électronique 2017

L’édition 2017 de Présences électronique a débuté sur une « note » assez triste, avec un morceau de Mika Vainio, disparu prématurement quelques heures plus tôt. Il avait partagé l’affiche du festival en 2006, pour son célèbre projet Pan Sonic formé avec son complice Ilpo Väisänen, puis il était revenu en solo en 2009, programmé avec Philip Jeck, Erik-M & FM Einheit, KK.Null, David Toop, Pita…

Photo: © INA / Aude Paget.

Au croisement des musiques expérimentales et d’expérimentation, le festival Présences électronique porté par l’INA/GRM (Groupe de Recherches Musicales) rassemble aussi bien des artistes de la scène électroacoustique, adeptes d’une musique improvisée ou composée, écrite, « savante », que des musiciens issus de l’electronica « radicale » et post-industrielle, qui s’est affirmée en marge du circuit techno. Cette 13ème édition qui se déroulait une fois encore au Cent-Quatre en attendant de réintégrer les studios de Maison de la Radio ne dérogeait pas à cette règle en proposant à un public curieux et exigeant un panel d’artistes souvent méconnus.

C’est avec une courte pièce d’Ivo Malec joué par Daniel Teruggi, directeur du GRM, que le festival a donc vraiment commencé. Moins abrasif que Mika Vainio, ce premier mouvement de Triola ou Symphonie pour moi même (1978) est néanmoins chargé de bourdonnements, de uhulements synthétiques et de bruits parasites. Une pallette de sons assez large, restituée avec précision par l’acousmonium, le fameux dispositif sonore composé de nombreux haut-parleux qui permettent une écoute spatialisée. Plus lumineux, plus « symphonique » par son jeu de nappes, le morceau de Kara-Lis Coverdale contrastait ensuite avec cette effervescence bruitiste. La compositrice canadienne a sans aucun doute livré le concert le plus « accessible » de la soirée. On devrait la retrouver au programme du festival Mutek en août prochain.

Jana Winderen. Photo: © INA / Didier Allard.

Avec la performance de Thomas Ankersmit, retour à des sonorités bourdonnantes qui alternent basses et hautes fréquentes, laissant apparaître des moments d’apaisements entre deux stridences. La soirée se termine sur le grand bric-à-brac sonore dispensé par Cannibal, formation de circonstances réunissant le plasticien Cameron Jamie, Cary Loren (Destroy All Monster) et Denis Tyfus. Parfois brouillonne, leur prestation alignait les télescopages de sources, des boucles au lancement qui semblait aléatoire, des samples parfois improbables (Sorry angel…), des gargarismes et une rythmique en retrait qui a fini par émerger après de longues digressions guitaristiques…

Le lendemain, on retrouve cette sensation de cacophonie organisée avec L’ocelle Mare, le projet solo de Thomas Bonvalet (par ailleurs guitariste du duo post-rock expérimental Cheval de Frise). Objets, instruments acoustiques, corps, machines : Thomas Bonvalet livre une œuvre composite qui emprunte au « bruit-collage » et à la performance. Lui succèdant, Jana Winderen nous immergent avec ses field-recordings dans un univers sonore naturaliste et aquatique (cris d’oiseaux, ressac de l’océan, souffle du vent, etc). À la manière de Chris Watson qu’elle côtoie sur le label Touch, ses captations dessinent un paysage tout en étant offrant un dépaysement… Un moment de grâce avant de replonger dans des méandres plus bruitistes.

François Bayle. Photo: © INA / Didier Allard.

En début de soirée, François Bayle, ancien directeur du GRM, prend les commandes de l’acousmonium qu’il a conçu dans les années 70s comme un « orchestre de haut-parleurs » destiné à répondre aux exigences acoustique de la musique concrète, perfectionné au fil des années et de l’évolution des techniques de son. Comme on a pu s’en rendre compte lors de l’interprétation de La Fin du bruit, courte pièce de son répertoire où se répercute des sons granuleux ou grésillants et des voix transformées dont on ne (re)connaît pas l’origine, l’acousmonium permet d’en déployer toute la richesse sonore et de renforcer ainsi le plaisir de l’écoute.

Stephan Mathieu — dont le travail souvent collaboratif est inscrit depuis longtemps sur des plateformes comme Ritornell, 12k, Spekk, Line et désormais Schwebung, son propre label — avait choisi d’interpréter December 52, une pièce d’Earle Brown qui se caractérise notamment par sa partition graphique et une lattitude assez large dans son interprétation. Adepte de l’electronic-music plutôt glitch et expérimentale, il a délivré un set très ambient, mais avec un certain relief, doté d’un son ample avec du corps, très unitaire et non pas « fragmenté » comme la plupart des autres pièces proposées.


