no shortage but instead “distribution issues”, before admitting some problems with supply.

A number of alternative spaces used designs that had been approved by NGOs or had already been used by hospitals, but on May 7 the British government published some rules to follow in making PPE. Is it now clear that charities are responsible for the safety of the material they provide. “A lot of charities either stopped producing while they thought about what to do or are going to withdraw altogether,” Daly says.

The “UCL-Ventura” device offers non-invasive ventilation. Photo: © James Tye / UCL

Academic and government alliance

Innovation Action is attempting to smoothe out the certification process. The multidisciplinary team represents several organs of the University College of London (UCL): the in-house makerspace Institute of MakingGlobal Disability Innovation (GDI) HubInstitute of Healthcare Engineering and clinical partners from the University College Hospital. Born out of the legacy of the London 2012 Paralympic Games, GDI Hub was launched in 2016 to tackle assistive technologies and received a generous government funding of £20 million (22.4 million €). The team received an additional funding of around £2,000 (2,240€) to adapt its platform to respond to the Covid-19 crisis, and now works in close relationship with the government initiative Covid Action.

One of the flagship projects of this initiative is the development of Continuous positive airway pressure (CPAP), a non-invasive ventilation device that requires an unforgiving certification process. Once they were authorised by the Medicines and Healthcare products Regulatory Agency (MHRA), Innovation Action published the open source documentation, “but only for those who are capable of manufacturing the device,” says Catherine Holloway, academic director of GDI, in order to ensure that the device is conscientiously reproduced.

The “UCL-Ventura” device is currently deployed in nearly 50 NHS hospitals across the UK, while the details have been downloaded by more than 1,800 teams from 105 countries. “20 teams have manufactured prototypes for testing,” says Holloway.

CPAP device, developed by Innovation Action’s multidisciplinary team. Photo: © James Tye / UCL.

Single-use equipment and problem-solving

Beyond their immediate response to the health crisis in producing hundreds of thousands of face shields and masks, the UK maker community has also been rediscovered as a precious resource for problem-solving.

“The local hospital came to us with a huge shipment of surgical masks with elastic loops,” recalls Julia Citron. “They had a few problems: They weren’t tight enough, so not very safe. They were also very uncomfortable to wear all day.” Makespace shared the problem with its community and received 15 proposals in 48 hours. “We produced two prototypes and put them in testing at the hospital. Doctors and nurses voted for their favourite design, and we published the model so they could be made to scale.”

Another major problem is the use of disposable materials. Beyond the obvious environmental challenge – a surgical mask takes 450 years to disintegrate – single-use equipment is an urgent problem for healthcare workers and the capacity to build stock. Some makerspaces mark their face shields with a single-use warning, while making sure they can also be sterilised and reused. “Even if you reuse your mask just once, you double your stock,” points out Dominic Pimenta.

One of the main difficulties in designing the masks was how to make them fit on each individual’s face. “The problem we have with the mask we are using right now is not the quality of materials, it is recognised as being very effective,” Pimenta explains, referring to the scuba mask-turned-respirator. “The problem is the fit: 70% of NHS workers or healthcare workers would fail that fit test. This is why the legal requirement is that everybody is fit-tested, but it is variable if masks are disposable. If you get fit-tested for a mask, and you come to work and can’t find that mask, then what do you do?”

He made this challenge his main focus and, in collaboration with Doctor Jasmine Ho, founder of Med Supply Drive UK, he currently lobbies for the testing of a decontamination technique by vaporised hydrogen peroxide, which would allow the masks to be re-used up to 20 times. The system was developed by Battelle, an Ohio-based research and development nonprofit, and was approved by the U.S. Food and Drug Administration (FDA).

Meanwhile, HEUK has already launched itself into the next challenge: making a “pandemic airway guard”: a sort of polycarbonate box that serves as an extra layer of protection when intubating a patient—an activity that places the medical staff at high risk of exposure to aerosols. “There are hundreds of people who want to make a difference,” says Nigel Daly. “It is an inspiring story, it helps us to focus and not feel powerless.”

Elsa Ferreira
published in partnership with Makery.info

https://twitter.com/3dcrowduk/status/1259890705067134983

 
https://twitter.com/cammakespace/status/1244285130925051907

au Royaume-Uni, les makers en ordre serré

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Au Royaume-Uni comme en France, la crise sanitaire du Covid-19 a mobilisé les citoyens soucieux de participer à l’effort commun pour limiter la propagation de la pandémie. Experts de la méthode agile dans la résolution de problèmes, les makers ont trouvé leur terrain. Comme les ingénieurs de l’open-source, qui, alliés aux équipes cliniques, apportent des réponses techniques face à l’urgence. Panorama de la mobilisation de l’autre côté de la Manche.

Les professeurs Rebecca Shipley et Tim Baker de l’UCL Mechanical Engineering ont travaillé sur un appareil open source de ventilation dans le cadre de l’initiative Innovation Action. Photo : © UCL

Dès mars et le début du confinement, une myriade d’actions, plus ou moins organisées en réseau, se met en place. Parmi les dizaines d’initiatives, quelques projets phares : Innovation Action, une plateforme habituellement intéressée par les technologies d’assistance à destination des personnes handicapées dont les ressources ont été mises à disposition du combat contre le Covid-19. Helpful Engineering UK, une délégation du réseau international Helpful Engineering, 3500 personnes à travers le monde sur ses chaines Slack qui échangent plans, documentations et s’organisent pour mettre à l’œuvre leurs compétences. Shield, une coopérative d’associations destinée à rassembler les efforts et mettre en lien des projets aux forces complémentaires, dotée d’une base de données nationale afin d’établir un contact rapide avec les institutions en manque de matériel. Environ 250 000 équipements ont été distribués à travers cette plateforme, pour une valeur de 1 million de livres (1,12 million d’euros).

Dans les makerspaces, on agit aussi sur le local, à l’image de Makespace, à Cambridge, où les membres développent des projets, les produisent, les documentent, les partagent en open-source et les livrent à travers la ville. Ou bien Foam, un laboratoire d’art, science et nature dans les Cornouailles, dans le sud-ouest du pays, qui produit des masques en tissu et les livre aux personnels de soin de la communauté – un exemple parmi tant d’autres de ce qu’on appelle ici « l’industrie cottage », soit des particuliers qui fabriquent et cousent depuis leurs maisons en fonction de la matière première qu’on leur fournit, rappelant l’économie domestique de l’époque proto-industrielle. En tout, 4000 masques ont été fabriqués pour les maisons de santé des Cornouailles.

« Ce qui est intéressant, explique Dave Griffiths, co-fondateur de Foam, c’est que sans soutien de la part du gouvernement, un réseau de distribution est apparu très rapidement. Nous envoyons un email à nos contacts lorsqu’une fournée est prête et ils nous disent quelle maison de santé ou communauté de soin en a besoin. » Et d’ajouter : « les hôpitaux locaux ont commencé à nous en demander, c’est alarmant ».

Dans l’industrie cottage, on coud des masques sur des machines centenaires (ici une Singer de 1911) :

 

Priorité : les équipements de protection

Au Royaume-Uni comme dans d’autres pays européens gravement touchés par la pandémie, les équipements de protection personnelle (EPP – EPI en France, pour Équipement de Protection Individuelle) manquent cruellement. Les visières sont l’équipement de première nécessité et la réponse immédiate sur laquelle se sont concentrées la plupart des initiatives. « Il y a clairement une pénurie et elles sont relativement faciles à produire », pose Nigel Daly, en charge de la délégation anglaise du réseau Helpful Engineering (HEUK).

Ainsi 3D Crowd, une communauté de « guerriers de l’impression 3D », une groupe de 8000 volontaires qui impriment et livrent des visières de protection au personnel hospitalier – « une sorte d’Amazon (gratuit) de la visière », présentent-ils – a livré en un mois plus de 65 000 visières à usage unique, grâce à plus de 138 000 livres de dons (environ 145 550 euros). À Cambridge, la communauté Makespace a produit plus de 5500 visières. Une fois les équipements distribués au personnel hospitalier local, le makerspace a lancé un appel pour écouler les 3500 unités restantes. « Nous avons été engloutis sous les demandes de maisons de santé, écoles, hospices, maisons funéraires, par des particuliers qui prennent soin de leurs parents. »

Du côté de SHIELD, cette organisation parapluie qui regroupe plusieurs actions britanniques dont Women in 3D printing, HEUK ou Med Supply Drive UK, les bénévoles sont en capacité de produire entre 1200 et 1500 protections oculaires, visières ou masques par jour, avec en ligne de mire une production de jusqu’à 10 000 pièces par jour. L’organisation s’appuie sur une « ferme a impression 3D », environ 70 imprimantes installées à Makerversity, makerspace incubateur installé à Somerset House. « Nous avons fait les itérations à partir de ces imprimantes 3D, explique Dominic Pimenta, cardiologue co-fondateur de Shield et président de l’association Heroes via laquelle il a levé plus de 650 000 livres, dont 305 000 ont été destinés à la production d’EPP (respectivement environ 729 000 livres et 342 000 euros). Cela demande beaucoup de temps pour le contrôle qualité et beaucoup de travail manuel. La prochaine étape sera d’utiliser le moulage par injection », une technique plus efficace et qui « ne nécessite pas de nettoyer le bandeau avant de les distribuer».

À Helpful Engineering UK (HEUK), les volontaires se sont entre autres appuyés sur le makerspace Building Bloqs, qui a donné gratuitement accès à ses découpeuses laser et a mobilisé sa communauté pour la main d’œuvre. « Nous sommes fiers de voir à quel point nous avons pu en deux semaines mobiliser notre communauté, trouver les matières premières, faire 5000 visières et publier de la documentation », constate Julia Citron, membre de Makespace.

Vidéo de présentation de SHIELD à la fin avril

 

Des communautés à haute expertise

Dans une crise comme celle posée par le Covid-19, les makerspaces et leurs communautés ont vite trouvé leur place : celle d’experts du prototypage, rapides, innovateurs et agiles en terme de financements. Surtout, les makerspaces et associations de bénévoles ont su mobiliser une communauté à très haute expertise. Entre SHIELD et HEUK, les compétences se complètent. « Nous donnons des conseils techniques et de production, explique Nigel Daly de HEUK, lui-même manager de projets d’ingénierie. SHIELD nous aide pour la distribution, le retour clinique et les financements. » En plus d’être en lien étroit avec le personnel hospitalier, Dominic Pimenta, à la tête de SHIELD, est cardiologue et a pu tester les prototypes directement dans le cadre de son activité.