Stephan Matthieu. Photo: © INA / Didier Allard.

Changement d’ambiance avec l’arrivée de Hild Sofie Tafjord, musicienne accomplie qui évolue aussi au sein de nombreuses formations à géométrie variable (dont Zeitkrazer et le Trondheim Jazz Orchestra). Drôle d’impression en la voyant débarquer sur scène avec son cor d’harmonie (plus gros et complexe qu’un cor de chasse). Au début, on entend qu’un souffle « discontinu », presque asthmatique. Dans un second temps quelques sons cuivrés finissent par sortir de l’instrument rutilant et sont aussitôt retravaillés, « bidouillés », ce qui rend encore plus difficile à suivre sa proposition.

Passage de témoin ensuite avec le duo Demdike Stare qui concluait cette deuxième soirée avec un mix en hommage au GRM baptisé Cosmogony, initiallement prévu l’année dernière. Grand consommateur de vynils, Sean Canty et Miles Whittaker ont été jusqu’à presser quelques dubplates après avoir farfouillé dans les archives du GRM. Des galettes qu’ils combineront à d’autres raretés vyniliques piochés dans leur trésor personnel. Pour autant, les loops (parfois un peu trop flagrants) mêlés à quelques effets disloqués ne nous ont pas « ensorcellés », on attendait autre chose. Si la composante dark-drone était bien présente, il y manquait, à notre sens, la dimension « dub/breakbeat » qui ont fait leur réputation.

Leafcutter John. Photo: © INA / Aude Paget.

Dernier round le dimanche 16 avril, qui s’est ouvert avec Meryll Ampe. Si l’on parle souvent de « sculpture sonore » en commettant un abus de langage, force est de constater que ce n’est pas le cas avec cette artiste qui pratique à la fois la musique et la sculpture. Pour le festival, elle a conçu une pièce comme un jeu de construction, à partir d’enregistrements et traitements qui interagissent et délimitent un espace et une plastique sonore inédite. Leafcutter John est aussi, à sa manière, un sculpteur de sons. Mais c’est la lumière qui lui sert d’outil pour commander et moduler les éléments musicaux. Multipliant les sources lumineuses, de lampes-gadgets à une mini-boule à facette qu’il agite au-dessus d’une interface comme un pendule, il se révèle le plus inventif de cette programmation. Petite pause personnelle pour conjurer, le temps d’une manifestation, l’ordre noir qui nous menace, et nous revenons au Cent-Quatre pour la dernière session du festival.

Se saissant à son tour de l’acousmonium, François Bonnet (directeur artistique du festival et du GRM) nous fait découvrir un extrait de l’œuvre de James Tenney (1934-2006), pionnier de la musique électronique avec Max Mathews, qui prend une tonalité particulière sous l’effet de spatialisation. Ensuite Andrew Pekler, adepte du found-sounds et qui a renouvellé l’expérience du piano préparé à l’ère du téléphone portable, proposait une Description of an island, comme un reportage audio imaginaire. Cet aspect narratif était poussé à l’extrême avec Akira Rabelais qui, sur une musique ténue, nous contait l’histoire lancinante de La femme sans tête

Minibus Pimps. Photo: © INA / Jean-Baptiste Garcia

Le dernier set de cette édition revenait au combo Minibus Pimps, soit Helge Sten (alias Deathprod et Supersilent) et John Paul Jones (le bassiste de Led Zepellin qui a aussi produit, arrangé et joué avec La Fura Del Baus, Peter Gabriel, Brian Eno, Diamanda Galas, Sonic Youth…!). Comme on pouvait le pressentir, le duo nous a entraînés — et parfois perdu — dans un long corridor de « guitare noise » chargé d’effets, hésitant entre drone/indus et libre improvisation selon les aléas de leur performance. Rendez-vous l’année prochaine pour d’autres explorations sonores.

Laurent Diouf

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retour sur la 13e édition

Le véritable coup d’envoi de la 13ème édition de la Fête de l’Anim, qui s’est tenue du 31 mars au 2 avril, a eu lieu le vendredi soir place de l’Opéra à Lille. Devant un public renouvelé tout au long de la soirée, des clowns et tout un bestiaire s’agitaient sur la façade néo-classique du bâtiment. Le thème du cirque choisi pour ce mapping, diffusé en boucle jusqu’à minuit, se prêtait bien à toute une série de tableaux animés et colorés sur la pierre et les colonnes de l’édifice. On saluera la prouesse étant donné le timing : seulement 4 jours pour finaliser cette création qui a réuni une cinquantaine d’étudiants sous la houlette de Samy Barras, Ludovic Burcyzkowski et Tamas Zador.