À Cambridge, ville qui abrite l’une des universités les plus prestigieuses du monde, le niveau d’expertise a été la clé d’une réponse efficace. Le makerspace a mis en place une base de données où chacun était invité à entrer ses compétences. L’équipe pouvait ainsi puiser parmi les membres en fonction des besoins. « L’une des personnes de notre communauté locale travaille au département d’ingénierie mécanique de l’hôpital local, expose Julia Citron. Nous avons fait une liste de tous les designs vus en ligne, les ventilateurs, masques, lunettes… Il a partagé ça avec son équipe et ils ont décidé ce dont ils avaient besoin en priorité. » Un autre membre de cette communauté est développeur logiciel, continue-t-elle. « Il a créé un logiciel pour savoir qui s’occupait de telle fournée. Si quelqu’un développait des symptômes du Covid-19, nous pouvions ainsi mettre cette production en quarantaine. »

Du DIY à la production de masse

Au-delà de leurs méthodes d’actions éprouvées, les volontaires ont créé des liens avec les industries locales. Face à la pénurie de plastique, nécessaire pour fabriquer les visières, Makespace a pu trouver la matière première grâce à l’un de leurs membres, employé d’une usine d’emballage alimentaire. « Notre rôle n’est pas dans la fabrication de masse », souligne Julia Citron. Une fois le design approuvé, la documentation a été publiée en ligne et les hôpitaux les ont partagés avec les industries locales, dont la capacité de production peut aller jusqu’à 10 000 pièces d’équipement par jour.

Du côté de Shield, on travaille en lien étroit avec les industries, parmi lesquelles Rolls-Royce, qui a participé à la découpe des visières, les industries plastiques et des fabricants d’imprimantes 3D. L’organisation essaie désormais de créer une ligne de production stable et durable, d’obtenir des financements du gouvernement et produire à plus grande échelle.

Le cardiologue et fondateur de SHIELD, Dominic Pimenta, paré pour son service. Photo: © Dominic Pimenta

Le casse-tête de la certification

Agir pour le bien de tous et sans intention de profits ne va pas sans accrocs. Ainsi va du problème de la certification des équipements. Les standards de régulation, définis par la BSI, sont extrêmement exigeants, regrette Nigel Daly. « Pour les fabricants de petite taille, les barrières d’entrées sont hautes, tant en terme de temps – les tests peuvent prendre trois à quatre semaines – qu’en terme de coûts – les tests pour une visière coutent 1000 livres (près de 1200 euros, NDLR) chacune. »

Si certains tests relèvent du bon sens, comme s’assurer qu’une visière est assez couvrante pour protéger celui qui la porte, d’autres ont des exigences moins « raisonnables », estime Davy. « Par exemple, il faut pouvoir mettre une visière dans un four à 55 degrés pendant 60 minutes sans que celui-ci se déforme, détaille-t-il. Ce n’est pas un scénario susceptible de se passer et n’importe quelle visière fonderait dans de telles conditions. » Cette contrainte pourrait s’expliquer pour la stérilisation du matériel, mais celle-ci se fait chimiquement avec des produits à 70 % d’alcool, rétorque l’ingénieur.

« Obtenir une certification est incroyablement difficile, confirme Dominic Pimenta. Et pour une bonne raison », estime-t-il. Les membres de SHIELD ont développé un ventilateur à filtre à partir d’un masque de plongée. Le modèle est actuellement en phase de tests auprès de la BSI pour un coût de 18 000 livres (environ 20 200 euros), à la charge de l’organisation. « Une fois que c’est approuvé, nous pouvons le donner à travers le monde », se réjouit-il.

L’une des difficultés majeures est le marquage CE, certification longue et couteuse, mais nécessaire pour une action locale, explique Nigel Daly. Si une organisation souhaite offrir le matériel fabriqué au centre d’achat centralisé de la NHS, le service de santé public britannique, alors celui-ci s’occupe des certifications. « La plupart des associations locales souhaitent répondre directement aux besoins locaux », relève Daly. D’autant que le service d’achat central a été touché par certaines confusions et dysfonctionnements, le gouvernement assurant notamment qu’il n’existait aucune pénurie, mais plutôt des « problèmes de distribution », avant de reconnaître un souci de provision.

De nombreux tiers-lieux ont suivi des designs approuvés par des ONG ou déjà utilisés par les hôpitaux, mais le gouvernement britannique a délivré, le 7 mai, des règles à suivre dans la fabrication des EPP. Il est désormais clair que les associations engagent leur responsabilité au regard du matériel fourni. « De nombreuses associations ont arrêté leurs productions en attendant de trouver une solution ou envisagent tout bonnement de se retirer de la chaine de production », assure Daly.

L’appareil « UCL-Ventura » propose une brique d’un système de ventilation non-invasive. Photo: © James Tye / UCL

Alliance université-gouvernement

Du côté d’Innovation Action (IA), on tente de rendre le processus de certification le plus fluide possible. L’équipe est multidisciplinaire et rassemble plusieurs organes de l’University College of London (UCL) : le makerspace maison Institute of Making, le Global Disability Innovation (GDI) Hub, l’Institut d’ingénierie de la santé d’UCL, mais aussi des partenaires cliniques de l’University College Hospital. Née de la mise en place du GDI Hub à la suite des jeux paralympiques de 2016 pour penser l’enjeu des technologies d’assistance, l’initiative bénéficie d’un rondelet fonds gouvernemental de 20 millions de livres (22,4 millions d’euros). Pour adapter sa plateforme à la réponse contre le Covid-19, l’équipe a reçu un financement supplémentaire d’environ 2000 livres (2240 euros) et travaille désormais en collaboration étroite avec l’action gouvernementale Covid Action.

L’un des projets phares de cette initiative est la création d’une ventilation en pression positive continue (CPAP), un appareil de ventilation non-invasive qui doit passer par des étapes de certification très rigoureuses. Une fois l’autorisation obtenue de la part de l’agence de régulations des médicaments et des produits de santé, Innovation Action met les plans en open-source « mais seulement pour ceux qui ont les capacités de production », détaille Catherine Holloway, directrice académique de GDI. Un filtrage qui leur permet de s’assurer de la reproduction dans les règles des plans mis à disposition.

L’appareil « UCL-Ventura » est désormais déployé à travers 50 hôpitaux au Royaume-Uni et les détails ont été téléchargés par plus de 1800 équipes à travers 105 pays. « 20 équipes ont fabriqué des prototypes », fait-elle savoir (on vous en parlera plus en détail dans un prochain article proto, NDLR).

Le contrôleur de l’appareil de ventilation « UCL-Ventura », développé par l’équipe multidisciplinaire de Innovation Action. Photo: © James Tye / UCL.

Équipement à usage unique et résolution de problèmes

Au-delà de la réponse de crise et de la fabrication en urgence de centaines de milliers de visières et masques de protection, la communauté des makers s’est rapidement imposée comme ressource précieuse pour la résolution des problèmes rencontrés par le personnel de santé.

« L’hôpital local est venu nous voir pour nous parler d’un stock énorme de masques chirurgicaux à élastique qu’il avait reçu, se rappelle Julia Citron, de Makespace. Ils présentaient quelques problèmes : ils n’étaient pas assez serrés et donc n’étaient pas sûrs. Ils étaient aussi inconfortables à porter toute la journée. » Makespace a fait part du problème à sa communauté et a reçu 15 propositions en 48 heures. « Nous avons produit deux prototypes que l’hôpital a mis à l’essai. Les docteurs et infirmiers ont voté pour leur design favori et nous avons publié les plans pour qu’ils puissent être fabriqués au niveau local ou national, voire international. »

L’un des problèmes majeurs est le recours aux équipements à usage unique. Au-delà de l’enjeu évident de l’environnement – un masque chirurgical mettrait 450 ans à se désagréger -, l’usage unique est un vrai problème pour le corps médical et la création de stocks. Dans certains makerspaces, on affiche un usage unique sur les conditions d’utilisations des visières tout en prévoyant que ceux-ci puissent être stérilisé et réutilisé. « Si on pouvait réutiliser les masques ne serait-ce qu’une fois, cela doublerait les stocks », pose simplement Dominic Pimenta.

L’une des difficultés majeures pour le fonctionnement des masques est la manière dont ceux-ci vont poser sur le visage de chacun. « Le problème que nous avons avec le masque n’est pas la qualité du matériel, il est reconnu très efficace, expose-t-il en référence au masque de plongée transformé en respirateur. L’enjeu majeur est comment il pose sur le visage et dans 70 % des cas, ce test échoue. Il faut donc un réglage individuel, mais cela est variable si les masques sont jetables. Si vous venez au travail et que le masque à votre taille n’est pas disponible, alors que faites-vous ? »

Il a fait de cet enjeu son cheval de bataille et, en collaboration avec Docteure Jasmine Ho, fondatrice de Med Supply Drive UK, il pousse pour le test d’une technique décontamination par peroxyde d’hydrogène vaporisé, qui permettrait de réutiliser le masque jusqu’à 20 fois. Un système développé par Battle, un organisme de recherche et développement à but non lucratif dans l’Ohio, et approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) américaine.

HEUK aussi s’est lancé dans le challenge suivant : la fabrication d’une sorte de boite en polycarbonate qui agit comme une couche supplémentaire de protection lorsque le soignant intube le patient, une activité à haut risque dans la génération d’aérosols. « Nous sommes des centaines à vouloir aider et faire la différence, conclut Nigel Daly. C’est une histoire inspirante et cela aide les gens à reprendre le pouvoir. »

Elsa Ferreira
publié en partenariat avec Makery.info

https://twitter.com/3dcrowduk/status/1259890705067134983

 
https://twitter.com/cammakespace/status/1244285130925051907

Norbert Romand, fondateur du fablab des 3 Lapins à Luxeuil-les-Bains en Haute-Saône, témoigne des initiatives solidaires et des réponses logistiques apportées par les makers dans la crise du covid-19 en Bourgogne Franche-Comté.

Ces visières seront distribuées dans toutes les pharmacies de la région Bourgogne Franche-Comté. Photo : © La Fabrik’

En gestation depuis 2011, le Fablab des 3 Lapins a ouvert officiellement en 2017. Ce terrier de créatifs implanté en milieu rural (à 30 kilomètres de Vesoul) s’est donné pour mission de participer activement au développement économique, social et environnemental du territoire. Norbert Romand, référent régional pour le Réseau Français des Fablabs, revient sur la mobilisation des makers durant le confinement et les actions qui ont émergé en Bourgogne Franche-Comté.

Comment avez-vous été impacté et quelles ont été vos premières actions engagées au niveau de votre communauté locale/régionale ?