Le vidéo-mapping est désormais une pratique artistique reconnue, présente dans de nombreux événements et festivals. Mais se pose la question : en quoi le vidéo-mapping entre-t-il dans le champ de l’écriture du film d’animation ? Pour essayer d’y répondre, une table ronde organisée en collaboration avec la NEF (Nouvelles Écritures pour le Film d’animation) réunissait des artistes, chercheurs et réalisateurs (Marie-Anne Fontenier, Mo Assem, Ludovic Burcyzkowski, Sébastien Denis, Domenico Spano, Maxime Thiébault). L’occasion de mettre en perspective les ressorts de ce type de création, d’en souligner certaines filiations historiques (voire pré-technologiques), d’en montrer les évolutions, de s’interroger sur la problématique du cadre et du support de diffusion qui caractérise le vidéo-mapping.

Table ronde « Vidéo mapping » en collaboration avec la NEF animation, à l’Hybride à Lille. Photo: D.R.

En ouverture, d’autres rencontres permettaient de comprendre le protocole et les techniques de création, les réalisations et les projets de quatre studios européens : Outro, Nexus, Talking Animals et nWave, qui œuvrent chacun dans des styles bien différents. Ce Focus Visual Design était organisé au sein de la Serre Numérique à Valenciennes — pépinière d’entreprises qui héberge aussi 3 écoles spécialisées dans l’animation, le jeu vidéo et le design industriel (Supinfocom, Supinfogame et l’ISD, Institut Supérieur de Design). Moins technique, mais d’autant plus passionnantes, les Masterclasses offraient également un moment de rencontre privilégié avec des réalisateurs de renom, comme Michael Dudok de Wit — dont le film La Tortue rouge était projeté à la Maison Folie Moulins. Une histoire de solitude, d’oubli et de prison à ciel ouvert, dans un lieu vide : celle d’un naufragé sur île déserte qui trouve sa robinsonne en la personne d’une tortue qui se métamorphose en nymphe… Primée notamment à Cannes (prix spécial dans le cadre d’Un Certain Regard), La Tortue rouge repose sur un dessin et de l’animation classique, et une narration qui fait l’économie de tout dialogue.

Réalisateur phare de l’animation made in France, Jean-François Laguionie a conçu ses premiers courts métrages (La demoiselle et le Violoncelliste, Une bome par hasard…) avec l’aide de Paul Grimault (Le Roi et l’oiseau). Parue en 1979, La Traversée de l’Atlantique à la rame remporte plusieurs prix, dont la Palme d’or du court métrage à Cannes. Il a ensuite créé son propre studio, puis une société de création et production, La Fabrique, pour accompagner la réalisation de son premier long métrage, Gwen, le livre des sables. À l’occasion de la masterclasse qui lui était réservée, Jean-François Laguionie est revenu sur la genèse de son dernier long métrage en date, Louise en hiver, paru en 2016, et qui a bien sûr fait l’objet d’une projection lors de la Fête de l’Anim. C’est l’histoire d’une grand-mère oubliée dans une station balnéaire « fantôme », qui égrène ses souvenirs avec un chien comme seul compagnon qui lui donne la réplique en attendant le retour de la saison à venir avec ses plaisanciers et le train qu’elle a loupé… À ce propos, Jean-François Laguionie évoque sa mère comme source d’inspiration, même si ce récit intimiste n’est pas autobiographique. Il nous parle aussi de sa méthode de travail : les repérages pour les décors sur des lieux où il allait en vacances enfant, les dessins préparatoires, l’animatique qui servira ensuite de « chemin de fer » pour la mise en place de l’animation, le son et la musique, l’importance de la production, etc.

L’exposition conçue autour du studio d’animation Train Train était également très intéressante du point de vue de la conception de l’animation. Structurée autour des points clefs de la réalisation (storyboard, animatique, compositing, layout), cette expo nous donnait à voir de nombreux dessins, maquettes et extraits de films qui témoignaient aussi de la diversité des univers qui ont surgi de ce studio lillois. Un best-of de courts métrages — parmi lesquels Paix sur terre de Christophe Gérard, Sumo de Laurène Braibant, La Ferté, un cercueil de béton de Christine Tournadere & Gabriel Jacquet — exprimait une diversité des approches, du graphisme et de la narration. Ces différentes esthétiques et thématiques montraient, si besoin était, que l’animation n’est pas destinée uniquement à un jeune public, bien que nombre de productions restent orientées en ce sens. Et même dans ce domaine, beaucoup de choses de reste à faire : les ateliers pour enfants, expositions et projections que proposait la Fête de l’Anim montraient là aussi des créations singulières, bien loin des standards des programmes jeunesse et des chaînes dédiées.