Norbert Romand : On a été impacté par le fait qu’il a fallu fermer le lab dès le départ. Il nous a semblé évident d’intervenir immédiatement : on est sur un territoire en désert médical, avec une densité de population très faible et une grosse fracture numérique. Fallait y aller. On s’est d’abord lancés dans la mise en place d’outils communautaires de visio, on a monté deux serveurs, un cloud, une base de données en ligne en accès gratuit et des outils pour aider les gens qui ne savaient pas faire. On a poursuivi la distribution d’ordinateurs, toute l’année on récupère des ordinateurs qui partent à la casse, on les reconditionne, on remet du Linux et on les prête ou on les loue. On a ainsi pu équiper tous les gamins des écoles qui n’avaient pas d’ordis chez eux pour assurer la continuité pédagogique. Et bien sûr on a produit des visières.

On a resserré la communauté autour de l’action au maximum. Le but c’était vraiment de limiter la propagation du virus, hors de question d’en faire un mouvement de bénévoles. On a monté une cellule de fabrication avec notre forgeur, un volontaire en service civique et deux bénévoles. Deux jeunes qui ont suivi les formations Fablab Solidaire de l’an dernier et qui voulaient être solidaires à leur manière. On a monté également une cellule désinfection car on s’est aperçus que les makers autour qui faisaient des visières, les transmettaient de personne à personne, sans précaution.

Enfin on a mis en place un service logistique, car sur des territoires comme les nôtres c’est problématique. L’armée a même été impliquée au départ (ce qui était assez étrange !) et très vite, toutes les pharmacies et les distributeurs de pharmacie. On a pu récolter des visières qui ont été faites par les makers, les ramener et les stériliser, puis les remettre dans le circuit pour les distribuer dans des points de dépôt que sont les pharmacies du département.

Dans les premiers jours de la crise, l’Armée apporte son aide en distribuant dans les pharmacies les visières fabriquées par les makers. Photo : © Fablab des 3 Lapins

La Bourgogne Franche-Comté est une région à dominante rurale, peux-tu nous raconter les défis logistiques auxquels vous vous êtes confrontés et comment y avez-vous répondu ?

On est dans une petite ville de 6000 habitants, il y a une grosse base de l’armée de l’air à côté. L’armée a entendu parler de notre action, s’est proposée de nous aider. On leur a dit : « Ce qu’on ne sait pas faire c’est la logistique. On n’a pas de véhicules, pas les autorisations, c’est compliqué donc prenez ça en main. » Ils l’ont fait de manière informelle au départ, puis 15 jours après il y a eu une communication du Ministère qui lançait l’opération Résilience (25 mars 2020) centrée sur l’aide aux populations et l’appui aux services publics dans les domaines de la santé, de la logistique et de la protection.

On s’est dégagé assez rapidement de ce partenariat avec l’armée puisqu’on a réussi à mettre en place notre logistique avec la société civile, plus intéressant écologiquement, les distributeurs de produits pharmaceutiques faisant déjà le trajet tous les jours. On aura quand même eu les treillis venus livrer les visières ! Ce partenariat initial avec l’armée nous aura permis de faire des commandes groupées de filament, d’aller les faire chercher chez le fabricant à la frontière belge pour les redistribuer aux labs qui en manquaient en région. On a continué à faire ce sourcing pour les makers, les indépendants qui étaient à cours de fil, qui n’avaient plus d’écran ou d’élastiques pour les visières, et redistribuer le matériel par ce réseau logistique. De cette façon, on a joué un rôle de « tête de réseau ».

Opération Résilience. Source : Ministère des Armées. D.R.

Comment s’est articulé le lien entre réseaux de proximité, réseaux régionaux de fablabs et les réseaux nationaux (RFFLabs, France Tiers-Lieux …) ? En quoi ces interactions de réseaux ont-elles nourri l’action en locale ?

On a réussi à articuler tous les niveaux. Malgré des fonctionnements différents suivant les départements, la communication s’est faite quasiment partout. On s’est échangés des infos, des modèles, comme tout le monde. La Nièvre par exemple a la culture des fablabs. Ils sont structurés depuis quelques années par une volonté départementale avec une organisation, des référents, etc. C’est plus simple pour eux que dans le Jura ou nous en Haute-Saône. On a tenté de documenter et partager ce que l’on faisait niveau logistique pour que ça puisse se mettre en place dans le Jura et en Saône-et-Loire.

L’Yonne l’avait déjà mis en place mais d’une autre manière. La Côte d’Or s’en est inspiré pour prendre contact avec les pharmacies. On peut dire que les initiatives ont plutôt bien fonctionné dans notre région. Plus ou moins avec les makers. Plus ou moins avec les institutions. En Saône-et-Loire ils ont carrément monté une association avec la société civile, des labs, des entreprises, et le soutien de la sénatrice. Dans le Jura, ça s’est passé via des groupes Facebook de makers et la présence du fablab Made in Iki – Bresse du Jura pour animer. Suivant les départements et les identités de chacun, les initiatives auront été différentes mais cohérentes.

Le lien avec le national s’est fait naturellement, sans trop réfléchir, dans le feu de l’action. Notamment avec le RFFLabs, parce qu’on est adhérent, parce que c’est une communauté d’esprits. Des informations, on en avait besoin et on en a fait remonter. C’est un bon exercice et une preuve de ce que pas mal de labs annoncent depuis longtemps : être des points névralgiques de développement du territoire et d’organisation d’un maillage un peu plus étroit que ce qui est prévu par l’administration générale.

Océane, ancienne apprenante Fablab Solidaire, est venue apporter son soutien. Dans la cellule désinfection, une solution à base d’eau de Javel est nécessaire pour stériliser chaque visière avant distribution. Photo : © Fablab des 3 lapins

Quel dialogue avec les pouvoirs publics sur votre territoire ? Comment la collectivité est-elle intervenue ?

Le département chez nous est inexistant, on n’en a jamais entendu parler aux 3 Lapins. Par contre ce qu’on a reçu via le RFFLabs (des informations sur les actions menées dans les autres régions), on a réussi à le faire passer à la région Bourgogne Franche-Comté. Qui en a tenu compte et lancé un fonds d’urgence. La région est ainsi intervenue auprès des fablabs et tiers-lieux engagés dans la démarche, en remboursant sur facture les achats qui ont été faits, tout en étant bien consciente que certains fablabs ont aidé des makers (l’aide pour les fablabs aura permis d’alimenter les makers indépendants en fil).

La prise en compte de ce qui se disait au RFFLabs, au niveau de nos institutions régionales respectives, est intéressante : être identifié comme étant une des composantes pouvant apporter de l’info, mettre en synergie des actions. Dans ce rapport à l’institution, le fablab apparaît comme un point de liaison, la synapse, entre la région et le territoire.

Quentin et Mathieu au poste d’assemblage des visières au Pôle La Fabrik – Adapemont (Jura). Photo : © Adapemont – Jean-Noël Rassauoste

Le rôle des fablabs et des makers durant cette crise sanitaire aura-t-il permis de se faire mieux connaître auprès du grand public sur votre territoire ?

C’est évident ! Le premier effet c’est surtout au niveau de la société civile : de haut en bas de la société, les gens ont clairement identifié que les makers pouvaient répondre immédiatement à des besoins du territoire et à un manquement de l’État. Ça, on l’entend partout, que ce soit de chirurgiens, de chefs d’hôpitaux, de gens de tous les milieux.

Pour ce qui est des fablabs, les gens ont vu qu’il y avait une capacité de réponse organisée et une légitimité territoriale. Que ce n’était pas juste des clubs de gens jouant avec des imprimantes 3D, mais qu’ils prônaient une vision de développement, une organisation et une capacité à être des interlocuteurs crédibles. On va voir comment capitaliser ça après. Certains s’enthousiasment déjà mais pour moi le monde d’après, c’est juste le lendemain d’hier. On verra ce qu’il en reste. De toute façon il y aura une réminiscence de cette action qu’on a mené, qui nous permettra de faire un procès en légitimité, si on nous cherche des noises (sauf dans notre département… rires).

Référents Covid des Fablabs en Région. Source : RFFLabs. D.R.

À quoi ressemble l’activité d’un fablab rural en période de déconfinement ?

En période Covid, le fablab est devenu un bunker. On a fermé. Le but c’était de préserver les gens du lab, éviter la propagation du virus, surtout dans un territoire très touché : on est à une quarantaine de kilomètres de Mulhouse. Là, le Conseil d’Administration a décidé de ne pas ré-ouvrir. On n’est pas en déconfinement : on sait que les hôpitaux ne sont pas plus équipés qu’avant et que les médecins ne sont pas plus prêts, l’équipement il n’y en a toujours pas, pour trouver des visières ici c’est la galère. Donc on reste en alerte, notre forgeur travaille toujours à temps plein, on verra ce qui se passe pour être capable de réagir vite.

L’activité de notre fablab en territoire rural n’est pas celle d’un fablab « loisir » où l’on viendrait tous les jours bricoler. Les gens se déplacent quand ils ont quelque chose à faire, pour discuter sur des points précis, ce qui ne nécessite pas de garder une ouverture pour conserver une existence. Ça reste évidemment problématique pour nourrir les projets, maintenir les relations, car on est vraiment dans des phases d’acculturation du territoire. On a des paysans qui viennent nous voir car une pièce du tracteur a cassé, ils ont entendu parler de notre repar’café, ils viennent voir. Et ce relationnel là, on ne l’a plus.

Cette dimension rurale, c’est notre spécificité. On est en contact avec le terrain, on communique par l’action et pas par autre chose. On a des publics très divers politiquement, socialement, culturellement. Au beau milieu de tout ça on est là, on est des lapins, on a choisi d’être un tiers-lieu de territoire, on le fait comme ça et ça marche relativement bien. Finalement j’ai surtout parlé de fablabs car pour moi un tiers-lieu est un « fablab augmenté ». Le fablab c’est vraiment la brique essentielle de constitution des territoires ruraux et des territoires en difficulté.

Catherine Lenoble
publié en partenariat avec Makery.info

Le Fablab des 3 Lapins.

Également fabriqué au fablab des 3 Lapins pendant la crise sanitaire : des poignées de portes. Photo : © Fablab 3 Lapins

Covid-19 : en Normandie, le réseau des fablabs s’est mobilisé très rapidement pour organiser la production numérique à grande échelle de visières de protection pour les soignants. Retour sur l’expérience de l’Usine Partagée.

Les Copeaux numériques, un des pôles de fabrication citoyenne de l’Usine Partagée. © Stéphane Dévé

Le 17 mars, le confinement général est annoncé. Le 21 mars, David Danhier, à la tête de 3D&G, une PME spécialisée dans l’impression 3D à Hérouville-Saint-Clair, près de Caen, contacte le Dôme, centre régional de culture scientifique. Alerté par son voisin radiologue sur le manque de visières de protection pour les soignants, il veut savoir si le fablab du Dôme est capable de découper des visières au laser. « À ce moment-là, on ne parlait que des masques et pas encore des visières de protection. Seuls les soignants étaient en mesure de prédire leurs besoins », explique Matthieu Debar, chargé de développement au Dôme.