Mais s’il fallait se convaincre du foisonnement créatif dont fait preuve l’animation en général, il suffisait de regarder les dizaines de films de fin d’études proposés dans le cadre du Best-of de plusieurs écoles d’animations européennes et asiatiques. Une collection impressionnante de courts métrages qui font appel à une multitude de techniques pour des rendus graphiques foisonnants. Impossible d’en isoler quelques-uns, ce n’était pas un concours et ce serait bien évidemment réducteur. Chaque petit film est un monde en soit — souvent un monde parallèle — qui déploie sa propre imagerie. Poétiques, comiques, érotiques ou satiriques : tous ces films sont comme un kaléidoscope de la création contemporaine où pointent déjà les grands réalisateurs de demain.

Si le format court domine la sélection du festival, quelques longs métrages étaient aussi projetés; dont certains inédits en salle comme The Anthem of the heart (en VF, Jun, La voix du cœur) de Tatsuyuki Nagai, qui fait preuve d’un peu trop de « sentimentalisme » à notre goût; en particulier à cause de la bande-son (violon, clavier, vocalises…) qui surligne une histoire déjà bien plombée (une lycéenne, accusée par ses parents d’être à l’origine de leur divorce, crée un réseau avec des congénères victimes, comme elle, de troubles émotionnels…). À rebours, Seoul Station du réalisateur coréen Yeon Sang-Ho ne fait pas de quartier si l’on ose dire : c’est une sombre et prenante histoire de zombies qui « préfigure » (un prequel, donc) son film Dernier train pour Busan sorti l’été dernier. On notera qu’il est assez rare qu’un réalisateur aborde aussi bien la fiction classique (en prises de vue réelles) que l’animation : Yeon Sang-Ho est également l’auteur de The King of Pigs paru en DVD et VOD l’hiver dernier et il travaille actuellement aux dernières touches de The Fake, son prochain film d’animation. Pour en revenir à Seoul Station, on signalera également que c’est une des rares réalisations à avoir une dimension socio-politique forte (les SDF victimes de préjugés, l’aveuglement totalitaire de l’état de siège, etc.).

Mais le long métrage le plus déjanté — et donc, celui que l’on plébiciste —était assurément Nerdland de Chris Prynoski. On y suit les tribulations passablement trash d’Elliot et John, un scénariste et comédien autoproclamés qui partent à l’assaut d’Hollywood en espérant accéder à la célébrité à laquelle ils rêvent pour leur trentième anniversaire. Après un premier plan voué à l’échec vu leur pedigree, ces loosers magnifiques enchaînent les combines et situations toutes plus foireuses les unes que les autres. Le tout dans une ambiance bien borderline et très colorée. Précision importante, le scénario de Nerdland a écrit par Andrew Kevin Walker (Seven, Sleepy Hollow). Pas sûr qu’il sorte un jour en salle : on ne peut que remercier l’équipe de la Fête de l’Anim pour cette initiative.

Laurent Diouf

> www.fete-anim.com

 

La mathématique

Pourquoi préférer « la » mathématique « aux » mathématiques ? Cédric Villani commence ce MOOC en insistant sur la singularité du terme « mathématique », emprunté au mathématicien Nicolas Bourbaki et mettant en exergue l’unité de la discipline.
« Résoudre des problèmes » n’est-ce pas un résumé de la mathématique ? Le chercheur et mathématicien poursuivra en énumérant trois possibilités d’être un mathématicien « reconnu » (élaborer une nouvelle démonstration, trouver un bon problème ou encore le bon concept) puis classera les chercheurs en deux catégories : ceux résolvant les problèmes et ceux bâtissant des théories.

Dans un deuxième temps, ce chapitre évoquera l’algorithmique (ce dernier pouvant se définir comme la mathématique appliquée à résoudre des problèmes par le truchement de l’outil informatique).
À notre époque, il est devenu fondamental de chercher à comprendre ce qu’un algorithme « peut » ou « ne peut pas faire » : dans ce contexte, la mathématique apparaît comme la discipline idéale pour résoudre ces nouvelles problématiques.
En outre, quelles sont les dates fondatrices de la mathématique ? Il s’agira d’en énumérer quelques-unes et de voir en quoi la période de la Grèce antique (avec Euclide, Pythagore, Archimède, etc.) a-t-elle construit la forme mathématique actuelle, en tant que science du savoir et de la vérité.

Un cours animé par Dominique Moulon pour le Mooc Digital Media de l’École Professionnelle Supérieure d’Arts Graphiques de la Ville de Paris.
Réalisé à l’Institut Henri Poincaré. Co-produit par MCD. Mars 2017.
> http://moocdigitalmedia.paris/cours/la-mathematique/