Avant de lancer les machines, examiner le prototype, Josef Prusa, un concepteur d’imprimantes 3D tchèque, a déjà mis en libre circulation un modèle de visière de protection faciale, validé par les autorités de santé tchèques. Les makers du réseau des fablabs normands proposent de faire évoluer le modèle afin d’accélérer le processus de fabrication, en diminuant légèrement la hauteur de la visière d’une part, et en ajoutant des picots sur les serre-têtes, permettant des impressions de plusieurs unités empilées les unes sur les autres d’autre part.

Modèle adapté de visière de protection faciale produit par les différents sites de fabrication normands. © Stéphane Dévé

Le modèle dérivé est à son tour partagé sur les communs des fablabs. Un prototype est soumis au service hygiène et sécurité du CHU de Caen, pour test et validation. « C’est la cellule qui approvisionne tout l’établissement en équipements sanitaires, précise Matthieu Debar. En obtenant leur validation, on était certains que nos visières pourraient servir à tous les services. »

Le Dôme lance alors un appel à toutes les structures normandes disposant d’outils de prototypage rapide, de type découpeuses lasers et imprimantes 3D, afin d’évaluer les capacités de production locale : dix-neuf structures des cinq départements de la région répondent présentes. Parmi elles, des fablabs associatifs, des laboratoires publics, des PME, des écoles d’ingénieurs… Le mouvement des makers est en marche.

Caroline Degrave, directrice de la coopérative des Copeaux Numériques, au poste d’assemblage. © Stéphane Dévé

La Région Normandie passe « commande »

C’est à ce moment-là que le Dôme sollicite la Région Normandie. Dans le contexte d’urgence sanitaire, la collectivité décide de soutenir financièrement l’effort de production en passant « commande » de 5 000 visières de protection pour les soignants. « Un formidable élan de solidarité s’est emparé du secteur de l’impression 3D en Normandie, annonce Hervé Morin, président de Région, le 30 mars 2020. L’objectif est de construire un modèle qui permette aux structures volontaires, qui disposent de ces outils, de produire davantage afin de fournir rapidement et massivement les personnels soignants ». Ce projet hors-norme est devenu réalité : il s’appelle l’Usine Partagée.

Ses structures sont solides : un pilotage régional assuré par le Dôme, une production multi-sites coordonnée au niveau départemental par des « pôles » territoriaux (le pôle Calvados/Orne supervisé par le Dôme à Caen ; le pôle Eure/Seine-Maritime par la coopérative des Copeaux numériques à Rouen – et le pôle Manche piloté par le Fablab de Saint-Lô-Agglo), et l’appui institutionnel de la Préfecture et de l’Agence Régionale de Santé. L’investissement est assumé par la collectivité régionale, sur la base d’un prix unitaire de 10 € par visière, intégrant le coût de la matière première, les phases de fabrication (impression, découpe, montage), la main-d’œuvre, la distribution et la coordination. C’est le Dôme, destinataire des fonds, qui indemnise ensuite chaque contributeur en fonction de sa participation.

Approvisionnement de matières premières au Fablab de St Lo. © Stéphane Dévé

Sourcer et sécuriser la matière première

L’achat et la sécurisation de la matière première sont un enjeu important. Les makers-ingénieurs du réseau ont alerté très vite sur le fait que le plastique PLA, utilisé habituellement pour les imprimantes 3D, est composé d’amidon qui résiste mal à l’autoclave médical (stérilisation à la vapeur d’eau) ou à certains produits détergents. Le choix se porte alors sur du plastique PETG (polyester glycolisé), qui doit être fourni sous forme de fil, pour la fabrication des serre-têtes à l’imprimante 3D, et de plaques pour les visières.

Problème : il y a un risque de pénurie de ce thermoplastique, tout le monde cherchant au même moment à s’en procurer. L’entreprise Thyssenkrupp Plastics France de Démouville, dans le Calvados, se positionne pour fournir en quantité suffisante les plaques de PETG à l’Usine Partagée, à moitié prix. Pour le fil, le Dôme parvient à sourcer un fournisseur au Mans, MakerShop et un autre aux Pays-Bas, ColorFabb. Ils iront chercher eux-mêmes les stocks en voiture. L’élastique provient d’un petit fournisseur à Flers, dans l’Orne, Fantex industrie.

Dès le 2 avril, les fablabs normands commencent à fabriquer les visières en série. L’Usine Partagée compte alors 16 sites de fabrication (70 imprimantes 3D et 10 machines de découpes laser), les plus petites structures ayant mis à disposition leurs machines au profit de sites plus conséquents. Au bout d’une semaine, la capacité de production de l’Usine Partagée atteint 500 visières par jour.

Parc-machine mutualisé d’imprimantes 3D au fablab de St Lo. © Stéphane Dévé

Le Dôme, centre névralgique de l’Usine Partagée

Le Dôme est devenu le centre névralgique de l’Usine. Le fab manager fournit à tous les sites de production les fichiers d’impression et le « calepinage » qui permet d’optimiser l’utilisation des plaques de thermoplastique. Pour approvisionner les sites en matières premières, c’est un peu le système D. Certains viennent les chercher, profitant d’opportunités de déplacements pour raisons professionnelles. Entre l’école d’ingénieurs ESIX de Cherbourg et le Fablab de Saint-Lô, des enseignants-chercheurs font parfois la navette.

L’École d’ingénieurs (CESI) à Rouen participe à l’effort de production en faisant tourner ses équipements. © Stéphane Dévé

La conciergerie d’entreprise Adsito à Caen, habituée à travailler avec le Dôme, a elle aussi proposé ses services, en ne facturant que les frais kilométriques. Le tiers-lieu caennais est une mini-usine qui tourne à plein régime, avec un poste de production (9 imprimantes 3D et deux découpes laser), un poste d’assemblage, un poste de colisage, la logistique et l’administration. Au total, une dizaine de personnes. Trois sociétés de développement informatique du collectif « Caen camp », Dans ma culotte, Incaya (résidente du Dôme) et Marmelab, se sont engagées à produire – dans un délai record – la plateforme d’enregistrement des demandes des professionnels de santé.

Sur les réseaux sociaux, l’action régionale de cette Usine Partagée s’est vite répandue et les demandes des hôpitaux, CHU en tête, s’accumulent. La plateforme est ouverte le 2 avril. Quinze jours plus tard, une liste de 116 bénéficiaires est arrêtée. Elle comporte des établissements hospitaliers, médecins, dentistes, infirmiers et infirmières, qui vont disposer gratuitement de ces 5 000 visières.

Les visières sont prêtes à être livrées du côté du tiers-lieu Le Kaléïdoscope à Rouen/Le Petit-Quevilly. © Stéphane Dévé

Se pose alors la question de la livraison, pendant un temps envisagé par la Préfecture. Finalement, et pour faire face à l’urgence, l’Usine va organiser elle-même la mise à disposition, en drive, des colis, sur chaque site de fabrication. Une petite entreprise de l’Orne, « Bougez pas j’y vais » met à disposition gratuitement sa petite flotte de véhicules légers pour assurer des livraisons.

« La vraie réussite de cette expérience d’Usine Partagée, c’est son agilité et sa réactivité pour répondre localement à un besoin sociétal urgent, analyse Matthieu Debar. Elle révèle le potentiel de la fabrication citoyenne dans un contexte de pandémie. En très peu de temps, nous avons publié des designs libres, amélioré ces derniers de façon itérative, mobilisé une communauté de makers, ingénieurs, chercheurs… et contribué à protéger des soignants. »

Matthieu Debar, chargé de développement au Dôme et pilote de l’opération L’Usine Partagée. © Stéphane Dévé

Le 24 avril 2020, l’Usine Partagée a livré ses 5 000 visières. L’aventure s’est arrêtée avec le financement régional. L’outil industriel classique a pris le relais, les fablabs et tiers-lieux ayant démontré leur capacité à assurer « l’intérim » dans l’urgence. Les cadres de références en vigueur avant la pandémie ont repris leurs droits. Les normes d’homologation des visières médicales, qualifiées EPI catégorie 3, ne permettent plus aujourd’hui une fabrication citoyenne. Mais ce type de crise étant vraisemblablement amené à se reproduire, il ne serait pas inutile de questionner la réussite de ces espaces et de leurs acteurs à innover, fédérer des éco-systèmes territoriaux, pour concevoir, fabriquer, distribuer suivant des méthodes agiles.

Marylène Carre
publié en partenariat avec Makery.info

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retour sur Laval Virtual 2020

On vous l’avait annoncé il y a presque un mois déjà, le festival Laval Virtual s’est maintenu dans le virtuel, parachevant ainsi sa raison d’être. L’idée était de proposer autre chose que de simples diffusions et interventions plus ou moins heureuses sur les réseaux sociaux, dont on a été abreuvées jusqu’à la nausée durant le confinement…

Plus d’une semaine après la fin de cette édition 2020 très particulière, l’heure est donc au bilan. Et celui-ci est exceptionnel. Du 22 au 24 avril dernier, plus de 10000 avatars se sont retrouvés sur la plateforme dédiée pour participer à cet événement en assistant à des conférences, des rencontres professionnelles, des compétitions entre start-ups et à la remise des Awards couronnant des projets en VR. Rappelons aussi que l’exposition Corps Réel / Corps Virtuel regroupant une quinzaine d’œuvres reste visible dans l’Art&VR Gallery du RectoVRso jusqu’en vril 2010 !

Cet évènement fera date et, on l’espère, des émules enflammés… A priori, ce sera le cas pour l’édition 2020, du Burning Man également annulé pour cause de pandémie. Mais comme pour Laval Virtual, les festivaliers se retrouveront fin août sur une plateforme dédiée, baptisée Virtual Black Rock. Sans les contraintes physiques du désert du Nevada, ce grand carnaval freaks promet d’être encore plus délirant dans le multivers.

Cela prouve, si besoin était, qu’il y a bien de la vie dans le multiverse. De la mort aussi, comme on a pu en juger il y a peu avec la procession organisée par des joueurs de Final Fantasy XIV pour rendre hommage à une joueuse décédée des suites du coronavirus. Rompant avec l’action du jeu, les personnages des joueurs arborant des couleurs sombres et portant des ombrelles ont marché tranquillement de la cité d’Ul’dah jusqu’à l’Arbre Gardien, lieu symbole de ce monde virtuel s’il en est.

Laurent Diouf

Exposition Corps Réel / Corps Virtuel, jusqu’en avril 2021.
> https://rectovrso.laval-virtual.com/edition-virtuelle-2020/

Burning Man 2020, Virtual Black Rock
> https://burningman.typeform.com/to/aJQ7y9/